Dev Virahsawmy, l’engagement en héritage 

Le parcours de Dev Virahsawmy se décline en plusieurs facettes, qu’elles soient politiques, linguistiques ou pédagogiques. S’il s’est retiré de la scène politique, il y a joué un rôle de premier plan à la fin des années 60.

Députation

Dev Virahsawmy est une figure historique de la politique mauricienne. Il fait ses débuts au sein du Mouvement militant mauricien (MMM), aux côtés de Paul Bérenger, Jooneed Jeerooburkhan, Tirat Ramkisoon, Krishen Matis, Ah-Ken Wong, Kreeti Goburdhun et Vella Vengaroo, participant à la fondation du parti à la fin des années 60. En 1970, après le décès de Lall Jugnauth, ancien député de l’Independent Forward Block (IFB), Dev Virahsawmy brave les réticences de son parti et se présente comme candidat du MMM pour la première fois lors de l’élection partielle dans la circonscription n°5 (Pamplemousses/Triolet). Face au gouvernement du Parti travailliste (PTr), il relève le défi sans aucune expérience préalable du système électoral. 
Dev Virahsawmy s’exprime en créole et aborde des thèmes liés au marxisme-léninisme et au socialisme. Même si les habitants de Pamplemousses/Triolet ne maîtrisaient pas nécessairement ces courants idéologiques, il a su les captiver grâce à ses talents d’orateur.

Relation amour/haine avec Paul Bérenger

La relation entre Dev Virahsawmy et Paul Bérenger est marquée par une compréhension mutuelle dès leurs premières rencontres. Leur conviction commune selon laquelle le PTr, dirigé à l’époque par sir Seewoosagur Ramgoolam, était dépassé en raison d’une philosophie politique conservatrice, en particulier en ce qui concerne la langue et la culture, est un catalyseur pour leur collaboration politique. 

Malgré les combats politiques acharnés qu’ils ont menés l’un contre l’autre au cours de nombreuses années, plusieurs historiens témoignent de l’impact significatif qu’ont eu Dev Virahsawmy et Paul Bérenger l’un sur l’autre. Leur influence mutuelle a contribué à apporter un nouveau souffle politique à Maurice. « Les réalisations de ces deux figures politiques ont laissé une empreinte indéniable sur l’histoire politique de l’île, ce qui démontre la complexité des relations politiques et la capacité des individus à évoluer et à influencer positivement le parcours de l’autre malgré des oppositions apparentes », souligne l’historien Jocelyn Chan Low. 

Cette observation apporte un éclairage intéressant sur la relation entre Virahsawmy/Bérenger pendant leur collaboration politique. « Ils entretenaient une entente parfaite sur le plan personnel », précise Jocelyn Chan Low, tout en mettant en avant le fait qu’ils pouvaient passer des heures à débattre des courants idéologiques socialistes avec un engagement profond envers ces idées et leur désir commun d’influencer la direction politique de Maurice en les adoptant. 

Toujours selon Jocelyn Chan Low, la relation entre Dev Virahsawmy et Paul Bérenger a énormément souffert lorsqu’ils se sont tous deux retrouvés en prison dans les années 70. « C’est en prison qu’ils ont commencé à avoir de sérieux désaccords sur la stratégie politique à adopter », raconte Jocelyn Chan Low. 

Il explique que la décision de Dev Virahsawmy de fonder le Mouvement militant socialiste progressiste (MMSP), une faction dissidente du MMM, a exacerbé les tensions entre Paul Bérenger et lui. « Pour être honnête, je ne sais pas ce qui a conduit à une détérioration à ce point, mais la situation était devenue très personnelle entre les deux, surtout avec la création du MMSP, qui signifiait également ‘Mouvement militant sans Paul’ », avance-t-il.

