La collaboration entre les secteurs public et privé pourrait, selon le Dr Drishtysingh Ramdenee, permettre de relever plusieurs défis. Le secrétaire général de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Maurice explique le rôle que pourrait jouer celle-ci et aborde des sujets d’actualité.
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2025 semble démarrer de la même manière que l’année dernière s’est achevée, sur un front de bataille de chiffres et de l’état économique du pays. Comment atteindre une croissance productive et inclusive ?
Une croissance productive et inclusive requiert une forte convergence entre les autorités et les opérateurs du privé. Nos efforts communs doivent être centrés sur la productivité, afin de maintenir la compétitivité de nos entreprises et de la juridiction. Dans le contexte actuel, notre priorité est de soutenir la revigoration de l’économie et la consolidation de la compétitivité opérationnelle des entreprises pour faire face aux augmentations des coûts opérationnels.
Notre vision repose sur quelques piliers essentiels. Pour l’innovation, nous développons des stratégies de transfert technologique, structurons nos données analytiques et créons des supports financiers adaptés aux PME. Ces mesures visent à accélérer l’émergence de nouveaux piliers économiques.
En matière d’éducation, nous recherchons une meilleure adéquation entre les besoins du marché du travail et le curriculum scolaire. Et nous facilitons l’emploi des talents internationaux dans le cadre d’un plan national d’éducation aligné sur notre vision économique.
La réduction des prix est non seulement une priorité du gouvernement et des consommateurs, mais aussi des opérateurs…»
Voilà plus de deux mois que le nouveau gouvernement est installé. La baisse des prix des produits de consommation qui était une priorité durant la campagne électorale continue d’être un sujet de préoccupation pour les consommateurs. Verra-t-on une réduction des prix notamment des produits importés durant ce premier trimestre 2025 ?
La réduction des prix est non seulement une priorité du gouvernement et des consommateurs, mais aussi des opérateurs. C’est pour maintenir une dynamique saine entre l’offre et la demande qui a toujours existé à Maurice. Le prix des produits dépend de plusieurs facteurs : le taux de change, les coûts des matières premières, de production, de la logistique et de la distribution.
Les prix mondiaux des matières premières en 2024 ont montré des tendances variées. Ils ont été influencés par les tensions géopolitiques, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les conditions météorologiques. Selon la Banque mondiale, en 2024, les prix du riz ont progressé de 34,7 %. Les prix de l’huile de palme ont connu une hausse de 8,7 %. L’Indice FAO montre que les prix de la viande ont augmenté de 7,1 % sur un an.
À Maurice, ces évolutions internationales se sont partiellement reflétées. Malgré plusieurs contextes exogènes complexes et des majorations des coûts d’opération, des efforts sont consentis pour mitiger et amortir les augmentations des prix. Les efforts des entreprises sont d’importance nationale pour maintenir leur compétitivité sur un marché relativement petit, mais très ouvert.
La Chambre de Commerce et d’Industrie de Maurice (MCCI) avait tenu en décembre dernier le Business & Policy Dialogue en présence notamment de quelques nouveaux ministres. Quelle sera la suite des échanges et à quoi peut-on s’attendre dans le court, moyen et long terme suivant les discussions ?
Le Business and Policy Dialogue représente une plateforme d’échanges essentielle entre le secteur privé et les autorités. Nos discussions se sont concentrées sur des pivots stratégiques précis : l’amélioration du climat des affaires, le développement de nouveaux marchés basé sur des données concrètes et la diversification de l’économie.
Nos recommandations s’articulent autour de plusieurs priorités : l’optimisation des coûts d’opération en valorisant la productivité, la facilitation de l’accès à la main-d’œuvre qualifiée et la mise en place d’un plan national de formation qui répond aux besoins de l’industrie.
La MCCI joue également un rôle crucial dans le réseautage international, facilitant les opportunités d’import-export et les partenariats stratégiques à travers notre réseau de chambres de commerce.
En 2025, année de notre 175e anniversaire, nous renforçons notre engagement pour un dialogue constructif entre nos membres et les autorités, contribuant ainsi au développement économique du pays.
Une croissance productive et inclusive requiert une forte convergence entre les autorités et les opérateurs du privé.»
Plusieurs facteurs ont influencé le climat des affaires à Maurice : le coût des opérations et les événements controversés au plus haut sommet de l’État, entre autres. Quels sont les éléments qui peuvent permettre d’améliorer le climat des affaires dans le pays ?
L’efficience administrative est un axe à améliorer, avec l’accent sur un meilleur climat des affaires. Il faut évaluer l’impact des réglementations et permettre aux forces du marché de mieux réguler le fonctionnement des entreprises. Le développement des infrastructures complète ces initiatives, avec des investissements stratégiques dans la connectivité aérienne, maritime et numérique pour soutenir notre écosystème économique.
