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Dr Kevin Teeroovengadum, chirurgien pédiatrique: «Ce n’est pas une honte pour un spécialiste de ne pas tout savoir»

La chirurgie pédiatrique permet une meilleure prise en charge des enfants dont le cas nécessite des interventions complexes. D’où le plaidoyer du Dr Kevin Teeroovengadum pour la mise sur pied d’une unité spécialisée dans ce domaine à Maurice. Le service de chirurgie pédiatrique consiste à opérer seulement les enfants, de la naissance à l’adolescence. Il est reconnu comme une entité à part entière dans les pays développés depuis trente à quarante ans, car les maladies dont souffrent les adultes ne sont pas les mêmes que celles qui se manifestent chez les enfants. « Une unité de chirurgie pédiatrique a besoin d’autres professionnels spécialisés pour s’occuper des enfants – radiologues, anesthésistes, pathologistes et infirmiers, entre autres », explique le Dr Kevin Teeroovengadum. En France, par exemple, on n’a pas le droit d’opérer un enfant qui a le cancer dans n’importe quel établissement hospitalier ou par n’importe quelle équipe. « Il doit être obligatoirement pris en charge par une unité spécialisée. Les responsables des centres hospitaliers se sont rendu compte que cela ne suffit plus de faire de son mieux lorsqu’on opère un enfant. Encore faut-il que le médecin qui l’opère ait toutes les compétences voulues », indique le spécialiste. Et pour devenir chirurgien pédiatrique, cela nécessite plusieurs années d’études, comme c’est le cas en France. Le Dr Teeroovengadum y a étudié pendant quatorze ans pour devenir chirurgien pédiatrique, notamment six années de médecine, trois années de chirurgie générale et cinq années de chirurgie pédiatrique. Il a également travaillé à l’hôpital universitaire Necker-Enfants Malades, en France, avant de faire une demande auprès du ministère mauricien de la Santé, en 2008, pour travailler dans le service hospitalier en tant que chirurgien pédiatrique. Le ministère a accédé à sa requête et lui a même proposé de créer une unité de chirurgie pédiatrique. Le Dr Teeroovengadum est rentré au pays, en décembre 2008, pour prendre son poste en janvier 2009, dans un premier temps, à l’hôpital Victoria, Candos. Il a, par la suite, demandé à être transféré à l’hôpital de Rose-Belle, où il pouvait avoir plus d’espace pour mettre sur pied l’unité de chirurgie pédiatrique. « Pour moi, il faut toujours mettre l’enfant au premier plan. C’est-à-dire mettre en place une structure spécialisée pour le soigner dans les meilleures conditions possibles. En même temps, je suis conscient des limites de notre système de santé. Je ne suis donc pas un rêveur non plus. Je suis assez réaliste pour comprendre qu’une unité de chirurgie pédiatrique à Maurice ne pourra jamais être la même qu’en France. Mais la moindre des choses pour notre pays, c’est d’être en mesure de prendre en charge un enfant dans une unité spécialisée pour ce qui est de la chirurgie », souligne le Dr Teeroovengadum. Or, il y a deux mois, le médecin a décidé de rendre son tablier. Les raisons qui justifient cette décision sont le surmenage, les facilités mises à sa disposition pour lui permettre de développer son unité étaient restreintes et le fait que plusieurs de ses requêtes soient restées sans réponses. « Pendant sept ans, je suis resté à la disposition du ministère de la Santé sur une base permanente. Au départ, je n’avais aucun problème avec cela, puisqu’il fallait tout faire pour tenter de mettre en place une unité de chirurgie pédiatrique », dit-il. Il ajoute qu’il avait même accepté le poste de chirurgien général en l’absence de celui de chirurgien pédiatrique dans le service. « Mais après tant d’efforts, je m’attendais à ce que les choses s’améliorent. Toutefois, rien n’a bougé. Toutes mes requêtes pour améliorer le service sont restées lettre morte. La léthargie m’était devenue insoutenable », explique le Dr Teeroovengadum. Pour lui, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été le refus du ministère de la Santé de recruter un chirurgien pédiatrique français qui était disposé à venir l’épauler pendant une année. Pourtant, insiste-t-il, cette unité spécialisée est d’une importance vitale. Tous les radiologues ne peuvent pas faire de la radiologie pédiatrique correctement, tout comme les anesthésistes ne peuvent pas tous pratiquer de l’anesthésie pédiatrique comme il se doit.

Savoir reconnaître ses limites

Un médecin se doit donc de reconnaître ses limites, lance le Dr Teeroovengadum. « Il y a une sorte d’hypocrisie chez nous sur ce plan. On pense qu’en tant que spécialiste, un médecin doit être en mesure de tout faire. Ce qui n’est pas le cas. Et ce n’est pas une honte pour un spécialiste de ne pas tout savoir ! Cette hypocrisie est en train de nous empêcher de progresser. C’est dommage… » regrette-t-il. Dans la foulée, il trouve important pour les professionnels de la santé de s’asseoir autour d’une table pour passer en revue les cas qui ont été traités. « À l’hôpital Necker-Enfants Malades, où je travaillais, nous discutions régulièrement autour d’une table sur les cas complexes que nous avions traités. Ce qui nous permettait de toujours progresser et d’améliorer nos compétences. Or, ce genre d’échanges entre médecins ne se pratique pas à Maurice. Ce qui est malheureux », constate-t-il.  
   

Être franc avec les patients

En tant que chirurgien pédiatrique, le Dr Teeroovengadum a été appelé à opérer des cas complexes, notamment ceux d’enfants atteints de graves complications et de malformations. « Le cas qui m’a le plus marqué est celui d’un enfant d’un an et demi qui souffrait d’un cancer du foie. Nous avions dû lui faire subir, dans un premier temps, la chimiothérapie. J’ai ensuite dû l’opérer pour lui enlever 60 % du foie. Fort heureusement, son foie avait regagné sa taille normale en l’espace d’un mois. Depuis, j’ai gardé d’excellentes relations avec ses parents. Je pense qu’il est du devoir d’un médecin de toujours expliquer à son patient, en des termes très simples, le mal dont il souffre et la manière dont se déroulera son traitement. C’est ce que j’ai toujours fait avec les parents de mes patients. J’ai toujours été franc avec eux, notamment concernant les risques de complications et les limites de certains traitements », insiste-t-il.  
   

Pétition de Kind Kuts for Kids

L’association Kind Kuts for Kids réclame le retour du Dr Teeroovengadum dans le service hospitalier. Elle a aussi lancé une pétition en faveur de la mise sur pied d’une unité de chirurgie pédiatrique dans le service hospitalier. Quant au Dr Teeroovengadum, il se dit toujours disposé à y retourner uniquement si de meilleures conditions sont appliquées pour son unité. « Je ne réclame rien de plus en termes de salaires, mais plutôt des mesures concrètes pour faire bien démarrer l’unité de chirurgie pédiatrique », conclut-il.
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