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Dr Vasantrao Gujadhur : « Fine ouvert trop vite ek trop brite »

Maurice connait une flambée dans le nombre de cas de Covid-19. Ce, à un moment où le pays ouvre ses frontières et accueille à nouveau des touristes. Pour l’ex Director of Health Services du ministère de la Santé, cette situation tombe mal avec un risque élevé de contracter et de répandre le variant Delta qui sévit à travers le monde.  
 
N’avez-vous pas l’impression de prêcher dans un désert car aucune de vos suggestions ou idée n’a été prise en considération par les autorités ?

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En tant que médecin spécialisé en santé publique, bien qu’à la retraite, cette situation de crise humanitaire m’intéresse, voire m’interpelle. Aussi, je me considère un patriote. Je ne peux rester insensible à la situation. Je fais donc des suggestions là où j’estime des améliorations peuvent être apportées. Il ne faut pas oublier que lorsque les cas de contaminations étaient en hausse parmi les patients dialysés, j’étais parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme, notamment sur la façon dont le transport de ces patients se faisait. Comme tout le monde je souhaite que le nombre de cas diminue. Je fais des propositions mais le dernier mot revient au gouvernement, dont les décisions sont hors de mes contrôles. 

Pensez-vous que cela pourrait avoir un rapport avec votre présence dans une conférence de presse de Nando Bodha, ministre démissionnaire du MSM ?

Je ne crois pas. Je n’ai pas d’agenda politique. Je suis un médecin et un technicien. Je suis de près l’évolution de la situation. J’ai des amis issus de tous les partis politiques

Du coup, il n’y a aucune chance que vous soyez candidat aux prochaines élections ?

Non. Je n’ai aucune affiliation politique. Le temps dira si cela va changer, ou pas. Mais pour le moment, je suis médecin et je me concentre sur ce que je fais. 

Vos détracteurs n’ont donc aucune raison de vous considérer comme un « anti gouvernement » ?

Non. En tant que médecin, mon travail c’est de faire des suggestions là où il faut. Surtout lorsque des choses ne tournent pas rond, je suis là pour le dire. D’ailleurs, je l’ai fait à maintes reprises. Mais bien sûr, la décision finale revient au gouvernement. 

Selon vous, qu’est-ce qui expliquerait cette hausse dans le nombre de cas à travers le pays ?

La question qu’on doit avant tout se poser est la suivante : est-ce que Maurice aurait dû faire face à une autre vague ? Les derniers cas de contaminations locales importants remontent à août 2020. En début d’année, il n’y a eu quasiment pas de cas local, si ce n’est que quelques uns. Donc forcément, l’origine des nouveaux cas provient de l’étranger. Mais vous me direz que les frontières sont fermées et qu’un système de quarantaine a été mis en place. C’est pour cela que lorsque les premiers cas ont ressurgi en mars, dès lors j’avais attiré l’attention sur la présence des cas dans la communauté ainsi qu’une possible faille dans le système de quarantaine.   

Comment expliquez-vous cette « faille » ?

Ils ont modifié les règlements en quarantaine. Dans le passé, si une personne était testée positive au 14ème jour, tout le monde se trouvant dans ce centre de quarantaine devait rester pour 7 jours additionnels. Mais ils ont changé ce règlement et je pense que la faille provient de là. Une analyse sérologique entreprise plus tard a d’ailleurs révélé que le virus à l’origine de la deuxième vague est celui du variant B1.1.318 qui sévissait dans de nombreux pays, dont la Grèce, le Canada, entre autres. La thèse que ce variant est arrivé à travers un passager a aussi été confirmée dans une étude de la Dr Liji Thomas, publiée dans un article sur le site de la revue NEWS Medical Lifescience.

Pour en revenir à Maurice, comment expliquez-vous cette flambée dans le nombre de cas ?

A une gestion catastrophique de la situation avec la première phase de réouverture. ‘Finn ouver tro vit ek tro brit !’ En sus d’une mauvaise planification il y a aussi eu des mauvaises décisions, dont l’octroi de dizaines de milliers de WAP alors que le virus sévissait toujours. La deuxième phase de réouverture est venue exacerber la situation. Sans compter qu’il y a trop « d’experts ». D’ailleurs, elles sont au moins deux autorités à s’en occuper : la Santé d’un côté et le Prime Minister’s Office de l’autre. 

