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Différend constitutionnel avec le DPP : les honoraires des avocats du CP au centre des questions 

Me Rashid Ahmine, DPP, et le CP, Anil Kumar Dip.

Les contribuables paieront-ils les honoraires des avocats du privé choisis par le commissaire de police ? Ce dernier est-il redevable sur cette question ? Le point avec deux juristes.

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Le 17 juillet 2023, le commissaire de police (CP) Anil Kumar Dip a déposé une plainte constitutionnelle devant la Cour suprême. Il conteste les positions qu’a adoptées le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) dans certaines enquêtes de police en cours. Dans le cadre de cette procédure, le CP a retenu les services des avocats du privé, notamment un King’s Counsel, en la personne de Me Paul Ozin, et deux Senior Counsel, soit Mes Désiré Basset et Ravin Chetty. La question se pose : qui paiera les honoraires de ces avocats ?

Jusqu’à présent, une question posée par le député du Parti travailliste (PTr), Patrick Assirvaden, au Premier ministre Pravind Jugnauth concernant les honoraires des avocats du privé retenus par le CP, a été rejetée à l’Assemblée nationale. Cela soulève la question de savoir si le CP est tenu de rendre des comptes au public concernant les dépenses liées à ses avocats.

Me Richard Rault : « L’Audit questionnera certainement ces dépenses »

richardInterrogé sur la pertinence de dévoiler les honoraires des avocats du privé dont les services ont été retenus par le CP, Me Richard Rault répond que « l’Audit questionnera certainement ces dépenses ». Il rappelle que la police dispose d’un budget : « C’est sûrement à partir de ces fonds publics que ces honoraires seront payés. » Il explique que « ce sont des dépenses qui n’ont pas été prévues au départ. Le CP aura le devoir de répondre à l’instance concernée ». 

Est-il surpris d’apprendre qu’une question du député du PTr Patrick Assirvaden sur ces honoraires en question, a été rejetée à l’Assemblée nationale ? « Non. Cela ne m’étonne pas. Ceci nous en dit long sur la façon dont le Parlement fonctionne ces jours-ci. Est-cela la transparence qui sous-tend une démocratie ? Je pense qu’il faut chercher ailleurs. » 

D’ailleurs, Me Richard Rault se montre très critique envers le Speaker Sooroojdev Phokeer. « Les manœuvres du Speaker de l’Assemblée nationale pour censurer les actions de l’opposition ne doivent certainement pas être prises comme référence en matière de démocratie », martèle l’avocat. 

Que pense-t-il de la décision du tribunal de Port-Louis rendue le 18 juillet 2023 dans l’affaire Sherry Singh ? « C’est évident que cette prérogative revient au bureau du DPP. L’article 72 de notre Constitution est clair à ce sujet. Le DPP a le pouvoir de reprendre une poursuite privée (‘private prosecution’) des mains d’une partie plaignante, d’initier ou encore d’arrêter un procès au pénal. Je ne comprends pas pourquoi le CP a voulu rompre cet équilibre. Évidemment, le CP s’est fait remettre à sa place, comme attendu. Et il est sain que la justice l’ait fait ! » réplique Me Richard Rault.

Me Noren Seeburn : « On ne peut changer un système pour le CP »

norenPour l’ancien magistrat et ex-Senior State Counsel Noren Seeburn, le CP a « l’obligation de révéler les honoraires payés pour ses avocats du privé ». Et pourquoi donc ? « Ce n’est pas de son argent qu’il s’agit, mais celui des contribuables », fait-il ressortir. Il ajoute que ces derniers contribuent indirectement à lui offrir des avocats gratuits du bureau du DPP. Il tient à préciser que « les honoraires des avocats se discutent avant une affaire et non après ».

S’agissant de la question rejetée de Patrick Assirvaden au Parlement concernant les honoraires des avocats du privé retenus par le CP, Me Noren Seeburn explique : « les séances de l’Assemblée nationale coûtent cher au public. Le public paie pour que ses députés puissent obtenir des informations concernant les décisions des dirigeants. C’est une forme de blocage de l’institution que de rejeter cette question-là. Il faut chercher l’auteur de ce blocage et le sanctionner, car il fait du tort au public qu’il est censé servir. »

Et que pense-t-il de la décision du tribunal de Port-Louis dans l’affaire Sherry Singh ? « La position du tribunal reflète la position de notre Constitution, de nos lois et usages, depuis toujours. » Il n’en démord pas : « la position du commissaire de police est totalement dans la direction contraire, et il n’est même pas venu expliquer au public, qui est son employeur, les raisons de sa position. »

Et Me Noren Seeburn de conclure : « avec une telle position, le commissaire de police aurait dû rendre son tablier. On ne peut pas changer tout un système qui a bien fonctionné juste pour lui. » 

Ces cas où le CP a dérogé à la pratique : Affaire Bruneau Laurette

N’étant pas satisfait de la décision du tribunal de Moka de relâcher sous caution l’activiste Bruneau Laurette, le CP s’est tourné vers la Cour suprême le 7 mars 2023 pour demander de revoir ladite décision. Il a retenu les services de Me Ravi Yerrigadoo et de Shamila Sonah Ori dans l’affaire. 

Le cas Chavan Dabeedin

Le 24 mars 2023, le Chef Inspecteur (CI) Sanjay Goburdhun a, au nom du CP, annoncé que ce dernier avait fait appel aux services de Me Ravi Yerrigadoo et de l’avouée Shamila Sonah-Ori. Cette décision a été prise en réponse à la requête déposée par l’Independent Commission Against Corruption (Icac) devant le juge des référés Iqbal Maghooa dans l’affaire Chavan Dabeedin, à laquelle le représentant du DPP s’est opposé. Selon le CI Sanjay Goburdhun, le CP « n’a pas été correctement guidé en droit par le DPP ». 

Me Akil Bissessur, son frère et sa compagne

Le 29 juin 2023, le CP dépose trois motions devant la Cour suprême pour contester la libération sous caution des frères Akil et Avinash Bissessur et Doomila Devi Moheeputh, Ces derniers avaient été arrêtés le 20 juin 2023 à la suite d’une opération menée par la Special Striking Team (SST). Le CP a retenu les services de l’avouée Shamila Sonah-Ori.

Le cas Sherry Singh

Le tribunal de Port-Louis a rendu une décision le 18 juillet 2023 dans l’affaire Sherry Singh, en faveur du DPP. Selon cette décision, la poursuite dans cette affaire sera menée par les officiers du DPP, malgré l’annonce de Me Amar Oozeer, avocat du privé, indiquant que ses services ont été retenus par le CP.

  • defimoteur

     

 

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