Interview

Dr Nolwenn Davy: «Une crise d’asthme aiguë peut causer un décès»

Maladie chronique, l’asthme est souvent causé par des facteurs environnementaux ou allergènes. Une bonne gestion de la maladie permet d’éviter des crises. Le point avec le Dr Nolwenn Davy, pneumologue à l’Omega Ark Hospital, anciennement Apollo Bramwell.

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L’asthme touche près de 9 % de la population mauricienne. Est-ce que la maladie est en hausse ?
De manière générale, dans le monde, la prévalence de l’asthme est en augmentation. Différents facteurs seraient en cause : pollution, alimentation, sédentarisation.

« Prendre en charge et traiter l’asthme correctement permet une vie normale. »

Est-ce que ce sont les seuls facteurs ?
Non, il y a aussi une prédisposition génétique. On a plus de risques d’avoir de l’asthme s’il y en a dans la famille. Ajouté à cela l’obésité est un facteur de gravité. Des facteurs hormonaux entrent aussi en jeu. Par exemple, pour les femmes, l’asthme cataménial au moment des règles ou après la ménopause. Puis il y a des facteurs environnementaux : humidité, froid, pollution atmosphérique, fumée, odeur, et les facteurs allergènes : acariens, pollens, poils d’animaux, moisissures.

Est-ce qu’il y a des périodes spécifiques quand les malades doivent prendre plus de précautions ?
Oui, il faut faire attention aux périodes de changement de saison propices aux infections virales sources d’exacerbation de la maladie. Les périodes de floraison de certaines plantes allergisantes sont aussi à prendre en considération. Le froid et l’humidité peuvent aussi être des déclencheurs. Les périodes de grosse chaleur sont aussi délétères pour les patients souffrant de maladies respiratoires, car elles aggravent la pollution dans les villes accentuant les facteurs déclenchant des crises.

Est-il possible de prévenir l’asthme ?
À l’heure actuelle, il n’y a pas de moyens de prévenir la maladie, mais on peut limiter les facteurs déclenchants. L’asthme est une maladie chronique, il existe différents degrés de sévérité justifiant ou non un traitement de fond. Ces traitements sont sous forme de spray ou poudres à inhaler. Agissant directement au niveau de la muqueuse des bronches, ils diminuent l’inflammation chronique et limitent le risque de crise. Connaître les facteurs déclenchants et les éviter permet aussi de limiter les risques.

Que faut-il faire pour gérer la maladie et quelles sont les mesures à adopter pour éviter les crises ?
Il faut bien connaître la maladie, les symptômes et les facteurs déclenchants pour les éviter et agir rapidement en cas de crise. Par exemple en évitant les allergènes, en soignant le reflux gastro-œsophagien, en ayant une bonne gestion du stress et en traitant les infections. Il faut aussi suivre son traitement de fond régulièrement et ne pas l’arrêter sans avis médical et savoir utiliser son traitement de secours, selon les recommandations de son médecin. Quand les symptômes de non-contrôle de la maladie apparaissent, il ne faut pas hésiter à consulter un médecin. Un bilan régulier afin d’adapter celui-ci est aussi nécessaire.

Quelles sont les complications ?
Le risque majeur est la crise d’asthme aiguë grave pouvant conduire au décès. Ce risque peut être évité dans la plupart des cas en suivant un traitement de fond et agir rapidement en cas de crise. La deuxième complication c’est l’apparition progressive d’une obstruction non réversible des bronches. Cela si le traitement est mal conduit où l’asthme non contrôlé risque d’évoluer vers un tableau de bronchite chronique obstructive voire une insuffisance respiratoire chronique. Une autre complication est le risque d’ostéoporose si on a recours de manière trop fréquente aux corticoïdes par voie orale ou injectable notamment avec les corticoïdes de longue durée d’action.

Selon les chiffres du ministère de la Santé, les femmes sont plus touchées par cette maladie, comment expliquer cette tendance ?
Les femmes sont plus touchées à l’âge adulte pour des raisons hormonales (menstruations, grossesses, post-ménopause). L’obésité peut amplifier la crise d’asthme.

Qu’en est-il de la situation chez les enfants ?
Pour les enfants, les garçons sont plus touchés. La diversification alimentaire plus précoce parfois a été mise en cause pour expliquer la hausse de la prévalence de l’asthme. Des facteurs environnementaux au domicile et extérieurs entrent également en jeu. Il existe différents phénotypes d’asthme chez les enfants, mais on ne sait pas encore définir précisément ceux qui resteront asthmatiques à l’âge adulte et ceux pour lesquels l’asthme disparaîtra en grandissant. Il faut aussi souligner que l’asthme n’est pas une fatalité. La prise en charge et le traitement approprié permettent, dans la majorité des cas, une vie normale.

Asthme

Asthme


Une maladie en baisse

Selon le dernier rapport sur les maladies non transmissibles pour 2015, l’asthme touche 8,9 % de la population mauricienne. Alors que la tendance semble être à la hausse dans le monde, le nombre de cas à Maurice est en baisse selon l’Annual Report on Health 2014.

Ainsi de 2 376 admissions liées à l’asthme dans les hôpitaux du service public en 2014, le nombre est passé à 2 366 l’an dernier. Selon une source au ministère de la Santé, cette baisse peut être attribuée aux nouveaux médicaments disponibles. Même le nombre de décès attribué à l’asthme a baissé indique notre interlocuteur. De 182 en 2014, le nombre est passé à 86 en 2015. Mais les chiffres montrent aussi que les femmes sont plus affectées par l’asthme que les hommes. Cela pour des raisons hormonales, entre autres, selon la pneumologue Nolwenn Davy de l’Omega Ark Hospital.

Alors qu’elle évoque des facteurs environnementaux et allergènes, le rapport du ministère de la Santé souligne que la maladie est plus présente chez les anciens fumeurs et touche bien moins les non-fumeurs. Le document précise aussi que les personnes souffrant d’allergies nasales sont plus enclines à souffrir de cette maladie.

D’autre part, le rapport sur les maladies non transmissibles de 2015 fait état d’un plus grand pourcentage de personnes atteintes de l’asthme dans la tranche d’âge de plus de 65 ans avec 13,4 % chez les femmes et 11,1 % chez les hommes.


Un remède trouvé contre l’asthme sévère

Un nouveau médicament testé pour lutter contre l’asthme sévère a montré des résultats probants. En effet, le Fevipiprant s’est avéré efficace sur un groupe de patients au sein duquel une baisse de l’inflammation des voies respiratoires a été notée. Cela en comparaison à un autre groupe à qui un placébo et des médicaments usuels avaient été administrés.

C’est ce qu’a révélé une étude, parue récemment dans la revue britannique Lancet Respiratory Medecine, financée par le groupe Novartis et l’Institut national du Royaume-Uni. Cependant les chercheurs préfèrent maintenir une certaine réserve quant à ces résultats en attendant des essais plus complets et plus longs avant de le proposer aux malades.

Citant le Dr Samantha Walker, directrice d’Asthma UK qui est l’association britannique qui milite contre l’asthme, l’article souligne en effet que « cette recherche est très prometteuse et doit être accueillie avec un optimisme prudent ». Le Pr Hans Michael Haitchi de l’Université de Southampton explique de son côté que d’autres études doivent être effectuées, afin de garantir de la sécurité du médicament et voir « si les crises d’asthme peuvent être diminuées ou évitées » parmi les malades qui souffrent d’une forme sévère « sur une plus longue période ».

 

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