Faits Divers

Drame de Bel-Air : à 10 et 14 ans, ils voulaient éviter le meurtre de leur mère

Les enfants Nawfal, Saahil et en médaillon Shabneez Mohamud, la victime.

Leur vie ne sera plus jamais la même. Nawfal et Saahil, âgés de 10 et 14 ans respectivement, ont tragiquement perdu leur mère. Leur père, Nasureedhin Mohamud, 38 ans, a, lors d’une dispute conjugale, mardi, ôté la vie de celle qui les avait mis au monde, Shabneez Mohamud, 33 ans. Depuis ce drame, les deux enfants du couple ont été pris en charge par leur oncle. Les images de ce matin fatidique ne cessent de les hanter. 

Les cadres de la Child Development Unit (CDU)  et un psychologue du ministère de l’Égalité des genres assurent le suivi psychologique de ces deux jeunes. À la suite de cette tragédie, les deux enfants sont allés habiter chez leur oncle à Camp-Chapelon, Pailles. Les fonctionnaires de la CDU ont pu constater les conditions dans lesquelles vivent actuellement les deux enfants. Cependant, ils n’ont pu leur parler, la famille préférant renvoyer cet entretien à une date ultérieure. Ils devront soumettre un rapport prochainement sur l’état psychologique des deux jeunes qui ont vécu un véritable cauchemar. 

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J’ai vu ma mère au lit, la bouche ouverte, elle était déjà morte."

Le jour du meurtre, les deux jeunes ont tous deux été malmenés par leur père alors qu’ils tentaient de venir en aide à leur mère. Pour l’aîné, Saahil, ce n’est pas la première fois qu’il est brutalisé par son père. « Mo papa inn deza batt mwa lor mo ledo ek sang inn gayn environ dezan. Sa zour la mo pa tro rappel ki ti arrive, me li ti batt mwa lor ledo ziska disan kouler. Mo mama ti dir nou all lopital », explique l’adolescent. Mais il avait préféré ne pas ébruiter l’affaire.

« Comme c’est mon père, je ne m’en suis pas soucié. J’ai préféré ne pas le dénoncer à la police. Je l'avais pardonné », poursuit-il.  Toutefois, au fil des mois, les choses se sont empirées jusqu’au matin du 10 septembre.

«  Monn leve, mo tann mo mama ek papa pe laguerr for for», explique pour sa part le cadet. L’enfant essaie de comprendre ce qui se passe. Il a été témoin de l’agression de sa mère. « Mo papa ti pe batt mo mama. Mo mama so lizie finn gayn dimal», ajoute-t-il. Les deux enfants ont essayé de s’interposer. 

« Linn pran mo ti frer linn avoy lor mwa », lâche Saahil. Puis le benjamin s’est sauvé à travers la fenêtre pour aller avertir la police. Son frère aîné a calmé sa mère puis s’est lui aussi rendu à la police. Mais leurs efforts pour sauver leur mère n’ont pas donné les résultats escomptés. Ils déplorent la passivité des policiers. « Si la police nous avait porté attention plus tôt, ce meurtre aurait pu être évité », regrette Saahil.

Lorsque les deux enfants sont retournés chez eux, le mal était déjà fait. « J’ai vu ma mère au lit, la bouche ouverte, elle était déjà morte », se souvient Nawfal, le cadet.  « Mon père n’aurait pas dû tuer notre mère. S’il nous aimait vraiment, il aurait dû se séparer de notre mère et non la tuer », lâche pour sa part l’aîné au bord des larmes. Les deux enfants tentent de faire face à ce drame avec l’aide de leurs proches.

Naseerudhin Mohamud a participé à une reconstitution des faits, vendredi matin. Il répond d’une charge provisoire de meurtre. Après cet exercice, il a été reconduit en cellule policière. 

