Cinq personnes meurent chaque mois après avoir consommé des stupéfiants. C’est ce qu’avancent les travailleurs sociaux sur le terrain. En ce lundi 26 juin, le monde observe la journée internationale de la lutte contre l’abus et le trafic de drogues, l’occasion pour tous les pays de faire le bilan de leur contribution contre ce fléau mondial. Derrière les chiffres, les mesures et autres campagnes, on retrouve des familles violemment frappées par les travers de la drogue….
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« Ed mwa ! Mo pa kone ki pou fer ek mo zanfan… » Ces mots ont résonné très fort. Pallavee, 46 ans, une habitante de Vacoas, a exprimé son désespoir sur les ondes de Radio Plus la semaine dernière. Le récit qui a suivi témoigne de toute la détresse de cette maman qui souhaite vraiment trouver une solution pour retirer son enfant de cet univers infernal : « Mon fils n’a que 19 ans. Je voudrais l’aider, mais je ne sais quoi faire. À plusieurs reprises, je l’ai emmené à l’hôpital. Un jour, un infirmier a fini par me dire « Madam, be si ou garson pe anvi pran ladrog, les li ». Mais comment puis-je rester là les bras croisés et regarder mourir mon enfant ? »
Une situation inquiétante, selon Danny Philippe de l’ONG Lead, qui déplore l’absence d’une structure adéquate pour accueillir les jeunes victimes de la drogue. « On les place dans le Rehabilitation Youth Centre (RYC) ou le Correctional Youth Centre alors qu’il n’y a ni soins ni encadrement appropriés là-bas », dit-il.
La société civile est montée au créneau, jeudi dernier, lors d’une conférence de presse à l’hôtel St-Georges. Y étaient présents Mgr Ian Ernest, le père Mongelard et le réverend Eddy Cheong See ainsi que Danny Phillippe de l’Ong LEAD. Le Collectif Urgence Toxida (CUT) y était représenté par Kunal Naik. Ils tirent la sonnette d’alarme affirmant que cinq personnes décèdent d’une consommation de stupéfiants par mois. Ces derniers se sont montrés critiques envers le gouvernement qui, disent-ils, ne collabore pas suffisamment avec les ONGs. Les mesures budgétaires (voir hors texte) ne semblent pas non plus les convaincre.
Comme Pallavee, beaucoup de familles souffrent de la drogue, soit parce que leurs enfants en sont accros, soit parce qu’ils sont derrière les barreaux. Certains pleurent leur mauvais choix et d’autres pleurent ceux qui ne sont plus là…
Dénoncer : pourquoi ? Comment ?
« Qui nous protègera ? » C’est que se demandent souvent les personnes qui ont vent d’une transaction louche dans leur entourage à l’instar de Yogesh B, un habitant des hautes Plaines-Wilhems : « Comment se fait-il que bien souvent nous donnons des informations à la police mais elle n’intervient pas ? On nous demande des preuves. Vous pensez vraiment que c’est de notre devoir de mettre notre vie en danger pour aller traquer ces bandits. D’ailleurs, je pense que la majorité d’entre eux sont connus des services de police. De plus, nous ne sommes pas en sécurité. Peut-on faire confiance à la police pour préserver notre identité ? » se demande-t-il.
À cette question l’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, affirme que toutes les informations obtenues à ce sujet sont traitées avec beaucoup de professionnalisme et confidentialité: « Les gens ont parfois l’impression que la police ne fait rien. C’est faux. Nous prenons compte de toutes les informations que nous recevons et une équipe se charge de vérifier la véracité de ces propos. Aucun citoyen n’aurait aimé que d’un seul coup de fil, on fait une descente des lieux à son domicile et qu’on fouille sa maison de fond en comble ». Il ajoute que toute personne qui pense avoir des informations peut contacter de manière anonyme la hotline de la police (148).
Au niveau de la MRA, les officiers rappellent au public qu’il faut alerter les autorités de tout cas suspect. Pour cela, toute personne peut les contacter à travers leur site web ou sur leur hotline.
Ce que dit la loi
Les drogues de synthèse sont illégales à Maurice depuis 2013. Ainsi, toute personne trouvée coupable d’en avoir consommé risque une peine de prison ne dépassant pas deux ans et Rs 50 000 d’amende. En ce qui concerne le trafic de drogues, la peine de prison est de 5 à 25 ans avec une amende allant jusqu’à Rs 1 million.
Y a-t-il une pénurie de drogues en ce moment ?
