People

Dr Dawood Oaris directeur de la clinique Chisty Shifa: «Je frissonne encore en pensant aux violences raciales au Gujarat»

Il est heureux de son parcours et sa famille fait sa fierté. Mais la vie du Dr Dawood Oaris n’a pas été un long fleuve tranquille. Incursion dans l’intimité du directeur de la clinique Chisty Shifa. Le décor sobre de la clinique Chisty Shifa et la simplicité des employés, y compris les médecins, sont à l’image du directeur, Dawood Oaris. Ce dernier, justement, avec un large sourire, raccompagne un patient jusqu’à la sortie. Puis, avec le même sourire, il nous  accueille. Son épouse Shirin, tout aussi avenante, est à ses côtés. Dans une salle voisine, on peut entendre leur benjamin Iqtidaar, également médecin, prendre des nouvelles d’un patient. « Nous avons mis un point d’honneur à faire de nos enfants des personnes humbles, qui aiment les gens, quelle que soit leur classe sociale ou leur communauté », souligne le Dr Dawood Oaris.

Publicité
Sa fierté : ses quatre enfants ont suivi les traces de papa, qui a été le tout premier médecin de la famille Oaris. Mieux, ses gendres et sa belle-fille exercent la même profession. La cerise sur le gâteau pour le petit garçon qui s’était juré de faire carrière dans la médecine. « Je suis né le 17 juin 1947. Je suis issu d’une famille de planteurs à Camp-de-Masque-Pavé. À 13 ans, j’ai perdu ma maman, décédée à la suite de complications, quelques jours après un accouchement. Elle a laissé un grand vide dans ma vie. Comme je n’ai pu la sauver, je me suis juré de devenir médecin pour sauver la vie des autres », confie-t-il.

 

« Ma dignité avant tout »

Le Dr Oaris est resté dans le service hospitalier pendant 18 ans. Il a claqué la porte en 1992, lorsque le ministère de la Santé a interdit aux spécialistes de faire de la pratique privée. « Je ne regrette pas ma décision. Ma dignité est plus importante que tout. »

 

[row custom_class=""][/row]

« Des hindous m’ont protégé »

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16021","attributes":{"class":"media-image size-full wp-image-27079 alignright","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"599","alt":"La clinique Chisty Shifa"}}]]Son père était fier lorsqu’il a intégré le collège Royal de Curepipe. La famille possédant des terres sous culture de la canne, le jeune Dawood a pu, par la suite, mettre le cap en Inde, dans l’état du Gujarat, pour des études en médecine. C’est là-bas qu’il connaîtra l’une des meilleures expériences de la vie, mais aussi l’une des pires. Le pire d’abord. Dans les années 70, il est témoin des violences raciales entre hindous et musulmans. Les affrontements ont duré de 1961 à 1971 et si les chiffres officiels parlent de 1 074 morts, certains avancent le nombre de 2 000 morts, sans compter les blessés, les déplacés et les expropriations. « J’étais posté dans un hôpital pour ma formation pratique. L’on voyait des corps, y compris ceux d’enfants, être balancés depuis des camions. » Le jeune médecin, qui se spécialisera en otorhinolaryngologie, a été marqué à vie par ces événements. « C’était horrible. Je frissonne encore en y repensant. Je revois ces commerces en feu. Je vivais sur le campus et la plupart de mes amis musulmans, craignant pour leur vie, étaient rentrés chez eux. » En tant qu’étranger, Dawood Oaris n’avait nulle part où aller. « J’étais forcé de rester sur le campus et ce sont des hindous qui se sont occupés de moi. Ils m’ont protégé ».

Son âme sœur

C’est aussi au Gujarat qu’il fera la plus belle rencontre qui soit : son âme sœur. « Peu de gens savent que ma femme est hindoue. Comme nous avons fait le nikah, elle a pris le prénom Shirin, mais je ne lui ai jamais rien imposé sur le plan religieux », dit-il. Ce que confirme Shirin, qui insiste que la religion « n’a jamais été source de conflits » dans leur couple. « Je lui dois tout. Tout ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce à Dawood. Notre religion, c’est d’être au service des autres. C’est quelqu’un qui a une grande ouverture d’esprit. D’ailleurs, notre belle-fille et notre gendre sont hindous. Nous devons avoir de l’amour pour autrui, peu importe sa religion et sa race », soutient Shirin. La religion, enchaîne Dawood Oaris, est censée être quelque chose de personnel. « On dit que le mariage se fait au Paradis. Notre religion, on l’acquiert à la naissance et non par choix. Nous ne devons pas nous comporter en extrémistes. Il nous faut respecter et apprécier la religion des autres. Je me suis fait un devoir d’aller à la découverte de toutes les religions. Ceux qui ne me comprennent pas et ne m’acceptent pas, je les envoie balader ! Mon seul souci, c’est ce que Dieu pense de moi et non les autres. Les remarques sur mon couple et ma famille m’affectent peu », ajoute-t-il. Ce qui réjouit le Dr Oaris, c’est que sa famille est soudée. Iqtidaar, qui nous a rejoints entre-temps et taquine ses parents, confirme. « Nous avons  beaucoup de compassion, malgré notre statut. Je pense avoir inculqué ces valeurs à mes enfants. Je leur ai toujours dit de garder en tête qu’un médecin n’est pas Dieu. En fait, Dieu nous guide et nous ne faisons que guérir les malades », soutient Dawood Oaris.  


   

Plusieurs postes

Le Dr Dawood Oaris a occupé plusieurs fonctions jusqu’ici : secrétaire de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA) de 1985 à 1989, président du Muslim Scouts Club, vice-président de la Mauritius Football Association et Associate Professor à l’hôpital ENT. Il y donne des cours depuis 2002 et a été fait Professor Emeritus. Il a aussi présidé le NGO Trust Fund de 2002 à 2005. Ses regrets : le médecin n’est plus perçu comme un role model, la scission de la  GMDOA  en 1980, la mort du football à Maurice, le refus du Medical Council d’enregistrer sa fille, détentrice de deux spécialisations (pédiatrie et médecine interne) – celle-ci a été contrainte de faire son internat dans les hôpitaux pour figurer sur le registre des médecins – et le fait que la formation en Nursing dans le privé n’a pas pris son envol pour améliorer la qualité des soins dans les cliniques.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !