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Dr Kumar Gungadin : «Toute personne est un potentiel donneur d’organes à sa mort»

Depuis octobre dernier, une quinzaine de transplantations rénales ont été réalisées à l’hôpital Victoria. D’ici septembre 2024, une unité de transplantation rénale sera opérationnelle à l’hôpital Jawaharlal Nehru. Actuellement, les prélèvements se font chez les proches des patients.

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La transplantation rénale a repris à Maurice, depuis octobre de l’année dernière. Comment avez-vous accueilli le retour de cette pratique, vous qui êtes médecin légiste ? 
Le diabète reste une préoccupation majeure à Maurice. Ceci dit, le nombre de patients souffrant d’une insuffisance rénale est en nette augmentation. Il est donc primordial d’avoir une unité de transplantation rénale bien établie pour notre petite île. Cette initiative très attendue va produire de très bons résultats. 

Bien sûr, cela doit être fait selon les paramètres légaux, pour éviter les problèmes médico-légaux.

En tant que médecin légiste, vous voyez défiler devant vous de nombreux cadavres. Comment est-ce que cela vous interpelle ? 
Chaque perte de vie est extrêmement douloureuse, mais en tant que scientifiques, nous devons rester professionnels. Ce qu’il faut retenir, c’est que grâce aux autopsies, nous pouvons détecter des maladies qui pourraient être évitées pour d’autres personnes. Il est donc très important de connaître les principales causes de décès dans un pays pour que son gouvernement puisse planifier ses politiques et la répartition des fonds nécessaires pour prévenir davantage de décès.

De plus, la transplantation d’organes provenant d’un donneur décédé peut aider plus d’une personne.

Les organes d’une personne qui est en état de mort cérébrale continuent à fonctionner grâce à des machines...»

Quels sont les organes pouvant être prélevés pour des greffes ? 
Le plus courant est le rein, mais de nombreux autres organes et tissus peuvent également être transplantés, tels que le foie, le cœur, les poumons, le pancréas, l’estomac et l’intestin. En plus des organes, il y a également des tissus qui peuvent être prélevés pour des greffes, tels que la cornée, les os, les tendons, la peau, les valves cardiaques, les nerfs et les veines.

Le Human Tissue (Removal, Preservation & Transplant) Act 2018 prévoit, pour l’heure, la transplantation d’organes entre proches, ce qui limite les possibilités. Que préconisez-vous ? 
Selon moi, l’objectif de permettre la transplantation d’organes entre proches est de maximiser les chances de réussite des greffes, tout en réduisant les risques de rejet. Bien que cette mesure soit relativement simple, je pense qu’il serait judicieux que le gouvernement envisage d’autres options de donneurs dans un avenir proche. 

Par exemple, les parents biologiques (tels que les parents, les frères, les sœurs ou les enfants majeurs), les personnes biologiquement non apparentées ayant un lien personnel ou social avec le patient qui doit être greffé (comme un conjoint, une autre personne importante, un ami ou un collègue) ou encore les personnes biologiquement non apparentées qui ont été informées des besoins du demandeur, pourraient être autorisés à donner leurs organes.

Pensez-vous que le prélèvement d’organes sur des patients décédés sera accepté par la société ?
Bien sûr, tout nouveau projet rencontre des résistances, mais il est important de continuer à évoluer et s’adapter. De nos jours, les gens sont plus conscients de l’importance de la transplantation d’organes et de la façon dont elle peut sauver de nombreuses vies. Avec une éducation et une sensibilisation approfondies, je suis persuadé que le public finira par accepter cette pratique.

Il faut également être réaliste : lorsqu’on se fait soigner dans des pays étrangers, on ne se pose pas la question de l’origine des organes. Alors pourquoi compliquer le processus ici ? 

Selon les dispositions du Human Tissue (Removal, Preservation & Transplant) Act 2018, toute personne est un potentiel donneur d’organes à sa mort, à moins d’avoir imposé son véto par écrit au préalable pour qu’ils ne soient pas prélevés à son décès. Qu’en pensez-vous ?

C’est une excellente disposition prise par la loi. C’est notamment le cas dans d’autres pays. C’est important dans les cas médico-légaux, où le consentement de la personne n’a pas été respecté. Les parents du défunt doivent en être conscients et bien informés. 

Il est crucial que la transplantation ne soit pas entravée par des malentendus. La question du consentement doit être clairement établie dans l’esprit de tous, et cela ne peut être réalisé qu’en éduquant largement la population.

La transplantation des organes sur une personne en état de mort cérébral peut sauver des vies ou de nombreuses personnes qui en ont besoin.»

Dispose-t-on des ressources humaines et techniques nécessaires pour prélever et conserver correctement les organes d’un défunt en vue de leur transplantation chez des patients qui en ont besoin ?
Les techniques et les moyens nécessaires sont disponibles. Le gouvernement forme déjà des médecins et d’autres professionnels pour constituer une équipe qualifiée pour le prélèvement et la transplantation d’organes. Comme dans toute autre filière, l’expérience permet d’atteindre la perfection.

Des directives très robustes doivent être mises à disposition pour éviter les problèmes médico-légaux. L’équipe devra être entièrement dédiée à la transplantation et doit bénéficier des équipements et de la logistique appropriés.

Le don d’organes semble être un sujet tabou ou abstrait pour ceux qui ne sont pas dans la situation de receveur. Pensez-vous qu’il y a suffisamment de campagnes de sensibilisation à ce sujet, en particulier en ce qui concerne le prélèvement cadavérique, pour convaincre les plus hésitants qui ne souhaitent pas mettre leur vie en danger en effectuant un prélèvement de leur vivant ?
Il est important que la notion de « mort cérébrale » soit clairement expliquée à la population afin de comprendre l’importance du don d’organes. Lorsqu’une personne est en état de mort cérébrale, cela signifie que la vie n’est plus possible pour elle, mais que les organes continuent à fonctionner grâce à des machines. Le don de leurs organes pourrait sauver la vie de nombreuses personnes qui en ont besoin. Il est donc crucial de sensibiliser davantage la population à ce sujet, surtout en ce qui concerne le prélèvement cadavérique, pour encourager les personnes hésitantes à envisager le don d’organes.

Bien sûr, dans les cas médico-légaux tels que les accidents de la route, les grands brûlés ou les homicides, des précautions supplémentaires seront prises, car ces cas seront discutés devant un tribunal. L’équipe de transplantation devra obtenir l’autorisation du chef du département médico-légal de la police et tout devra être clairement stipulé dans le dossier médical.

 

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