Psychiatre à la retraite, le Dr Vinod Ramkoosalsingh a longtemps travaillé à l’hôpital Brown-Séquard.
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Il livre ses impressions concernant les maladies mentales dont la journée est observée le lundi 10 octobre.
« Il faut briser le tabou et la stigmatisation. »
Les maladies mentales semblent être plus communes de nos jours. Quelles en sont les causes ?
Il y a plusieurs facteurs. Les conflits dans un couple peuvent déboucher sur une maladie mentale comme le stress et la dépression. Les conjoints peuvent aussi souffrir d’une maladie mentale, en cas de séparation, de divorce ou de rupture sentimentale. Cela peut affecter aussi les enfants qui peuvent vivre une situation de stress, en raison de la carence affective et une absence de sécurité.
La maladie mentale peut aussi survenir en cas de décès dans la famille ou encore de départ des enfants à l’étranger pour des études. Pour les jeunes, le stress à l’approche des examens ou la compétition à outrance peut être un facteur de maladie mentale. Mais cela peut aussi survenir pendant la quête d’un emploi, alors que le jeune a son diplôme en main. Et concernant le travail, la perte d’emploi peut aussi être un facteur déclenchant. La pression au travail où tout est axé sur la productivité peut avoir une incidence sur la santé mentale, cela en l’absence d’un bon équilibre de vie. Ceux qui souffrent des maladies comme le diabète ou le cancer peuvent également être affectés psychiquement. Les maladies mentales peuvent se manifester dès l’adolescence.
Voulez-vous dire que le stress et la dépression sont les maladies les plus communes ?
À Maurice le stress qui mène à la dépression est un facteur de risque pour d’autres maladies comme l’hypertension, le diabète, la maladie cardiovasculaire et la gastrite, entre autres. Mais cela peut aussi mener quelqu’un vers la boulimie ou l’anorexie. Chez les personnes âgées, on trouve principalement la démence. Et ceux qui abusent de l’alcool et/ou de la drogue ou qui en dépendent peuvent également avoir des troubles psychiques. Mais comme je le disais, la maladie mentale peut commencer dès l’adolescence et je constate qu’il y a de plus en plus de jeunes qui sont affectés, bien que cela concerne tout le monde et toutes les couches sociales.
Concernant la schizophrénie, par exemple, elle se manifeste avant l’âge de 30 ans et particulièrement pendant la période de l’adolescence. Cela peut être dû au facteur environnemental, génétique, au stress, aux changements biologiques au niveau du cerveau. C’est ce qu’on appelle un débalancement des neurotransmetteurs alors que pour le corps on parle de débalancement hormonal.
Mais en aucun cas il ne faut s’alarmer, mais se prendre en main et aller consulter un médecin pour avoir le traitement approprié. Et j’ajoute que la dépression est plus commune chez les femmes, mais que le stress est aussi présent chez les hommes que chez les femmes.
Comment savoir si une personne souffre d’une des maladies mentales auxquelles vous faites allusion ?
On peut remarquer cela à travers un changement de comportement de la personne. Par exemple, si quelqu’un qui était populaire s’abstient de parler à son entourage c’est un signe de mal-être. Il va aussi se négliger, va éprouver du chagrin et aura l’air tout le temps triste et va s’isoler de plus en plus avec une tendance de se renfermer et va perdre l’estime de soi. Il éprouvera des troubles du sommeil et aura aussi des maux de tête fréquents, des douleurs au dos. Ceux qui sont atteints de la schizophrénie auront, en sus des divers symptômes mentionnés, des hallucinations et vont délirer.
Que devrait-on faire en pareille situation ?
Il est important d’agir rapidement et consulter un médecin. Il ne faut pas banaliser la maladie mentale ou en avoir peur. Mais le tabou persiste. Il y a des personnes qui n’hésitent pas à demander de l’aide, mais d’autres restent dans leur coin et cachent leur maladie. Et quand ils se décident enfin à se faire soigner, il est trop tard pour remédier à la situation.
En cas de changement de comportement chez un membre de la famille, il faut consulter un médecin. Depuis quelques années, il est possible d’aller dans les hôpitaux régionaux pour cela, grâce aux départements de psychiatrie qui y ont été créés. Cela dans le but de briser un peu plus le tabou et déstigmatiser la maladie mentale.
Pourquoi cette stigmatisation est-elle aussi tenace, alors qu’il y a eu une grande évolution dans le traitement des maladies mentales ?
Il y a malheureusement encore cette perception que ceux souffrant de maladies mentales sont violents et qu’il faut les interner. Mais avec les nouvelles molécules qui étaient développées et les médicaments disponibles, il y a eu une révolution dans le traitement. De nombreux cas ne nécessitent plus un internement, car on arrive à maîtriser et à stabiliser le patient, afin qu’il puisse toujours évoluer au sein de la société.
Quelle attitude devrait adopter la société vis-à-vis de personnes souffrant de maladies mentales ?
D’abord il faut essayer de convaincre ceux qui sont malades de se faire soigner surtout ceux qui souffrent de schizophrénie, car ils croient qu’ils ne sont pas malades. Avec le vieillissement de la population, nous avons de plus en plus de personnes qui souffrent de problèmes psychiques qui sont attribués à leur âge. Et elles sont donc considérées comme normales. Elles ont alors tendance à croire que c’est normal et qu’elles vont arriver à s’en sortir par eux-mêmes. Leur sentiment de tristesse va à ce moment-là perdurer alors qu’elles auraient pu avoir une vie plus heureuse en cherchant de l’aide. Il ne faut pas avoir honte de se sentir faible. Il faut chercher de l’aide quand on est atteint d’un trouble mental.
Vous avez évoqué diverses causes des maladies mentales. Est-il possible de les prévenir ?
Il suffit de mener une vie saine, de faire de l’exercice régulièrement, de bien dormir et d’avoir suffisamment d’activités de loisirs. Si on prend des boissons alcoolisées, il ne faut pas en abuser et si on ne boit pas mieux vaut s’abstenir de le faire.
Il est aussi possible de retarder les effets du vieillissement qui entraînent les maladies telles que l’Alzheimer. Il suffit de rester actif intellectuellement, de rencontrer les autres et de participer à des activités des clubs du 3e âge pour ceux qui ont pris leur retraite. À la maison il faut tout le temps essayer de s’occuper et de ne pas rester inactif. Même si on passe beaucoup de temps devant la télévision, il faut prendre le temps de discuter avec les autres des programmes qu’on a regardés. Il en est de même pour les lectures qu’on a faites : journaux ou livres.
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