Interview

Dr Keyu Jin de la LSE: «Maurice doit miser sur les ressources humaines»

Dr Keyu Jin de la London School of Economics
Le Dr Keyu Jin de la London School of Economics, une experte en économie, nous livre ses conseils pour positionner Maurice comme un pays à haute valeur ajoutée à l’échelle mondiale. Quel est le secret derrière le miracle économique de la Chine ? Les réformes ! Ce sont effectivement des réformes qui ont stimulé la création d’emplois et de richesse auprès des agents économiques chinois. La réallocation des ressources des secteurs inefficients vers les secteurs d’activités plus productifs a sans doute causé un effet boule de neige. En 30 ans, la marge de la population active qui travaille dans le secteur agricole a chuté de 70 % à 30 %. Au début des années 90, le gouvernement a opté pour la privatisation et la mise sur pied des politiques et zones industrielles. Il a ainsi mis à la porte un peu moins d’un million de fonctionnaires. Vu que le secteur privé était en plein essor et manquait d’effectifs, ces derniers ont tout de suite été absorbés par les industries. Au fil des ans, il est vrai que la Chine a une population vieillissante, mais elle est passée d’une industrie  à forte intensité de main d’œuvre à d’autres avec une forte intensité de capital. Au début des années 2000, la Chine s’est ouverte davantage à l’économie mondiale à travers l’Organisation mondiale du commerce (WTO), qui lui a été grandement bénéfique. Il faut souligner ici que la forte croissance n’a pas toujours été soutenue. Ce n’est qu’à travers l’intervention du gouvernement chinois que nous avons pu surmonter ces obstacles. La clé de chaque reprise était effectivement des réformes. Comment Maurice peut-elle s’inspirer du succès de l’économie chinoise ? Les réalités mauriciennes diffèrent de celles de la Chine. En tant que petite île en phase de développement, l’externalisation et la globalisation demeurent les maitres mots, tout comme l’ont fait Singapour, Taiwan, la Corée du Sud, entre autres. Je dois mettre l’accent sur la nécessité d’avoir des données précises afin de discerner le contexte dans lequel les réformes doivent se faire. Effectivement, il faut tout d’abord analyser les industries sur lesquelles repose l’économie mauricienne. Il faut les comparer en termes de productivité et identifier les opportunités de croissance. L’accent doit être mis sur le développement des ressources humaines. Il faut aller vers la haute valeur ajoutée et desservir le monde, vu que le marché mauricien est trop limité. C’est la voie à prendre pour promouvoir l’esprit d’entrepreneur. Les incitations nécessaires doivent suivre la politique gouvernementale. Comment expliquer que le taux d’épargne des ménages en Chine est au-dessus de 30 % ? Il est incroyable de constater, à travers les données, que la Chine était au même niveau que les États-Unis concernant le taux d’épargne des ménages vers la fin des années 80 : juste au-dessus des 5 %. Aujourd’hui, elle jouit d’un surplus de son compte-courant, et finance le reste du monde. C’est d’ailleurs l’un des mythes qui restent inexpliqués. Pourquoi les Chinois économisent-ils un tiers de leurs revenus ? Plusieurs raisons sont avancées, notamment que leur culture veut qu’ils soient économes ; le système de pension est inefficient ; il y a une insécurité de l’emploi, etc. Autant d’arguments qui ont d’ailleurs été rejetés. Selon une étude que j’ai entreprise, la raison probable est le déséquilibre entre les sexes. Les hommes économisent davantage afin d’attirer une femme. De plus, la politique gouvernementale de contrôle rigide de la croissance démographique (‘one-child limit policy’) explique que beaucoup de familles se retrouvent avec un seul enfant. Alors, les parents préfèrent économiser pour leur retraite, au lieu de se fier sur leur seul enfant pour subvenir à leurs besoins financiers. Il y a très peu d’études indiquant que le déséquilibre démographique affecte la croissance. Il n’y a pas lieu de s’attarder dessus.
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