Question légitime avec toutes ses saisies de la Anti drug And Smuggling Unit (Adsu) et des services douaniers ces derniers jours. Les travailleurs sociaux sur le terrain répondent que tel n’est pas le cas. Selon eux, il n’y a pas de flambée de prix en ce moment. Ils avancent au contraire que la situation est de plus en plus alarmante surtout avec le nombre de jeunes qui consomment de la drogue synthétique.
Budget 2017-2018
Les mesures que préconise Pravind Jugnauth pour combattre le trafic de drogue et le blanchiment :
- Recrutement de 583 policiers.
- Rs 440 M pour l’installation de caméras de surveillance dans les régions à risque.
- Rs 8,4 Md pour l’achat d’équipements de sécurité.
- Rs 2,9 Md pour la construction d’un nouveau quartier général pour la National Coast Guard à Fort William.
- Renforcement de la Brigade des mineurs.
- Plus de visites et de patrouilles policières dans des zones à risque et un soutien technique plus efficace.
- Provision pour la création d’une Académie de police.
- Acquisition de deux ‘body scanners’ pour la prison de Melrose et la Prison centrale de Beau-Bassin.
- Recrutement de 35 officiers de prison.
- Amendement à la Gambling Regulatory Authority Act en vue de combattre la connexion entre les paris illégaux et le blanchiment.
- Une somme de Rs 100 M sera remise à la Mauritius Revenue Authority pour l’achat d’équipements de pointe.
- Mise en place d’un Drug Control Master Plan qui bénéficiera du coup de main du gouvernement et de l’UNODC.
- Le nombre d’officiers de l’Adsu passera de 400 à 450. La flotte de véhicules sera également renforcée.
Témoignages
A., 28 ans, toxicomane : «Mon mari ne me laisse pas m’approcher des enfants»
Après deux ans passés en prison, A.F a été libérée il y a quelques mois. Devenue SDF, parce qu’elle n’ose pas se rendre chez ses proches, elle a accepté de nous raconter son histoire : « J’avais un casier judiciaire vierge, mais la police m’a prise avec quelques grammes et j’ai été condamnée. C’est ainsi que j’ai tout perdu, ma famille, mes enfants. Mon mari ne veut pas que je m’approche d’eux. Ils ont trop honte de moi. Lui m’a dit que j’étais un monstre et que mes enfants méritaient mieux que moi. Maintenant que je suis en liberté, je souffre encore plus de leur absence. Il m’arrive d’être positive, mais la plupart du temps, je ne songe qu’à me laisser aller. C’est dur de se battre quand on a personne à ses côtés, quand on a aucune raison de le faire ».
Vanisha, 33 ans : «Nous sommes endettés et mon mari ne trouve plus de travail»
Une faute qui ne s’efface pas. Voilà comment ce jeune couple qualifie « la punition » qu’ils subissent tous les deux parce que son mari a consommé du cannabis. Ce dernier était employé d’une municipalité et a été licencié. Maintenant, cela fait cinq ans qu’il est au chômage. Il n’arrive pas à trouver du travail. Notre avenir à tous les deux est compromis, car étant seule à travailler, je n’arrive pas à subvenir aux besoins de notre enfant et à m’occuper des dépenses de la maison. D’ailleurs, faute de ne pouvoir rembourser notre emprunt, nous allons sans aucun doute perdre cette maison bientôt. »
Mohinee Noyan, 24 ans : «Mes enfants ont besoin de leur père»
Le récit de Mohinee Noyan, 24 ans, habitant L’Espérance-Trébuchet, avait ému plus d’un. Cette mère de famille et son mari avaient été arrêtés en janvier pour une histoire de cannabis. Elle a, par la suite, été libérée sous caution, alors que son époux, âgé de 24 ans également, est toujours en détention provisoire. Elle a enclenché des démarches pour récupérer ses enfants pris en charge par la CDU. Loin de son mari, elle a d’abord craqué, mais elle s’est vite reprise pour faire face aux difficultés. Ses enfants ont trois ans et cinq mois, et la jeune femme tient le coup tant bien que mal… malgré la solitude : « Mes enfants ont besoin de leur père. Ils ne nous restent que des photos de lui. J’espère qu’il reviendra très vite pour que mes enfants puissent grandir à ses côtés » avance la jeune femme d’une voix brisée.
Atelier de travail ce mardi
Les membres du Conseil des religions ainsi que les représentants des ONGs organisent un atelier de travail. Le thème de cette session ‘The Social and Health Impact of Drug Policies’ aura lieu mardi 27 juin au Centre Bahaï à Belle-Rose. Objectif : se concerter pour plaider auprès des autorités pour combattre le trafic de stupéfiants sur le plan national.
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