
Alors que le dollar américain faiblit à l’échelle mondiale, le taux de change dollar-roupie reste stable. Une stabilité qui interroge sur ses fondements réels et sa durabilité économique.
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Le taux de change du dollar américain face à la roupie mauricienne a légèrement fluctué ces dernières semaines, passant de Rs 45,79 le 7 août à Rs 46,62 le 3 septembre, avant de s’établir à Rs 46,54 au 10 septembre. Ces variations s’inscrivent dans un contexte international marqué par la faiblesse du billet vert sur fond de tensions géopolitiques et d’anticipations de politique monétaire aux États-Unis. Mais au-delà de ces chiffres, l’évolution du taux de change dollar-roupie est révélatrice d’une série d’enjeux économiques profonds tant à l’échelle mondiale que nationale.
Selon les dernières données de l’Actuarix Investment Dashboard, la dépréciation du dollar américain se confirme. En août, le billet vert a reculé de 1,8 %, tandis que l’indice Bloomberg Dollar Spot – qui mesure la performance du dollar par rapport à un panier de devises mondiales – a chuté de 1,7 %. Depuis le début de l’année, cet indice affiche un recul de 7,8 %.
Ce mouvement global a profité à l’euro, qui s’est apprécié de 2,4 % en août et de près de 13 % depuis janvier face au dollar américain. La monnaie unique européenne a également gagné 0,2 % face à la roupie mauricienne le mois dernier, cumulant une progression de 9 % depuis le début de l’année. La livre sterling, de son côté, a affiché une évolution plus modérée avec un recul de 0,1 % en août.
Dans ce paysage, le taux de change dollar-roupie se montre relativement stable. Alexandre Sanchini, CEO de Blue Ship Capital, explique cette tendance par un phénomène de dissociation. « Le dollar baisse contre presque toutes les devises du monde, mais la roupie et le yuan ne suivent pas. La Chine pilote son taux de change pour préserver ses exportations. Pour la roupie, on peut parler d’une forme de stabilité, dans un contexte dans lequel le dollar reste faible », affirme-t-il.
Moins d’interventions de la Banque centrale
Cette stabilité est aussi visible dans l’attitude récente de la Banque de Maurice (BoM). De janvier à août 2025, l’institution a injecté 100 millions de dollars sur le marché intérieur des changes, contre 235 millions durant la même période en 2024. Le 10 septembre, la BoM a vendu un montant total de 15 millions de dollars américains au taux de Rs 45,50 par dollar. Cette réduction des interventions marque un changement d’approche. Un banquier souligne que « nous ne parlons pas ici de la force ou de la faiblesse de la roupie, mais de sa stabilité ». Selon lui, la baisse des injections de devises s’explique par le fait que le marché évolue dans des conditions moins volatiles. Il précise également que ces opérations n’ont pas mis sous pression les réserves en devises du pays.
Alexandre Sanchini abonde dans le même sens. Selon lui, la BoM adopte une posture plus prudente en raison de la complexité du mécanisme d’intervention. « Il consomme énormément du bilan et des capitaux de la Banque centrale. Celle-ci cherche aujourd’hui à se recapitaliser », dit-il.
Critiques
Cependant, tout le monde ne partage pas cette lecture. Un économiste estime que la situation actuelle masque des déséquilibres structurels. « La roupie est sous perfusion », affirme-t-il, soulignant que la Banque centrale est intervenue quatorze fois pour vendre des dollars au cours des douze derniers mois. « Ce n’est pas une stratégie. C’est de la gestion de crise », ajoute-t-il.
Cet économiste va plus loin, en affirmant que l’île traverse une crise monétaire, conséquence selon lui d’une politique monétaire inadaptée et d’une économie trop tournée vers la consommation. À ses yeux, le taux directeur de la BoM – actuellement aligné sur celui de la Réserve fédérale américaine, autour de 4,5 % – est insuffisant pour attirer les flux en devises. Il plaide pour un taux repo situé de 6,5 % à 7,5 %, afin de freiner la consommation, ralentir l’inflation immobilière et limiter les importations.
Importations
La dépendance du pays vis-à-vis des importations est au cœur des critiques de cet économiste. Il évoque la nécessité de revoir les politiques commerciales, notamment en révisant les droits de douane sur les biens non essentiels. « Pourquoi financer une consommation importée avec des réserves de change qui s’amenuisent ? », demande-t-il.
D’un point de vue plus global, il déplore l’absence de nouveaux moteurs de croissance à l’export. « Depuis quinze ans, aucune nouvelle industrie génératrice de devises n’a émergé. Les investissements directs étrangers (IDE) sont en majorité concentrés dans l’immobilier, qui reste très dépendant des importations », argue l’économiste. Il remet aussi en question la réelle valeur ajoutée de ces IDE, arguant que les flux entrants repartent rapidement sous forme de paiements pour matériaux, services ou dividendes. « Il s’agit d’un jeu à somme nulle », dit-il.
Selon cet économiste, la politique monétaire actuelle est confrontée à des limites structurelles. Il qualifie l’ajustement par le taux directeur d’« illusion », dans un contexte dans lequel les flux de capitaux sont orientés vers des économies offrant des rendements plus attractifs.
Il évoque aussi l’héritage de la crise post-covid-19, qui selon lui a fragilisé durablement les équilibres macroéconomiques du pays. « Le feu continue de se propager trois ans après la pandémie. » Que faut-il pour renverser la tendance ? Des réformes structurelles plaident l’économiste afin d’éviter que la pression sur la monnaie locale ne s’intensifie. « Tôt ou tard, la Banque centrale sera à court de munitions », dit-il.
L’évolution des principales devises face à la roupie
Devises | Décembre 2024 | Janvier 2025 | Février 2025 | Mars 2025 | Avril 2025 | Mai 2025 | Juin 2025 |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Euro | 0 | -3,5 | +0,4 | +1, % | +4 | +1,1 | +1,6 % |
Dollar | + ,6 % | + ,3 % | + ,5 % | - ,7 % | - ,9 % | + ,3 % | -1,6 % |
Livre sterling | +0,1 % | -2,6 % | +1,8 % | +0,2 % | +2,4 % | +1,9 % | +0,2 % |
Les interventions de la BoM sur le marché des changes en 2025
- Janvier 25 millions de dollars
- Mars 15 millions de dollars
- Avril 10 millions de dollars
- Juillet 20 millions de dollars
- Août 30 millio s de dollars
- 10 septembre 15 millions de dollars
Progression du S&P Mauritius Sovere’gn Bond Index
L’indice S&P Mauritius Sovereign Bond Index suit la performance des obligations souveraines libellées en roupies émises publiquement par le gouvernement mauricien sur son mar’hé intérieur. L’indice a rogressé de 0,5 % au cours d mois et de 1,2 % depu’s le début de l’année.

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