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Dr Bhavish Jugurnath : «Il faut trouver de nouveaux créneaux pour la croissance économique» 

Sans une bonne croissance économique, il sera difficile de soutenir l’État-providence, selon le Dr Bhavish Jugurnath. Il plaide pour un élargissement des pôles économiques afin d’augmenter les revenus de l’État, au lieu de l’imposition de nouvelles taxes. 

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Faut-il apporter une réforme à l’État-providence ?
Pour l’immédiat, le fait que nous nous trouvons dans l’année des élections générales, il y aura certainement des investissements qui seront effectués, comme la pension qui vient d’être augmentée. C’est très bien pour les personnes âgées, mais il y aura probablement beaucoup plus que cela à venir au cours de cette année électorale et surtout avec la présentation du Budget 2024-2025. 

Contrôler la dette sera alors une priorité. Avec les augmentations de la pension et probablement un ajustement des salaires dans le même sillage, il va falloir trouver un moyen de financement afin de ne pas s’endetter davantage.

Augmenter la pension c’est bien, mais il faut une réforme en raison de la situation démographique du pays qui connaît un vieillissement de sa population. De nombreux rapports internationaux ont montré que 30 à 35 % de notre population bénéficie du Basic Retirement Scheme (BRS). Ce nombre devrait augmenter dans les années à venir. D’ici 2035, le taux sera probablement autour de 45 % de la population. Une planification est ainsi très importante en raison du vieillissement de la population. Le gouvernement devrait faire des provisions pour cela afin de maintenir l’État-providence.

Il y a aussi un mismatch au sein de la population, avec de nombreux chômeurs parmi les jeunes, selon le dernier rapport de Statistics Mauritius. Il y a un grand travail à faire, car avec la digitalisation et les modèles économiques qui changent, il est très important de voir comment faire afin que ces jeunes ne se retrouvent pas au chômage. Il faudrait peut-être faire un peu plus de sensibilisation auprès d’eux afin de mieux les orienter.

Pensez-vous qu’il faut aller vers le ciblage de la pension comme cela a souvent été évoqué dans le passé ?
On ne le ressent peut-être pas maintenant, mais statistiquement, la pension universelle sera pénible à supporter quand presque 45 % de la population bénéficiera de la pension d’ici 2035. On a déjà vu des pays, tels que l’Australie et même en Europe, qui ont eu des difficultés à soutenir la pension universelle. 

L’État-providence de Maurice comprend la santé, l’éducation et le transport gratuit, entre autres. Pensez-vous que ce sera soutenable à l’avenir avec le taux de dépendance qui a augmenté selon le dernier Social and Economic Indicator ?
Comme je le disais, je pense personnellement que ce sera difficile. Surtout que nous sommes un « net importer », car nous n’avons pas beaucoup de ressources et que nous avons toujours un déficit budgétaire. On peut se dire que c’est encore soutenable aujourd’hui, mais dans les années à venir, ce ne sera pas vraiment le cas. Il y aura alors probablement un ciblage de la pension ou la population devra prévoir d’avoir un plan de pension quand elle va arrêter de travailler. Il en est de même du côté médical ou de l’éducation. Maurice est parmi les rares pays qui ont autant de services gratuits. Mais nous devons être aussi un peu réalistes.

Il s’agit aussi d’avoir la volonté politique de changer le système actuel. Je ne vois aucun gouvernement qui va proposer le ciblage de la pension, par exemple, ou mettre un frein à toutes les facilités que nous avons aujourd’hui, que ce soit au niveau de l’éducation ou le transport. Mais il faut vraiment avoir la volonté politique pour le faire.

Donc, à court terme, il faudrait proposer le ciblage, mais dès que nous allons dépasser le seuil de 35 à 45 % de retraités, je pense que l’État-providence ne sera pas aussi soutenable. 

Le National Pensions Fund qui garantissait le paiement de la pension a été remplacé par la Contribution Sociale Généralisée (CSG) qui est utilisée pour renflouer le « Consolidated Fund » et ainsi financer divers projets. Quelle assurance avons-nous que ceux qui vont arriver à l’âge de la retraite vont bénéficier d’une pension dans le futur ?
La CSG a été un peu calquée sur ce qui se fait en France pour donner la chance à tout le monde de bénéficier d’une pension. Le fonds devrait ainsi être réservé exclusivement pour la pension afin que les futurs pensionnaires puissent avoir leur dus. 

Pensez-vous que toutes les mesures électoralistes qui ont été instaurées pour élargir l’État-providence pourraient un jour se retourner contre nous ?
Comme je l’ai dit plus tôt, toutes ces mesures sont bonnes, mais il faut aussi soutenir tout cela avec une économie comme la nôtre. Nous n’avons pas une économie qui progresse de manière que nous soyons autosuffisants. 

S’il n’y a pas de changement de paradigme pour trouver de nouveaux créneaux pour la croissance économique, notamment avec de nouvelles industries pour augmenter les revenus de l’État et encourager l’investissement direct étranger, cela va être très difficile pour soutenir l’État-providence. 

Le mot clé c’est une bonne planification et décider si on va continuer avec toutes les prestations sociales. Si tel est le cas, il faut s’assurer d’avoir suffisamment de revenus qui vont être générés pour les financer. Au cas contraire, ce ne sera plus soutenable. 

Est-ce que le gouvernement va imposer de nouvelles taxes, selon vous ?
Je préfère qu’il y ait la création de nouveaux pôles économiques : l’économie bleue, l’intelligence artificielle, etc. Il faut de nouveaux créneaux au lieu de s’appuyer sur les secteurs traditionnels, sinon cela va être très difficile de financer les diverses prestations sociales.  

Mais si on continue avec le modèle existant, il va falloir augmenter les taxes pour les financer. Je ne crois pas que cela serait un alternatif agréable pour la population. Nous attendons beaucoup des investisseurs internationaux et le système de taxation est très important. Augmenter la taxe pour financer l’État-providence n’est pas une option. Mais sans les investissements internationaux, cela va être très difficile pour faire tourner l’économie. La solution demeure d’augmenter la croissance et trouver de nouveaux types de revenus, de secteurs et d’industries.

 

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