
Depuis sa nomination à la tête du National Productivity and Competitiveness Council (NPCC), le Dr Vinaye Ancharaz souhaite insuffler un nouvel élan à une institution souvent discrète, mais stratégique pour le développement économique du pays. Dans cet entretien, il partage sa vision, les priorités de son mandat et sa lecture des grandes réformes économiques et sociales en cours.
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En tant que nouveau directeur exécutif du NPCC, quels sont les grands axes de votre feuille de route ? Quelles priorités vous êtes-vous fixées pour faire avancer la mission de l’institution ?
L’objectif central est de contribuer de manière concrète à l’amélioration de la productivité dans tous les segments de l’économie mauricienne. Le NPCC a pour mission non seulement d’accompagner les entreprises dans leur démarche de performance, mais aussi d’encourager une culture de productivité au sein de la population. Ce qui inclut aussi bien les entreprises privées que les organismes publics, les étudiants et même les foyers. Le mandat comprend également une dimension d’efficience dans la gestion des ressources.
Il est aussi important de renforcer la visibilité de l’organisme. Aujourd’hui, beaucoup de personnes ignorent ce que nous faisons, alors que nous sommes actifs dans plusieurs domaines essentiels au développement du pays.
Disposez-vous, à ce stade, des moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour concrétiser vos objectifs ? Ou faudra-t-il renforcer la capacité du NPCC pour relever les défis actuels ?
Nous faisons face à certaines contraintes, c’est indéniable. Mais nous avons déjà engagé plusieurs programmes, aussi bien dans les entreprises publiques que privées. Nos services couvrent la consultation en affaires, la formation, ainsi que l’accompagnement dans la transformation numérique, entre autres.
Dès ma prise de fonctions, j’ai procédé à un exercice d’évaluation de l’ensemble de nos programmes ainsi qu’à une révision de notre budget pour la prochaine année financière. L’idée est d’optimiser nos ressources et de nous concentrer sur les initiatives à fort impact.
Le NPCC est appelé à jouer un rôle moteur dans la promotion de la productivité et de la qualité à l’échelle nationale. Comment comptez-vous affirmer l’indépendance stratégique de cette mission, sachant que l’organisme opère sous la tutelle du ministère de l’Industrie ?
Le NPCC, bien qu’il soit sous la tutelle du ministère de l’Industrie, travaille de manière transversale. Nous collaborons avec des fonctionnaires, des employés du secteur privé, des jeunes en formation, ainsi que des femmes au foyer. Notre rôle est de promouvoir un état d’esprit orienté vers la productivité.
Le budget qui nous est accordé ne couvre pas entièrement nos ambitions, mais c’est aussi le cas pour d’autres organismes. En parallèle, nous générons des revenus à travers nos prestations de services de conseil. Il s’agit de trouver l’équilibre entre les ressources disponibles et nos objectifs.
Ce budget marque un tournant dans la reconnaissance du rôle de la productivité.
À la lumière du Budget 2025-26, estimez-vous que les mesures annoncées sont à la hauteur des enjeux de productivité et de compétitivité auxquels fait face le pays ?
Ce budget marque un tournant dans la reconnaissance du rôle de la productivité. Pour la première fois, elle y occupe une place importante. Les trois piliers autour desquels s’articule ce budget sont essentiels. Le gouvernement mise sur la recherche, le développement et l’innovation pour parvenir à ses fins. Le lancement de l’Innovative Mauritius Scheme, une incitation fiscale destinée à soutenir la recherche et le développement, est une initiative pertinente. Le gouvernement alloue aussi un fonds de Rs 200 millions pour encourager les politiques innovantes dans divers ministères. D’autres éléments comme la transformation numérique et l’intelligence artificielle figurent également parmi les priorités.
Il est vrai que la productivité a stagné dans plusieurs secteurs, notamment le textile et le manufacturier. Ce budget jette les bases d’une transformation nécessaire pour que Maurice puisse renforcer sa compétitivité dans un contexte régional.
Le coût des opérations demeure un point noir pour de nombreux opérateurs économiques. Les annonces budgétaires apportent-elles, selon vous, des pistes concrètes pour alléger cette pression ?
Le coût des opérations est largement influencé par des facteurs structurels. Un budget peut y apporter un certain soutien, mais il ne peut pas tout résoudre. Pour cette édition, il n’y a pas de mesures spécifiques qui réduisent directement les coûts pour les entreprises. Toutefois, certaines dispositions favorisent les PME, ce qui peut leur offrir un certain répit.
L’essentiel, c’est la dynamique économique. Une économie en croissance offre plus de débouchés aux entreprises, et c’est ce qui, à long terme, améliore leur rentabilité.
Le NPCC sera-t-il appelé à jouer un rôle actif dans l’accompagnement et le suivi de la mise en œuvre des mesures liées à la productivité dans ce budget ?
Nous avons déjà des programmes bien ancrés, comme notre service de Business Development and Consultancy. Nos actions vont de la formation à l’optimisation des processus internes, en passant par la réduction des gaspillages. Nous mettons également en œuvre des formations en leadership, un volet essentiel à la productivité. Notre travail avec les étudiants vise à encourager l’innovation et la créativité, en leur fournissant les outils nécessaires pour devenir des entrepreneurs compétents.
En tant qu’économiste, quel regard portez-vous sur la réforme des pensions, qui suscite une vive controverse ? Aurait-elle, selon vous, pu être conçue ou introduite différemment ?
En abordant ce sujet avec ma casquette d’économiste, je dirais que le débat sur la réforme des pensions n’est pas nouveau. Il a été évité pendant longtemps, car politiquement sensible et impopulaire. Or, dans le contexte actuel, le statu quo est difficilement tenable.
Le système de pension universelle non contributif tel qu’il existe consomme une part importante du budget de l’État – environ 35 %. Ce qui dépasse les montants accordés à la santé et à l’éducation combinés. C’est une réalité préoccupante. Nous faisons face à un défi démographique : plus de retraités, moins d’actifs. Sans réforme, le système s’essoufflera. Le risque est que, dans un avenir proche, l’État ne soit plus en mesure d’assurer cette pension universelle. Il fallait donc intervenir.
Enfin, avec l’extension de l’âge légal de la retraite à 65 ans, quels impacts anticipez-vous sur la productivité, notamment dans les secteurs dans lesquels les conditions de travail sont particulièrement éprouvantes ?
Il est clair que dans certains secteurs qui exigent des efforts physiques intenses comme l’agriculture ou la construction, la productivité peut décliner avec l’âge. C’est un aspect qui mérite réflexion. Il serait pertinent de considérer des mécanismes de flexibilité pour ces travailleurs, leur permettant de partir à la retraite avant l’âge légal tout en recevant un soutien adapté. Mais cette question ne relève pas directement de mon rôle.
D’un autre côté, prolonger la durée d’activité peut aider à maintenir une certaine productivité, surtout dans un contexte dans lequel la main-d’œuvre se fait rare. Le pays est confronté à un vieillissement de sa population et à une baisse du taux de natalité. Ce qui renforce la nécessité d’une approche globale dans le traitement de cette réforme, pour en comprendre toutes les implications économiques et sociales.

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