D’après le rapport du Global Center on Adaptation, Maurice fait face à des risques climatiques sans précédent. Les pertes pourraient atteindre 10,8 milliards de dollars d’ici 2050, le montant le plus élevé parmi six petits États insulaires étudiés.
Chaque année, des plages disparaissent, des routes sont inondées, et les familles mauriciennes paient le prix du changement climatique. Selon un récent rapport du Global Center on Adaptation, intitulé « State and Trends in Adaptation Report 2025: Small Island Developing States », Maurice pourrait subir 10,8 milliards de dollars (Rs 496 milliards selon le taux de change du jour) de dommages cumulés d’ici 2050. Il s’agit du montant le plus élevé parmi six petits États insulaires analysés, comprenant les Comores, les Maldives, les Fidji, les Îles Marshall et la Barbade.
Le rapport évoque les défis climatiques majeurs qui menacent la stabilité économique et environnementale du pays. La valeur des pertes a été évaluée sous le SSP3 (Shared Socioeconomic Pathway 3, un scénario intermédiaire de réchauffement). Ce montant représente une perte potentielle significative pour le pays dont le PIB s’élève à 14,4 milliards de dollars (Rs 662 milliards) en 2023.
Ces dommages concernent principalement les infrastructures, des maisons aux routes en passant par les installations commerciales. Dans le pire scénario possible, ils pourraient réduire le PIB du pays de 31,37 milliards de dollars (Rs 1 442,71 milliards) d’ici 2050, soit une perte moyenne annuelle de 1,16 milliard de dollars (Rs 53,35 milliards).
Manque de résilience structurelle
« Dans un scénario sans action climatique, les pertes et dommages s’élèveraient à plus de 25 milliards de dollars (Rs 1 149,75 milliards) cumulés d’ici 2050 dans les six SIDS analysés sous le scénario SSP3. Maurice affiche la valeur absolue la plus élevée, à 10,8 milliards de dollars », précise le document.
Maurice, classé parmi les SIDS de l’océan Indien Atlantique et de la mer de Chine méridionale, couvre une superficie terrestre de 1 997 km² et une zone marine de 2 203 542 km², avec une population de 1,261 million d’habitants en 2023. Son indice de vulnérabilité multidimensionnelle (MVI) est de 52,16, indiquant un manque de résilience structurelle élevé (62,87).
Le pays fait face à des risques climatiques accrus, avec une élévation du niveau de la mer de 4 mm/an entre 1993 et 2014, supérieure à la moyenne mondiale. Les projections sous un scenario moyen montrent une augmentation de la température moyenne de surface de l’air et une variabilité des précipitations, exacerbant les événements extrêmes.
Les cyclones représentent le plus grand risque, comme le cyclone Belal en 2024 qui a affecté 100 000 personnes, selon le rapport. Historiquement, le cyclone Dina en 2002 a causé 50 millions d’euros (Rs 2,7 milliards) de pertes en production de canne à sucre, tandis que Fantala (2016), Berguitta et Gelena (2019) ont entraîné des inondations, des déplacements et des coupures d’électricité. Le rapport estime que Maurice subira environ
91 millions de dollars de pertes directes annuelles dues aux vents, inondations et ondes de tempête liées aux cyclones tropicaux, dont 50 % dans le secteur résidentiel et 30 % dans le commercial.
Les inondations, second risque majeur, causeront 22 millions de dollars de pertes annuelles en moyenne. Des zones comme Chitrakoot, La Butte, Chamarel, Quatre-Sœurs, la région de Corps de Garde et Vallée-Pitot sont à haut risque de glissements de terrain, aggravés par la déforestation et une planification inadéquate.
L’économie bleue est particulièrement vulnérable. L’érosion côtière, accélérée par le changement climatique, menace le tourisme, qui représente 19,5 % du PIB en 2023. « Dans le pire scénario, la disparition des plages de sable à Maurice pourrait coûter au pays 100 millions de dollars (Rs 5 milliards) par an d’ici 2060 en pertes de revenus touristiques », note le rapport.
Endettement élevé
Une simulation d’un événement météorologique extrême en janvier 2037 prévoit une chute de 5,04 % du PIB réel par rapport au mois précédent, avec une contribution du tourisme réduite de 25 % en cas de dommages côtiers étendus. Le blanchissement des coraux, impactant déjà Maurice, affecte les pêcheries et l’économie bleue.
Sur le plan financier, Maurice est classé comme hautement endetté, avec un ratio dette/PIB dépassant 90 %, ce qui pose problème pour trouver de l’argent pour lutter contre le changement climatique. Maurice reste donc extrêmement dépendant de fonds étrangers pour pouvoir investir afin de protéger sa population. Le rapport recommande des investissements en adaptation estimés à 0,18 % du PIB annuel, avec un ratio bénéfice-coût (BCR) de 4,62 lorsque combiné à l’expansion des énergies renouvelables. Le pays a identifié ses besoins en adaptation, notamment via son Plan national d’adaptation (NAP) incluant le tourisme.
Des initiatives positives émergent. Dans l’énergie, le Central Electricity Board a lancé en juillet 2024 le plan agrivoltaïque (CAV), allouant 20 MW pour la production solaire combinée à l’agriculture, avec des incitations comme un tarif d’exportation premium de Rs 5/kWh. « Grâce à la fourniture de soutien et d’incitations, le plan CAV vise à stimuler la production d’énergie renouvelable et à promouvoir des pratiques agricoles durables et la croissance économique à Maurice », indique le rapport.
Dans l’agriculture, qui contribue 3,6 % au PIB, le manque d’intérêt des jeunes cause des pénuries de main-d’œuvre. Zero Waste Mauritius a lancé en 2021 un MOOC sur le compostage, impliquant 100 jeunes, tandis que la Fédération des foyers ruraux a formé 250 adolescents de 15-20 ans en agriculture durable et énergies renouvelables.
La gouvernance de l’adaptation est assurée par le ministère de l’Environnement et le ministère de la Gestion des risques de catastrophes. Des politiques clés incluent le National Climate Change Adaptation Policy Framework (2021) et le National Disaster Risk Reduction and Management Policy (2020-2030). Les secteurs prioritaires dans la Contribution déterminée au niveau national (NDC) sont l’infrastructure, l’eau, l’agriculture, le tourisme, les pêcheries climato-intelligentes et la biodiversité.
Le rapport insiste sur l’urgence d’investissements en adaptation pour réduire les pertes, avec un BCR élevé. Maurice peut renforcer sa résilience via des solutions basées sur la nature et des partenariats internationaux, comme l’Africa Adaptation Acceleration Program.