Mais les situations de résurgences, nous en constatons à travers le monde, pourquoi Maurice devrait y faire exception ?

Je ne dis pas que nous aurions dû être exemptés mais nous aurions pu mieux contrôler la situation et ne pas avoir autant de cas sur les bras à gérer. Aujourd’hui, tout le monde est un suspect car le virus circule partout. Un autre élément qui a contribué à cela est la mauvaise stratégie de communication adoptée par les autorités. Elles donnent l’impression que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu’il n’y a rien de préoccupant. Cela laisse à penser que tout va bien et occasionne forcément un relâchement dans la population. C’est à ce moment-là que vous vous retrouvez avez des « cluster maryaz », « cluster laniverser », « cluster katam » ou encore « cluster funeray ». 

Justement, nous constatons que les communiqués de la Santé ne mentionnent plus les régions où des cas ont été répertoriés. Quelle pourrait en être la raison et quelles sont les implications ?

Lorsque vous faites de la communication de risque, il faut que vous soyez ‘accurate and timely’. Lorsque ce n’est pas fait de cette manière, les informations n’ont pas de sens pour le citoyen lamda. Or, cela aurait pu permettre au public de prendre des précautions additionnelles et être plus vigilants par rapport à ces régions où ces cas ont été enregistrés. De plus, lorsque les informations ne sont pas précises, il y a la désinformation qui mène à des Fake News.  

Vous vous êtes exprimé contre l’instauration des zones rouges. Ne pensez-vous pas que c’est intéressant dans le sens où cela n’affecte que ceux qui habitent une région et pas tout un pays ?

Il faut avant tout savoir sur quels critères repose l’instauration de ces zones rouges. Sur le nombre de cas recensés ? Sur la vitesse à laquelle le virus se propage ? Serait-ce sur des critères scientifiques ? Actuellement, on n’en sait rien. Je m’interroge aussi sur l’efficacité et l’objectif de ces zones rouges, au vu du nombre de cas que nous avons aujourd‘hui et que le virus s’est répandu partout.  Pour moi, le système de zone rouge n’a pas sa raison d’être à Maurice. Sauf s’il y a des contaminations dans la communauté et qu’on n’arrive pas à savoir qui contamine qui. Sinon, il aurait fallu traiter les cas positifs, mettre les contacts en quarantaine, effectuer une surveillance et dépister. Sans compter que le système de zone rouge n’est pas self-sufficient. 

Vous demandez un confinement national d’au moins deux semaines. Pensez-vous que ces deux semaines suffiront à redresser complètement la situation ?

En ce moment, nous roulons au ralenti. Certains enfants ne vont pas à l’école. Des bureaux ont dû fermer temporairement. Et les cas augmentent. Le virus ne circule pas tout seul. C’est nous qui le transportons. C’est pour cette raison que je ne cesse de demander, depuis avril-mai, un confinement national strict d’au moins deux semaines, sans octroyer de WAP. La situation sera ainsi davantage sous contrôle. Et si besoin est, on devrait pouvoir prolonger le confinement d’une semaine. 

Mais le Premier ministre adjoint, Steven Obeegadoo, a clairement fait comprendre que le gouvernement ne pourra soutenir économiquement un autre confinement national. 

J’ai cru comprendre que le système de quarantaine a coûté jusqu’ici quelque Rs 600 millions. C’est énormément d’argent. L’impact économique associé à une nouvelle vague et une hausse considérable dans le nombre de cas comportent aussi des coûts, sans compter les ressources qu’il faut injecter en termes de personnels, d’équipements médicaux et autres. Quelle aurait été la différence si on confinait pendant deux semaines ? Or, actuellement, les centres de quarantaine sont en train de se remplir, ce qui requiert un personnel additionnel. N’allons-nous pas épuiser ce personnel ? Sans compter les heures supplémentaires qu’il faudra payer. 

Pourquoi exprimez-vous des craintes par rapport à la phase initiale de réouverture des frontières alors que les passagers devront tous obligatoirement passer par l’étape de la quarantaine ?

