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Dr Siddick Maudarbocus : «Les drogues synthétiques sont extrêmement toxiques et causent des dégâts irréversibles au cerveau»

Lorsqu’on parle de drogue, que doit-on inclure dans cette définition ?
Toute substance qui altère le fonctionnement du cerveau et le comportement d’un individu doit être considérée comme une drogue. Cela inclut l’alcool, le cannabis, l’héroïne et toutes les molécules définies par la loi. Cependant, aujourd’hui, nous sommes confrontés à un nouveau type de substances. Ce sont les drogues synthétiques qui posent un problème majeur, car elles sont composées de molécules artificielles qui font beaucoup de tort.

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Quels sont les dangers de ces drogues synthétiques ?
Elles sont extrêmement toxiques et peuvent causer des dégâts irréversibles au cerveau. Même en tant que médecins addictologues, nous avons encore beaucoup à apprendre sur leurs effets. Elles se développent à une vitesse fulgurante, plus rapidement que les progrès scientifiques permettant d’en étudier les conséquences. Ce que nous constatons déjà, c’est qu’elles sont bien plus destructrices que l’alcool, l’héroïne ou même le cannabis.

Quel impact ont-ils sur la perception et la réactivité des consommateurs, en particulier des conducteurs ?
Lorsqu’une personne consomme une drogue, quelle qu’elle soit, sa perception de la réalité change. Elle peut voir un chemin droit tandis qu’il est courbé ou penser qu’elle roule lentement alors qu’elle va à toute vitesse. Cela la met en danger, ainsi que les autres usagers de la route. Or, avec les drogues synthétiques, ces perturbations sont décuplées. 

Certains consommateurs deviennent suicidaires quelques jours après l’ingestion. D’autres prennent le volant sans mesurer le risque. Il y a une urgence à légiférer pour interdire formellement la conduite sous l’influence de substances psychoactives.

Quels sont les signes qui permettent d’identifier une personne sous l’influence de ces substances ?
Le comportement change visiblement. On note une absence de connexion visuelle, une sorte de « voile » dans le regard et un flottement dans une autre dimension. Les expressions faciales et le langage corporel deviennent incohérents, et les réactions sont altérées.

La police est-elle formée pour détecter ces signes ?
Malheureusement, non. Aujourd’hui, les policiers effectuent des contrôles de routine, vérifient les permis, mais ils ne sont pas suffisamment formés pour repérer les signes d’une conduite sous influence. Cela pose un problème de sécurité publique. Il est impératif de leur fournir une formation spécifique, et d’intégrer également cette sensibilisation dans les écoles afin que les enseignants puissent identifier les élèves consommant ces substances.

Pourquoi, selon vous, tant de personnes se tournent-elles vers la drogue ?
La drogue est une échappatoire. Nous vivons dans une société malade, obsédée par l’immédiateté : « fast-food, fast-sex, fast-everything ». Beaucoup recherchent une sensation d’euphorie parce qu’ils sont déconnectés de leur véritable moi.

Malheureusement, toutes les campagnes de sensibilisation menées jusqu’ici ont eu peu d’impact, car elles ne prennent pas en compte un élément fondamental : l’humain est un être émotionnel. Il ne réfléchit pas rationnellement lorsqu’il est face à ses vices. Un exemple serait les médecins qui fument tout en étant conscients que la cigarette a des effets nocifs. Cette attitude démontre qu’il est difficile de contrôler une addiction par le raisonnement et l’intelligence seulement. 

Quels types de mesures seraient efficaces pour endiguer ce problème ?
D’abord, il faut des sanctions strictes. Toute personne causant un accident sous l’influence de la drogue devrait voir son permis suspendu immédiatement pour au moins un an. Elle ne pourrait le récupérer qu’après avoir passé un test de compétence.

Une garde à vue de 24 heures serait aussi dissuasive. Ensuite, un suivi obligatoire en centre de réhabilitation pendant au minimum un mois pour toute conduite sous influence est essentiel. La réhabilitation peut aller jusqu’à quatre mois dépendant des substances consommées. 

Vous avez évoqué une réflexion sur la dépénalisation du cannabis. Quelle est votre position ?
Le cannabis reste une drogue, et personne ne devrait conduire sous son influence. Cependant, il peut être un outil de réduction des risques. Contrairement aux drogues synthétiques, il est mieux compris et son impact est moins destructeur. En dépénalisant le cannabis de façon réglementée, on pourrait proposer une alternative contrôlée aux consommateurs de substances plus dangereuses. 

L’exemple de pays comme les États-Unis et certaines nations européennes montre que de nombreux employés accomplis consomment du cannabis sans que cela affecte leur vie professionnelle ou sociale.

Pensez-vous que la prohibition est une solution efficace contre la drogue ?
Non. Fermer le robinet ne résout pas le problème, car l’humain a une tendance naturelle à rechercher des sensations fortes. Le corps produit d’ailleurs ses propres opiacés naturels. Cependant, la crise sociale que traverse Maurice, couplée à l’entrée des drogues synthétiques, crée une situation explosive. Il est donc crucial d’agir vite et avec des méthodes drastiques.

Un dernier mot sur la situation actuelle ?
Il y a dix ans, je n’aurais pas envisagé un assouplissement de la loi sur le cannabis. Toutefois, aujourd’hui, face à la montée des drogues synthétiques, nous sommes sur une pente très dangereuse. Nous devons repenser notre approche de la dépendance et prendre des mesures radicales pour sauver des vies. Il faut agir vite. Si nous dépassons 2025 sans agir fermement, nous risquons malheureusement d’atteindre un point de non-retour.

 

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