L’inaction de la police décriée

« C’est au officier en charge, présent à ce moment, de décider quelle requête est prioritaire. Cependant, il y a des contraintes, les policiers peuvent être pris ailleurs par d’autres requêtes », nous explique un haut gradé de la force policière basé à l’Emergency Response Service. Selon le protocole en place, la police doit immédiatement répondre à toute requête quand la vie d’une personne est en danger. « Il peut y avoir une raison derrière un retard. Il faut une enquête approfondie pour savoir ce qui s’est passé», ajoute notre source. « Aucun policier n’aurait ignoré de plein gré l’appel de détresse de ces enfants », explique pour sa part le président de la Police Officers’ Solidarity Union, Jaylall Boojhawon. Il dénonce cependant les contraintes qui affectent des policiers dans les postes de police à travers l’île. Il parle de manque d’effectifs, d’équipements et de véhicules. « Beaucoup de personnes ne connaissent pas la réalité des policiers sur le terrain. Le policier qui se trouve en fonction ne peut quitter son poste. C’est une unité qui répond aux requêtes. En cas d’accident ou de bagarre, l’unité ne peut quitter les lieux avant de s’assurer que la situation est revenue à la normale. Il aurait fallu plus d’unités dans les différents postes de police », explique Jaylall Boojhawon. Il dénonce également le gaspillage de ressources humaines.  Le responsable  du Police Press Office, l’inspecteur Shiva Coothen, affirme que seule une enquête peut révéler ce qui s’est passé après ce meurtre. Une autre enquête a été ouverte en parallèle pour faire la lumière sur les témoignages des deux enfants de la victime. 
Danny IP Kai Yuen


Cinq policiers font l’objet d’enquête pour non-assistance 

Cinq policiers, dont un Sub Inspector, un sergent de police et trois constables, font l’objet d’une enquête pour non-assistance à personne en danger. Se basant sur des plaintes et les dires des enfants du couple Mohamud, la Criminal Investigation Division de l’Eastern Division a initié cette enquête, en parallèle avec celle visant à faire la lumière sur la mort de Shabneez Mohamud, 33 ans, survenue mardi matin. Son époux, Naseerudhin Mohamud, 36 ans, soupçonné de l’avoir tuée, a déjà été arrêté. Les cinq policiers ont déjà fait l’objet d’un ordre de transfert. Leurs interrogatoires se sont déroulés « under warning» et se poursuivront en début de la semaine prochaine. 

À la fin de la semaine écoulée, les responsables de la police de l’Eastern Division ont procédé à l’interrogatoire de certains de ces cinq policiers. Selon les premiers éléments de l’enquête, les agissements des policiers au moment où l’alerte sur la mort de Shabneez Mohamud a été donnée ne seraient pas selon les normes des Standing Orders. Les policiers du poste de Bel-Air Rivière-Sèche sont pointés du doigt pour s’être rendus sur les lieux du drame bien après que l’alerte n'ait été donnée par Nawfal, âgé de 10 ans, le fils cadet du couple. Le garçon explique avoir parcouru le trajet de son domicile jusqu’au poste de police à pied pendant environ une quinzaine de minutes pour alerter les policiers. Saahil, le frère aîné qui a, lui, aperçu un policier qui gérait la circulation, a aussi donné l’alerte. Mais le policier lui aurait demandé de se rendre au poste de police. Le frère aîné, âgé de 14 ans, a alors été contraint de se rendre au poste pour alerter les policiers. Les policiers lui auraient demandé de patienter jusqu’à ce qu’il perde patience et retourne à son domicile. 

Lors de leurs interrogatoires, l’un des constables explique qu’il n’y avait pas de véhicule disponible à cet instant. Or, les images de caméras CCTV démontrent le contraire. Ses supérieurs ne sont pas convaincus de ses explications. Un autre policier a expliqué qu’il attendait du renfort avant de se rendre sur les lieux. Mais des sources proches de cette enquete soulignent que des images accablantes, démontrant les agissements des policiers à cet instant, ont été récupérées. Cette affaire risque de faire grand bruit dans les jours qui viennent. 
 

 

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