Que ce soit clair. Tôt ou tard il faudra rouvrir nos frontières. Mais il faut que cela se fasse au bon moment, en tenant compte notamment de la situation dans le monde. Nos principaux marchés touristiques sont dans le rouge en termes de nombre de cas. La France et l’Angleterre connaissent leur 4ème vague avec la propagation du variant Delta et la Réunion est sous couvre-feu. Je ne dis pas que tous les passagers qui vont venir seront des cas positifs, je souligne seulement qu’ils proviennent de pays où le nombre de cas explose. 

Ajouté à cela, dans les Resort notamment, où ceux vaccinés pourront circuler librement à l’intérieur, ils seront en contact avec le personnel de l’hôtel. Bien que le personnel soit aussi vacciné, cela n’empêchera pas les cas d’infection et de transmission. D’autant plus que c’est connu que le variant Delta est plus transmissible et aussi plus résistant aux anticorps. Si ce personnel rentre chez lui à la fin de la journée, il pourra apporter le virus chez lui et subséquemment dans la communauté.  

Il y a un nombre croissant de cas positif dans le milieu scolaire. Certains demandent la fermeture des écoles. Qu’en pensez-vous ?

J’ai constaté que les cas d’infection des étudiants et des enseignants, pour la plupart, n’ont pas eu lieu en milieu scolaire mais ailleurs. Il n’y a pas eu jusqu’ici de cluster dans une école quelconque. Du coup, si on procède à la fermeture de l’école seulement, le problème ne sera pas résolu car le virus circule à l’extérieur. D’où la nécessité, je le répète, d’un confinement national. 

La ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookhun-Luchoomun estime que « nou bizin kapav adapte ». Partagez-vous cet avis ?

Je suis d’accord qu’il faut qu’on s’adapte mais est-ce que les différentes parties prenantes : étudiants, enseignants et parents, y ont été préparés ? Actuellement, c’est le responsable de l’école qui décide de maintenir l’école ouverte, ou pas. N’aurait-il pas fallu avoir un plan ? L’Éducation a eu une année pour s’y préparer. Là, ils sont en train de procéder sans une véritable organisation. N’ont-ils pas tiré de leçon du cas de l’école Melbees à Floréal où enfants et parents avaient été mis en quarantaine ?

Les cas de contamination dans les dortoirs se multiplient. Cela vous surprend-t-il ? 

Non. Car contrairement au protocole en place pour les membres du public en cas de contamination – les positifs en traitement, les autres en quarantaine sous surveillance du personnel médical avec des tests réguliers – dans les dortoirs, on demande à ces employés de rester à l’intérieur. Mais de par la réalité de bon nombre de dortoirs – étroits, peu ventilés, avec plusieurs personnes dans une chambre et plusieurs personnes utilisant les mêmes facilités – ces logements restent inappropriés pour pratiquer l’isolation. Ils vont s’infecter les uns les autres. 

Mais il se trouve que les employés concernés, pour la grande majorité, sont vaccinés. Comment expliquez-vous cette contamination ?

Une personne vaccinée peut tout à fait contracter le virus. Mais en cas d’infection, une personne vaccinée pourra être asymptomatique ou ne développer que des symptômes légers. Le vaccin empêche le développement de maladie grave, diminue le risque d’hospitalisation et ainsi que celui de la mortalité. Mais en aucun cas un vaccin garantit l’absence d’infection et de transmission. Ces travailleurs sont vaccinés certes mais ils habitent dans un environnement propice à la propagation. 

Comprenez-vous que ces cas de contamination de personnes vaccinées poussent la population à remettre en question l’efficacité des vaccins ?

C’est parce que la population n’a pas été suffisamment informée et sensibilisée. Les vaccins ont été testés en fonction des risques de développer des maladies graves, critique ou de décès. Mais aucun n’est lié avec le risque d’infection. Il est donc connu que les vaccins n’empêcheront pas l’infection et la transmission mais encore faut-il que l’information soit correctement transmise à la population. C’est pour cette raison aussi que la population doit être constamment sensibilisée sur le respect des gestes barrières également.

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