Les exportations nettes de biens et de services entraîneraient un déficit représentant 9,7 % du PIB en 2024 selon Statistics Mauritius. Quels sont les produits et marchés susceptibles d’augmenter nos exportations, réduire nos importations pour résulter à un déficit commercial moins important ?
Notre rapport Export Insights sorti fin 2023 – nous travaillons sur l’édition 2025 - offre une analyse détaillée des opportunités d’exportation, tant en termes de produits que de marchés potentiels. Cette étude se base sur une analyse approfondie des tendances commerciales et des besoins des marchés internationaux.
Nous entretenons un dialogue constant avec les corps diplomatiques et les organisations commerciales internationales pour développer de nouveaux canaux de distribution et d’approvisionnement. D’ailleurs, notre programme stratégique Xport Accelerator montre des résultats prometteurs dans ce domaine.
En collaboration avec les ministères concernés, nous travaillons à la mise en place d’une structure permettant une diffusion plus large des analyses de marché et le développement d’approches ciblées pour soutenir nos exportateurs. Export Insights, disponible sur notre site web, présente une analyse complète des marchés et des produits à fort potentiel.
Une grosse partie de la facture d’importation de Maurice concerne les produits pétroliers. Les débats sont axés sur les taxes sur le prix des carburants à la pompe. Y a-t-il un moyen de s’approvisionner sur d’autres marchés moins chers ou en produits alternatifs moins néfastes à l’environnement ?
L’approvisionnement en produits pétroliers doit prendre en compte plusieurs facteurs. Si le prix reste un facteur crucial, d’autres critères sont tout aussi importants : la qualité du produit, la sécurité d’approvisionnement et la fiabilité des sources. Notre insularité rend ces considérations particulièrement stratégiques.
En parallèle, nous intensifions nos efforts vers la transition énergétique. Le développement des énergies renouvelables représente une opportunité double : réduire notre dépendance aux produits pétroliers tout en mobilisant l’investissement privé local.
À moyen terme, des alternatives comme le gaz naturel liquéfié (GNL) présentent un potentiel intéressant. Bien que l’investissement initial soit conséquent, l’évolution du marché régional et l’augmentation du nombre de navires utilisant le GNL pourraient rendre cette option viable.
L’évolution de la politique commerciale américaine nécessite de notre part une approche stratégique équilibrée.»
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis risque-t-elle d’avoir un impact sur le commerce international et par ricochet sur la situation à Maurice ?
L’évolution de la politique commerciale américaine nécessite de notre part une approche stratégique équilibrée. Maurice, en tant que petit État insulaire en développement, maintient une position unique basée sur des relations commerciales constructives et de longues dates avec les États-Unis.
Notre force réside dans notre engagement constant pour des échanges commerciaux équilibrés et transparents. Les récentes collaborations, notamment avec les programmes Stanford déployés par la MCCI Business School et Prosper Africa, montrent la solidité de nos relations économiques.
Nous continuons à renforcer nos liens à travers un dialogue soutenu entre les secteurs public et privé, tout en maintenant notre positionnement en tant que partenaire fiable et stratégique dans la région.
Plusieurs défis guettent le secteur portuaire à Maurice. Comment les surmonter efficacement et permettre au port mauricien de retrouver la place qui était sienne dans la région ?
Les récentes mesures ont montré des améliorations dans la performance portuaire, avec une augmentation du nombre de shifts. Nous avons eu plusieurs échanges constructifs avec les autorités à ce sujet.
Cependant, il est important de ne pas relâcher les efforts car les défis persistent. La compétitivité du port nécessite des investissements soutenus dans les équipements et une vision à moyen terme impliquant tous les acteurs : travailleurs portuaires, la Cargo Handling Corporation Ltd, importateurs, exportateurs et opérateurs du bunkering.
La MCCI maintient un dialogue régulier avec la Mauritius Ports Authority, l’Association professionnelle des agents maritimes et les liners pour suivre les progrès et proposer des solutions concrètes d’amélioration.
La MCCI célèbre ses 175 ans d’existence cette année. Comment comptez-vous marquer l’événement ?
Nous marquerons notre 175e anniversaire avec plusieurs initiatives. Celles-ci montreront notre évolution et notre engagement constant. Nous préparons des activités qui souligneront notre capacité d’innovation, notre proximité avec les opérateurs économiques et notre réseau international développé. Cette célébration illustrera également notre rôle dans l’accompagnement de la transition économique de Maurice.
Notre programmation reflètera nos priorités : la facilitation des affaires, nos Business Units, le renforcement du commerce régional et international à travers la diplomatie économique, le développement des PME, l’arbitrage commercial, la formation professionnelle, et l’accompagnement de la transition numérique.
Cette année anniversaire sera aussi l’occasion de moderniser nos services à travers des initiatives numériques. Nous prévoyons des moments d’échange avec nos membres et partenaires internationaux, tout en valorisant les voix et expertises qui façonnent l’économie mauricienne.
