Alors que la polémique enfle à Maurice autour de la diffusion de bandes audio de conversations téléphoniques mises sur écoute, Didier Sam-Fat, expert en cybersécurité, aborde les enjeux liés à l'intelligence artificielle. Dans un contexte où la protection de la vie privée et la lutte contre les cybermenaces sont au cœur des débats, il met en lumière l’utilité de l’IA pour détecter l'origine des contenus numériques, tout en soulignant l'importance d'un cadre réglementaire solide pour encadrer l'utilisation de ces technologies.
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Est-ce que l’IA peut comprendre le créole ?
Oui, aujourd’hui, des outils comme ChatGPT sont capables de traduire du texte en créole mauricien, à partir de langues comme l’anglais ou le français. C’est une avancée intéressante, surtout pour rendre la technologie plus accessible aux différentes langues et cultures locales.
En plus de cela, l’intelligence artificielle (IA) est très utile pour détecter si un contenu — qu’il s’agisse de texte, d’image, de son ou de vidéo — a été créé par une autre IA.
Des outils spécialisés et même des sites web offrent aujourd’hui ce type de service. Cela permet de mieux identifier et comprendre l’origine du contenu numérique.
GPTZero (gptzero.me) : Cet outil est conçu pour détecter si un texte a été généré par un modèle d’IA comme ChatGPT. Il est souvent utilisé par les enseignants et les rédacteurs pour vérifier l’authenticité d’un texte.
Originality.ai (originality.ai) : C’est une plateforme qui aide à détecter les contenus générés par des IA et à vérifier le plagiat, principalement utilisée par les créateurs de contenu et les éditeurs.
Sensity.ai (sensity.ai) : Spécialisé dans la détection de médias générés ou modifiés par IA, comme les deepfakes. Cet outil est particulièrement utile pour analyser des vidéos et des images.
Deepware (deepware.ai) : Ce site est axé sur la détection de deepfakes dans les vidéos et images, et il aide à repérer les manipulations faites par des algorithmes d’intelligence artificielle.
Comment l'IA est-elle devenue cruciale ?
Je dirais qu’aujourd’hui, l’IA est devenue indispensable. Les organisations ou même les pays qui tardent à adopter l’IA risquent de se retrouver en retard dans plusieurs domaines. L’IA permet d’améliorer la productivité, d’analyser de grandes quantités de données plus rapidement et plus efficacement que l’humain seul.
Dans le domaine de la cybersécurité, par exemple, l’IA est un atout majeur pour détecter des tentatives de piratage ou des attaques informatiques complexes, comme les attaques dites “zero day”, qui exploitent des vulnérabilités non encore découvertes.
L’IA aide donc à protéger les systèmes et à réagir rapidement face aux menaces. Ceux qui n’adoptent pas ces technologies risquent de prendre du retard, notamment en termes de sécurité et d’efficacité.
Dans quelle mesure l’IA peut-elle être un outil dans plusieurs secteurs ?
Économie et productivité : L’IA peut automatiser des tâches répétitives, ce qui permet aux entreprises de gagner du temps et d’augmenter leur productivité. Cela peut aussi aider les pays à être plus compétitifs sur le plan international en réduisant les coûts et en optimisant les ressources.
Santé : Dans le secteur médical, l’IA peut assister les médecins dans le diagnostic des maladies, l’analyse d’images médicales, et même la gestion des données de santé. Elle peut rendre les soins plus rapides et plus précis, et permettre un meilleur accès aux services de santé, même dans les régions éloignées.
Éducation : L’IA peut personnaliser l’apprentissage en fonction des besoins individuels des étudiants, offrant un soutien ciblé pour améliorer les résultats scolaires et faciliter l’accès à des ressources pédagogiques dans différentes langues.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est accessible à tout le monde. De nombreuses applications et outils IA sont déjà intégrés dans notre quotidien, que ce soit dans les téléphones, les assistants virtuels ou même sur les plateformes en ligne. L’IA doit être accessible à tous, car elle a le potentiel d’améliorer la vie de chacun.