Malgré cela, la relation tumultueuse entre les deux hommes a connu une pause lors de la première victoire historique du MMM et du Parti socialiste mauricien (PSM) en 1982, marquée par le premier 60-0 de l’histoire politique. Paul Bérenger envisageait même de faire appel à Dev Virahsawmy pour qu’il se présente aux élections de 1982 dans la circonscription n°13 (Rivière-des-Anguilles/Souillac), mais Dev Virahsawmy souhaitait plutôt être candidat dans la circonscription n°5, sa circonscription historique qui l’avait fait connaître auprès des Mauriciens. 

L’hostilité entre les deux hommes allait reprendre de plus belle après les élections de 1982, plus précisément lors de la rupture de 1983 entre Paul Bérenger et l’ancien Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth (SAJ). SAJ semblait de plus en plus sous l’influence du MMM et de Paul Bérenger. Dans une confidence au Défi Media Group, Dev Virahsawmy a souligné à plusieurs reprises avoir été marqué par une conférence de presse où SAJ, alors Premier ministre, s’était vu couper la parole par Paul Bérenger, qui était alors ministre des Finances. Selon lui, cet épisode avait clairement illustré le manque de respect du leader du MMM envers SAJ. 

Par conséquent, il était logique pour Dev Virahsawmy de se rallier à SAJ et son nouveau parti, le Mouvement socialiste militant (MSM), lorsque ce dernier décide de se dissocier du MMM. Dev Virahsawmy a alors mis tout son poids lors des élections générales de 1983, menant une campagne personnelle contre Paul Bérenger. 

Quarante ans après, quelques semaines avant sa mort, et après avoir mené des batailles politiques acharnées l’un contre l’autre, les deux hommes ont trouvé le chemin de la réconciliation. Lors d’une interview accordée à Jugdish Joypaul sur TéléPlus, Dev Virahsawmy a reconnu que l’heure de la rédemption avait sonné entre Paul Bérenger et lui. Il a avoué avoir proféré plusieurs grossièretés à l’encontre de Paul Bérenger, des regrets qu’il portait amèrement. 

Dans cette interview, Dev Virahsawmy a également souligné l’importance cruciale de Paul Bérenger dans sa vie politique. Il a admis que le leader du MMM avait joué un rôle déterminant dans sa capacité à surmonter sa timidité, évoluant ainsi pour devenir un orateur de qualité reconnue par tous. 

« La bande de quatre ou cinq » 

Peter Craig, ancien conseiller, Dan Callikan et Dev Virahsawmy avaient établi un comité de travail et de réflexion destiné à conseiller le gouvernement et entretenaient des relations avec divers interlocuteurs, dont Premsingh, le haut-commissaire de l’Inde à Maurice. Connu sous le nom de « la bande des quatre ou cinq », ce groupe opérait pendant les moments forts du MSM, entre 1983 et 1991, exerçant une influence politique significative sur le pays. Ils faisaient fréquemment l’objet d’attaques de la part de la presse et de l’opposition.

Le linguiste, amoureux du Kreol

Impossible de parler de Dev Virahsawmy sans aborder son rôle de défenseur passionné du kreol morisien, qu’il a utilisé dans ses œuvres littéraires, qu’il s’agisse de proses, de pièces de théâtre ou de poèmes. Son engagement allait au-delà de la création, s’étendant à la traduction d’œuvres diverses du français et de l’anglais vers le kreol morisien, y compris des pièces de Shakespeare. 
Lors de ses récentes interviews, cependant, il avait souligné la nécessité d’amélioration. Le créole, selon lui, ne devait pas uniquement être abordé comme une matière scolaire, mais devrait plutôt être considéré comme un médium d’enseignement. Il plaidait pour une révision de l’enseignement des mathématiques, en particulier auprès des enfants de cinq ans. 

Dev Virahsawmy suggérait que, dès le primaire, l’accent devrait être mis sur l’arithmétique et sur une éducation bilingue, intégrant le créole et l’anglais. Selon lui, cette approche représente la seule manière de réduire le taux d’échec aux examens, un taux qu’il estimait être bien plus élevé que les statistiques habituellement présentées.
Le Défi Media Group présente ses sincères condoléances à la famille de Dev Virahsawmy, ainsi qu’à tous ceux que ce deuil afflige.