Interview

Drogue de synthèse - Me Neil Pillay: «Il faut une sensibilisation tous azimuts»

La drogue de synthèse gagne du terrain. Existe-t-il un cadre légal pour dissuader sa prolifération, surtout parmi les jeunes ? Me Neil Pillay, qui aborde le sujet dans un entretien accordé au Défi Plus, est pour une sensibilisation tous azimuts.

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La drogue de synthèse est apparue récemment sur le marché des stupéfiants. Elle gagne du terrain, surtout chez les jeunes. Mais il y a un vide juridique. Votre opinion…
 
 
 
La drogue de synthèse est effectivement une nouvelle venue sur le marché. Les vendeurs sont devenus plus entreprenants en exploitant les faiblesses de certaines lois et la lenteur apparente de notre processus d’institution de nouvelles lois. Pour rappel, toute substance considérée comme une drogue dangereuse est prescrite (ou si vous voulez est inscrite sur une liste) dans la Dangerous Drugs Act (DDA). Cela a été voté au Parlement et promulguée par le président de la République. Donc, toutes les substances qui s’y trouvent sont interdites et une personne que l’on a arrêtée en possession de ces substances ou qui en a importé ou qui en distribué serait passible de poursuites judiciaires. Cette liste dans notre loi n’est pas exhaustive, mais cela prend du temps pour l’amender afin d’ajouter d’autres substances. Car cela doit passer par toute la procédure de rédaction, de vote au Parlement, de promulgation, afin de devenir enfin une loi. Entre-temps, les vendeurs/trafiquants exploitent cette lenteur relative, d’où cette apparence de vide juridique. Cependant, je vais plus loin. Les fabricants de ce type de drogue sont devenus plus rusés et ils cherchent à inventer des drogues qui pourraient ne pas figurer sur la liste de la DDA.
« Nous devons communiquer avec nos enfants d’une façon réelle et non superficielle. Mettons le portable de côté… »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est quoi une drogue de synthèse ?

C’est en fait tout ce que vous pouvez imaginer en mélangeant différentes substances susceptibles de faire planer le consommateur tout en faisant fi de sa santé. Alors que le cannabis dans certains pays est utilisé à des fins médicinales en toute légalité, cela n’est pas le cas dans notre pays. Personnellement, je déplore cette situation, car je pense qu’avec des contrôles stricts et à des fins médicinales uniquement, l’on devrait autoriser son utilisation. Tel n’est, bien sûr, pas mon avis sur d’autres drogues, dont l’héroïne, la cocaïne ou même les drogues de synthèse. Ces dernières sont même produites localement et d’après ce que j’ai compris, sa composition varie avec divers genres de produits. Ça passe du thé vert mélangé avec d’autres produits dangereux, à des plantes exotiques ou hallucinogènes avec des produits chimiques nocifs à la santé.

 

Que dit notre législation ?

Notre loi a été amendée en septembre de l’année dernière pour ajouter certaines substances chimiques et leurs dérivés, qui sont donc maintenant des substances prohibées, mais l’imagination des fabricants et trafiquants de drogue de synthèse travaille à la vitesse de l’éclair, pourrait-on dire !

Cette drogue peut être commandée en ligne. Quelles sont les implications légales à Maurice ?

On peut tout commander en ligne, mais à vos risques et périls ! Une personne qui serait importateur d’une drogue figurant sur la liste interdite, autre qu’une importation dûment autorisée sous les articles 12 ou 13 de la DDA, risque, dépendant des circonstances de l’affaire et de la nature de la drogue interdite saisie, si elle est trouvée coupable, d’une amende ne dépassant pas Rs 1 million et d’une peine de servitude pénale n’excédant pas 25 ans, selon la discrétion du magistrat saisi de l’affaire.

Qu’en est-il des circonstances aggravantes ?

Selon l’article 41 (1) de la DDA, il existe des circonstances aggravantes qui attirent, sous l’article 41 (2), une sentence du double de la peine imposable par la cour (voir la réponse précédente), sur un verdict de culpabilité. Certaines de ces circonstances aggravantes sont : (a) qu’une personne de moins de 18 ans soit impliquée dans le délit en question ; (b) que cette drogue ait été offerte, livrée à une personne de moins de 18 ans, à une personne handicapée ou à une personne qui suit des traitements de désintoxication ; (c) que cette drogue ait causé la mort d’une personne, qu’elle ait causé de graves problèmes de santé à autrui ; (d) que le délit ait été commis dans une institution pénale, une école, une université ou autre institution à vocation d’enseignements, un hôpital, une clinique ou encore un établissement ou un endroit utilisé par des élèves à des fins sociales ou récréatives et ses alentours. De plus, si selon les circonstances de l’affaire, le prévenu est considéré comme un trafiquant de drogue, par exemple, si la valeur de la drogue interdite saisie est de plus Rs 1 million – selon l’article 41 (3) et 41 (4) de la DDA, la peine que la cour peut imposer, dépendant de sa discrétion, est une amende ne dépassant pas Rs 2 millions qui devrait aussi être accompagnée d’une peine de servitude pénale ne dépassant pas 60 ans ! Notre loi prévoit donc pas mal de situations où des délits seraient punissables avec de lourdes sanctions possibles.

Comment lutter contre ce fléau qui prend de l’ampleur ?

Par la sensibilisation tous azimuts ! Par l’éducation, mais aussi une prise de conscience et de responsabilité des parents, qui se doivent de reconnaître les symptômes d’un enfant consommateur ou même vendeur de drogues. Par exemple, reconnaître le changement d’attitude de l’enfant, la chute des résultats scolaires, la transformation en termes de langage, de caractère et des habitudes, les changements vestimentaires, les signes externes d’une richesse inexpliquée, les fréquentations… Nous devons communiquer avec nos enfants d’une façon réelle et non superficielle. Mettons le portable de côté ainsi que nos problèmes personnels et occupons-nous de nos enfants.

Quid du mineur qui commet un délit en vertu de la DDA ?

Le mineur, qui commet de tels délits sous la DDA, risque une arrestation. Ce mineur sera appelé, tout comme un adulte, à fournir des explications sur les faits qui lui sont reprochés. Étant mineur, un parent ou un proche devra être présent pour son interrogatoire et l’enregistrement de sa déposition. Attention ! Ce proche ne peut pas être n’importe qui. Le mineur sera informé de ses droits constitutionnels et une fois sa déposition enregistrée, la police pourrait objecter à sa remise en liberté conditionnelle avec le résultat que ce mineur pourrait être détenu dans une institution spécialisée pour les mineurs, comme le RYC, au lieu d’être emprisonné. Il existe des articles dans notre loi (par exemple, sous la Juvenile Offenders’ Act) qui autorisent la cour à se montrer plus clémente et souple, au vu de l’âge du mineur et des circonstances et faits propres à une affaire. Cependant, cela ne doit en aucun cas être interprété comme étant une raison qui pourrait encourager les mineurs à commettre des délits, ou pour certains, d’encourager des mineurs à faire leurs sales besognes. Le mineur potentiellement risque les mêmes peines qui, normalement, peuvent varier entre une amende de plusieurs milliers de roupies et la détention pour ces mineurs. Il faut noter que la cour pourrait ordonner à ce que le parent ou la personne responsable du mineur paie cette amende. Ainsi, le RYC rentre en jeu au lieu de l’emprisonnement. Un mineur ne peut aussi être condamné à la servitude pénale.

 

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