Israël est connu pour être spécialiste dans les systèmes de cyberwarfare. Comment cela est-il utilisé ?
Israël est reconnu mondialement pour ses capacités avancées en cybersécurité et en cyberwarfare (guerre informatique). L’un des exemples les plus connus est le logiciel Pegasus, développé par la société israélienne NSO Group.
Pegasus est un logiciel espion (ou spyware) très sophistiqué, conçu pour infiltrer discrètement les smartphones et extraire des informations sensibles telles que les messages, les appels, les photos, et même activer la caméra ou le microphone du téléphone à l’insu de l’utilisateur.
Le logiciel a été utilisé par divers gouvernements pour surveiller des individus spécifiques, généralement dans le cadre d’enquêtes criminelles ou pour des questions de sécurité nationale. Toutefois, Pegasus a également suscité de vives critiques, car dans certains cas, il a été utilisé pour surveiller des journalistes, des défenseurs des droits humains, et des personnalités politiques.
Cet exemple illustre comment les systèmes de cyberwarfare peuvent être utilisés à la fois comme outil de sécurité, mais aussi soulever des préoccupations sur les abus possibles en matière de surveillance.
Ce sont tout de même des technologies qui coûtent extrêmement chères, car la surveillance de 10 téléphones peut coûter jusqu’à $650 000.
Est-ce que le ‘tapping’ est un mal nécessaire pour contrer le terrorisme et le trafic de drogue ?
L’interception des communications téléphoniques est une pratique utilisée par de nombreux pays à travers le monde pour lutter contre des menaces graves comme le terrorisme et le trafic de drogue. Aux États-Unis, par exemple, la loi oblige les opérateurs téléphoniques à coopérer avec les autorités pour installer des systèmes d’écoute dans le cadre d’enquêtes spécifiques.
Ce type de surveillance est souvent perçu comme un mal nécessaire, car il permet de collecter des informations cruciales pour prévenir des attaques ou démanteler des réseaux criminels. Cependant, il est strictement encadré par la loi et ne peut être mis en œuvre qu’avec l’autorisation d’un juge, assurant ainsi un équilibre entre la sécurité nationale et le respect de la vie privée des citoyens.
C’est quoi le concept Orbite base ?
Le concept d’Orbite base est très similaire à celui de defense in depth en anglais. C’est une stratégie de cybersécurité qui repose sur l’idée de superposer plusieurs couches de sécurité pour protéger les systèmes informatiques et les réseaux. L’objectif est que si une couche de défense est compromise, les autres couches continuent à protéger les actifs critiques.
On parle d’une National Cyber-Resistance Agency. Qu’en pensez-vous ?
Je pense qu’au lieu de créer une agence de cyber-résistance, il serait plus judicieux de mettre en place une National Cybersecurity Authority. Son rôle serait de réguler et superviser tout le secteur de la cybersécurité, garantissant ainsi une meilleure protection des citoyens mauriciens contre les cybermenaces. Cette autorité pourrait s’assurer que les sites web, en particulier ceux des marchands en ligne, disposent des protections nécessaires pour sécuriser les données personnelles et financières des utilisateurs.
Singapour est un excellent exemple dans ce domaine. Ce pays a mis en place une Cybersecurity Agency qui régule les pratiques de cybersécurité à l’échelle nationale, avec des normes strictes pour les entreprises et les infrastructures critiques. En adoptant une approche similaire, Maurice pourrait mieux protéger son économie numérique, tout en encourageant la confiance dans l’utilisation des services en ligne.
L’Angleterre est également un modèle intéressant en matière de cybersécurité. Le Royaume-Uni a mis en place la National Cyber Security Centre (NCSC), qui fait partie du Government Communications Headquarters (GCHQ). Cette agence a pour mission de protéger les infrastructures nationales critiques, les entreprises et les citoyens contre les cybermenaces.
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