Ces célébrations visent aussi à illustrer l’évolution de la MCCI et son rôle dans l’accompagnement de la transition économique de Maurice, tout en préparant l’avenir.
Notre force réside dans notre engagement constant pour des échanges commerciaux équilibrés et transparents.»
Le Sommet du B20 se tiendra en Afrique du Sud en février. Bien que Maurice ne soit pas représenté, peut-on faire entendre notre voix alors que le pays veut jouer un rôle prépondérant dans le développement du continent ?
Notre participation au B20 2023 en Inde, sur invitation de la Confederation of Indian Industry (CII), a permis de promouvoir efficacement le rôle de Maurice comme centre financier et facilitateur d’affaires vers l’Afrique. Cette visibilité a déjà porté ses fruits, comme en témoigne la visite le mois prochain d’une délégation d’affaires de la CII.
Pour le B20 2025 en Afrique du Sud, notre récent accord avec Business Unity South Africa nous permet de maintenir une présence active. Nous avons engagé des sessions de travail constructives et soumis des propositions concrètes sur le positionnement stratégique de Maurice dans la région. Qui sait, nous pourrions avoir la surprise de pouvoir faire entendre notre voix en octobre, comme c’était le cas en 2023 !
Vous aviez parlé il y a quelque temps de la mise en place de sous-comités. Ceux-ci vont permettre aux acteurs du secteur privé de faire un plaidoyer pour l’investissement dans de nouveaux secteurs d’activités économiques, comme la Fintech, la biotechnologie, les technologies numériques. Où en est-on avec ce projet et pensez-vous que suffisamment d’efforts sont consentis vers ces secteurs afin de leur permettre d’émerger à Maurice ?
Nos sous-comités sont pleinement opérationnels et structurent leurs actions autour de plans stratégiques mesurables. Les nouvelles plateformes de dialogue mises en place ont déjà produit des résultats tangibles dans le domaine de la biotechnologie où nous facilitons activement les rencontres entre les entreprises étrangères et locales. Ces échanges ont abouti à plusieurs discussions bilatérales prometteuses qui laissent présager des collaborations innovantes dans un futur proche. Nos commissions - services, industrie et commerce - travaillent en synergie pour créer des plateformes d’échange dynamiques entre les fournisseurs de technologies et les secteurs traditionnels.
Cette approche collaborative s’avère particulièrement pertinente dans le contexte mauricien actuel. En effet, Maurice bénéficie d’un positionnement privilégié dans les services, particulièrement dans le secteur des TIC et l’exportation de services, constituant ainsi un socle solide pour le développement de ces nouveaux piliers économiques. Notre écosystème, caractérisé par sa stabilité politique, son cadre réglementaire favorable et ses infrastructures modernes, est particulièrement propice pour attirer et stimuler l’émergence d’entreprises et de start-ups spécialisées dans les domaines technologiques de pointe.
Cette orientation stratégique permet à Maurice de se positionner comme un hub régional majeur. Il est capable de fournir des solutions innovantes en matière de Fintech et de Regtech, répondant ainsi aux besoins croissants dans la région.
La MCCI s’engage concrètement dans cette transformation numérique à travers diverses initiatives. Le lancement récent de deux outils pionniers par GS1 Mauritius Ltd, en partenariat avec Mauritius Network Services Ltd - Docucheck et Track2Asset - illustre parfaitement cette dynamique. Ces solutions, basées sur la technologie blockchain, révolutionnent la traçabilité et l’authentification des documents et des actifs. Ce qui montre le potentiel pratique de ces technologies avancées dans notre contexte local et régional.
La MCCI dispose de plusieurs accords avec d’autres chambres de commerce. Qu’est-ce qui est fait pour promouvoir le commerce des services ?
Notre stratégie pour le développement du commerce des services s’articule autour d’un réseau international conséquent. À travers nos accords avec des dizaines de chambres de commerce à travers l’Asie, l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’océan Indien, nous facilitons l’accès aux marchés internationaux pour nos opérateurs.
Notre commission sur les services capitalise sur notre présence dans des organisations clés comme le COMESA Business Council et le SADC Business Council. Cette position stratégique nous permet d’analyser les tendances du marché, d’identifier les opportunités émergentes et de développer des services à forte valeur ajoutée.
La Chambre a mis en place une commission portant sur les services et notre stratégie de soutien à la promotion du commerce des services porte sur quatre axes :
- L’analyse des données
- L’engagement avec des chambres de commerce, entre autres
- Une coordination pour des services à valeur ajoutée
- La structuration d’une marque de commerce attractive.
- Notre approche intégrée inclut également des Joint Business Councils avec des partenaires majeurs comme l’Australie, la Chine, l’Inde et la France. Ce qui permet à nos membres d’accéder à une expertise diversifiée et à des opportunités de collaboration dans le secteur des services.
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