
À l’approche de l’évaluation de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group en 2027, les enquêtes de la FCC soulèvent des questions sur la gouvernance à Maurice et l’impact sur sa crédibilité financière régionale.
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À l’heure où une délégation de 10 pays du bloc SADC se réunit à Maurice pour discuter de la résilience financière et de la gouvernance des institutions régulatrices, les enquêtes menées par la Financial Crimes Commission (FCC) continuent de faire la une. Plusieurs figures clés de l’administration publique et du secteur financier ont été auditionnées ces derniers mois, illustrant un mouvement de fond vers la reddition de comptes. Mais ces actions ne sont pas sans conséquence sur la perception des institutions locales, à un moment où l’image du pays entre dans une phase cruciale d’évaluation régionale.
Depuis le changement de gouvernement, la FCC a intensifié ses investigations. D’anciens responsables de la Banque de Maurice, de la Mauritius Investment Corporation (MIC), ainsi que des hauts gradés de la force policière ont été visés. Les derniers en date sont l’assistant commissaire de police (ACP) Gangadin et le surintendant de police (SP) Ashik Jagai, dans une affaire concernant un système de « Reward Money ».
Face à ces investigations, des questions se posent sur l’impact de ces procédures sur la réputation de la juridiction mauricienne, surtout en amont de l’évaluation de Maurice par l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG), prévue en 2027. Cette instance examine les dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans la région.
Lors de l’ouverture officielle du programme de renforcement des capacités du Committee of Insurance, Securities and Non-Banking Financial Authorities (CISNA), le 20 août au Maritim Resort and Spa, à Balaclava, la ministre des Services financiers, Jyoti Jeetun, a abordé de manière directe les répercussions de ces enquêtes.
« Il est vrai que les enquêtes menées par la FCC ne donnent pas une bonne image des institutions du pays et de leur gestion. Mais elles sont nécessaires », a-t-elle déclaré. Pour la ministre, l’enjeu principal n’est pas uniquement de juger le passé, « mais de démontrer que les institutions sont aujourd’hui en mesure de fonctionner de manière rigoureuse et transparente ».
Dans cette perspective, l’efficacité des mécanismes de gouvernance et de contrôle sera un critère majeur aux yeux de l’ESAAMLG. « Certaines personnes doivent rendre des comptes pour des problèmes survenus dans le passé. Le défi est de montrer que les institutions fonctionnent aujourd’hui », a-t-elle insisté. La ministre Jeetun a souligné l’importance d’un respect strict des codes de conduite, des rôles entre les conseils d’administration, les directions exécutives et les opérations courantes.
RÔLE STRATEGIQUE
La conférence du CISNA, qui se tient du 20 au 22 août, s’inscrit dans une volonté affirmée de renforcer les capacités des régulateurs régionaux. Organisée en collaboration avec la Financial Services Commission (FSC) de Maurice, qui abrite également le secrétariat du CISNA, la rencontre porte le thème : « Une vision, plusieurs voix : façonner l’avenir ensemble ». L’objectif est de créer un socle commun de pratiques pour les pays de la SADC en matière de finance durable, de gestion des risques géopolitiques, et de lutte contre les crimes financiers.
Pour Jyoti Jeetun, ces échanges sont cruciaux. « C’est l’occasion d’être au diapason avec les changements mondiaux, qu’ils concernent le climat, l’innovation ou encore la digitalisation des services financiers. Il faut s’assurer que les Conseils d’administration soient compétents, diversifiés, indépendants et responsables », a-t-elle déclaré.
Le Junior Minister aux Finances, Dhaneshwar Damry, a quant à lui souligné le rôle stratégique que peut jouer Maurice au sein de la région. Alors que le secteur financier représente environ 14 % du PIB mauricien, sa contribution dans les autres pays du SADC reste en dessous de 5 %. Selon lui, cette réalité confirme le rôle stratégique de Maurice en tant que plateforme d’investissement vers l’Afrique, tout en conservant son statut investment grade auprès de Moody’s.
Il a évoqué les axes de développement que Maurice entend explorer : finance verte, finance bleue, marché des obligations et technologies financières. Des domaines qui pourraient permettre à la juridiction de consolider sa place comme intermédiaire régional, tout en contribuant à l’agenda de l’Union africaine, notamment le projet Afrique 2063.
Dans le même esprit, le président du CISNA, Kenneth Simataa Matomola, a rappelé les priorités de la conférence, à savoir résilience, innovation, et coopération entre autorités de régulation : « Nous allons nous pencher sur des questions cruciales telles que la finance durable et les risques géopolitiques. La technologie peut jouer un rôle fondamental dans la surveillance et la transparence. »
De son côté, Prakash Seewoosunkur, Officer-in-charge de la FSC, a insisté sur le rôle du régulateur mauricien comme garant de bonnes pratiques au sein du CISNA. Selon lui, « la mise en place de mécanismes de surveillance solides est indispensable pour préserver l’intégrité des opérations, mais aussi pour construire une culture de responsabilité partagée ».
Il a également mis en avant les ambitions du gouvernement mauricien d’aligner son programme économique sur le développement du continent. Dans le budget national 2025-2026, plusieurs mesures ont été annoncées pour renforcer les partenariats avec l’Afrique, en cohérence avec la vision d’une Maurice innovante.
À propos du CISNA
Créé en 1998 sous l’annexe 10 du protocole SADC sur la finance et l’investissement, le CISNA regroupe les autorités de supervision des assurances, valeurs mobilières et institutions financières non bancaires des États membres.

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