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Dr Takesh Luckho, économiste : «Maurice n’a pas suivi les recommandations de Moody’s»

L’abaissement de la notation de Moody’s pourrait avoir de graves conséquences pour le pays, craint le Dr Takesh Luckho. L’économiste brosse un tableau sombre de la situation économique à Maurice, d’autant que le monde est au bord d’une récession économique.

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Moody’s a revu à la baisse sa note pour Maurice. Quelles en seront les répercussions pour le pays ?
C’est une mauvaise nouvelle pour le monde des finances car le pays se trouve maintenant à la dernière notation sur l’échelle en termes d’investissement. Si par malheur Moody’s revoit de nouveau sa note à la baisse, nous tomberons dans la catégorie « Junk Status ». C’est-à-dire que Maurice deviendra une destination qui n’est pas recommandée pour des investissements et des placements aux yeux des investisseurs internationaux. 

Cette baisse était attendue. La dernière fois, Moody’s avait revu sa note avec des perspectives négatives et avait fait une série de recommandations pour que Maurice redresse la situation. Malheureusement, le gouvernement ne les a pas suivies, tout comme il ne l’a pas fait pour les recommandations émanant de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). 

Avec la décision de Moody’s de revoir sa note à la baisse, Maurice pourrait perdre sa crédibilité aux yeux des investisseurs. Déjà, quand Maurice se trouvait dans les listes noire et grise, le secteur Global Business Companies, principalement les Européens, était réticent à venir à Maurice. Maintenant avec la baisse au niveau de la notation de Moody’s, c’est encore un coup dur pour les éventuels investisseurs et aussi pour le secteur financier mauricien qui reprenait des forces après notre sortie des listes noire et grise.

Le ministre des Finances parle d’une amélioration de la situation économique à partir de janvier 2023. Qu’en pensez-vous ?
Sans vouloir être pessimiste, j’estime qu’il est trop tôt pour le dire. D’abord, les institutions internationales comme la Banque mondiale et le FMI craignent une détérioration de la situation économique mondiale face à une résurgence du Covid-19 dans plusieurs grandes économies. Il y a également la guerre en Ukraine qui pourrait durer encore longtemps et qui a des effets néfastes sur l’économie mondiale. Ces experts appréhendent même que le monde soit au bord d’une récession économique. 

Je crains une inflation à deux chiffres. C’est de mauvais augure pour le pays.»

D’autre part, le ministre des Finances mise sur 1,4 million de touristes d’ici juin 2023. Est-ce réalisable à un moment où les pays européens, qui constituent nos principaux marchés touristiques, pourraient entrer en récession ? Je trouve que c’est trop ambitieux. 

Il faut prendre en considération d’autres facteurs comme l’appréciation du dollar et la baisse de l’euro. Il ne faut pas oublier que nous importons en dollar et exportons principalement en euro. 

Face à tous ces facteurs, je crains fort que la situation économique ne s’améliore pas à partir de janvier 2023.  

En prenant en considération tous ces facteurs, quelle est votre prévision du taux de croissance pour 2022 ?
Dans son Budget, le ministre des Finances table sur un taux de croissance de 8,5 %. J’aimerais attirer l’attention sur le fait que ce n’est pas la première fois que le ministre des Finances annonce des chiffres assez ambitieux. L’année dernière, il avait misé sur un taux de croissance de 9 % mais on a difficilement atteint un taux de 6,3 % ou 6,4 %. 

Il a parlé de 1,4 million de touristes. Pour être plus réaliste, je dirais qu’on pourrait s’attendre à au moins 800 000 touristes. Mais au cas où il y a une résurgence de la variole du singe et du Covid-19, on pourrait ne se retrouver qu’avec seulement 600 000 voire 750 000 touristes. 

Si l’on se base sur ces chiffres, le taux de croissance pourrait tourner autour de 6,5 % à 7 %. »

Maurice pourrait perdre sa crédibilité aux yeux des investisseurs.

Pensez-vous que la montée inflationniste va durer encore longtemps ? 
Comme on le sait, à Maurice l’inflation est causée principalement par trois facteurs, soit le prix du carburant, le coût du fret et la dévaluation de la roupie. On constate que le prix du pétrole a chuté par 20 % sur le marché international mais pour une raison ou une autre, je ne crois pas qu’il y aura de baisse immédiate des prix de l’essence et du diesel à la pompe à Maurice. 
Si jamais le prix du pétrole continue de chuter sur le marché mondial, notamment en raison d’une baisse au niveau de la demande à cause de la récession, éventuellement il y aura une baisse des prix de l’essence et du diesel. Ce qui allégera les prix des commodités et des services sur le marché local. 

Les deux autres facteurs qui provoquent l’inflation sont le coût élevé du fret et la dévaluation de la roupie. En raison de la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les pays européens, les investisseurs se tournent davantage vers le dollar qui prend l’ascenseur et, par conséquent, la roupie mauricienne perd en valeur. Ce qui explique que les coûts de nos importations sont plus élevés. 

Je crains fort que même avec la récession, le coût du fret continuera de grimper. Ce qui me fait craindre qu’on pourrait se retrouver avec une inflation à deux chiffres. C’est de mauvais augure pour le pays.

 

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