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Dev Luchmun : «Les travailleurs sont au centre des considérations politiques»

L’économiste et consultant en relations industrielles, et ancien conseiller au ministère du Travail, Dev Luchmun, reconnaît que l’économie nationale est sur la bonne voie. Il estime toutefois que le gouvernement aurait pu exploiter davantage de nouveaux créneaux pour consolider la croissance.

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En tant qu’économiste, quelle lecture faites-vous de l’année 2023 ?
Trois ans après la pandémie de Covid-19, l’économie mauricienne est toujours en reconstruction. Si certains secteurs, dont le tourisme, ont déjà atteint leur vitesse de croisière, d’autres par contre sont toujours à la traîne. Mais dans l’ensemble, je dirais que l’économie est sur la bonne voie. 
Cela dit, je pense que la situation économique du pays restera sous contrôle aussi longtemps que nos principaux marchés d’exportation resteront plus ou moins stables.

Toujours est-il que la situation au Moyen-Orient est de plus en plus inquiétante…
C’est certain que comme Maurice est dépendant à plus de 75 % de l’importation pour ses besoins alimentaires, une hausse des coûts du fret provoquera une flambée des prix sur le marché local. Ce qui serait néfaste surtout pour les plus vulnérables économiquement de la société. Il est du devoir du gouvernement de prendre des mesures appropriées pour atténuer l’impact de l’inflation sur l’économie.

Comment ?
Outre la stabilisation de la roupie mauricienne, le contrôle de l’inflation, les mesures pour encourager l’épargne et l’amélioration de la productivité, Maurice doit exploiter de nouveaux créneaux pour accroître sa croissance économique. Cela dit, il semblerait que le gouvernement ait mis au rencart la Vision 2030 de sir Anerood Jugnauth, qui comprenait l’exploitation de nouveaux créneaux comme l’économie bleue, la relance du secteur agricole avec comme objectif l’autosuffisance alimentaire et l’énergie renouvelable entre autres. Il était prévu que le développement de l’économie bleue allait créer autour de 100 000 emplois. 

Allez voir ce qui se fait aux Seychelles, au Kenya et dans les autres pays côtiers dans ce domaine et vous serez étonnés. Je regrette de le dire, il semblerait que le ministère de l’Économie bleue, des ressources marines, des pêches et du transport maritime ait failli dans ce domaine. 

Il ne faut pas oublier que ce plan prévoyait aussi une distribution d’eau 24 heures sur 24 et qu’on est encore loin de cet objectif. Il n’est pas normal qu’un pays avec une bonne pluviosité, sans compter les nombreuses rivières, soit toujours incapable ’assurer une distribution d’eau continue pour ses citoyens.

Certains pensent que le gouvernement cherche à gagner des votes en augmentant le salaire minimum à Rs 15 000 et en accordant une compensation salariale de Rs 1 500 à Rs 2 000, car il arrive à la fin de son mandat en 2024. Quel est votre avis ?
À une année de la prochaine échéance électorale, on constate que les travailleurs sont maintenant au centre des considérations politiques et il faut s’attendre à une multitude de promesses de la part des partis politiques dans les mois à venir. 

Toujours est-il que bien que dans l’opinion publique, cela s’apparente à des mesures électoralistes, la hausse du salaire minimum à Rs 15000 et l’octroi d’une compensation salariale de Rs 1 500 à Rs 2 000 ont été bien accueillis par les travailleurs, qui ont subi de plein fouet la hausse du coût de la vie, en raison non seulement d’une hausse sans précédent du fret maritime mais aussi d’une dévaluation de la roupie mauricienne. 

N’empêche que la hausse du salaire a bousculé l’équilibre salariale tant dans la fonction publique que le secteur privé, et il est prévu qu’un rapport sur la relativité salariale sera publié en mars 2024. Il se chuchote même que le PRB pourrait publier un rapport intérimaire pour rétablir l’équilibre salariale pour les fonctionnaires. A mon avis, il est dans la logique des choses que les salariés indistinctement bénéficient aussi d’un remboursement sur la relativité salariale avec effet rétroactif, vu que la hausse du salaire minimum est effective à partir du 1er janvier 2024. 

Les seniors, qui représentent une tranche importante de l’électorat, ne seraient pas laissés sur la touche. Il ne serait pas surprenant qu’ils bénéficient d’une hausse de la pension de vieillesse bien au-dessus des Rs 13 500 promises par le gouvernement. Certes, certains pourraient parler de mesures électoralistes mais pour les seniors, surtout ceux qui ne dépendent que de leur pension de vieillesse, ce serait un soulagement. Car pendant près de cinq ans, ils n’ont pas eu de compensation salariale alors que comme les autres consommateurs, ils ont aussi été affectés, sinon plus, par la hausse des prix sans précédent.
D’autres mesures, les unes plus surprenantes que les autres, pourraient être annoncées, comme l’octroi d’un 14e mois en décembre 2024 et des recrutements massifs dans la fonction publique. Mais gare aux effets néfastes sur les entreprises et l’économie nationale sur le long terme car si on vit au-dessus de ses moyens, il y aura tôt ou tard un prix à payer. Je crains aussi qu’en retour, ce soit la population qui paiera la note à travers des taxes directes et indirectes.

Comment soutenir les entreprises en vue de sauvegarder les emplois ?
Certes, il faut soutenir les entreprises à travers des facilités fiscales efficaces et d’autres mesures appropriées dans le but de favoriser la création de nouveaux emplois et protéger ceux existants. Toutefois, j’estime que parallèlement elles doivent investir massivement dans la modernisation afin de pouvoir assurer leur survie dans un monde en grande mutation et où seuls les plus forts peuvent survivre. Elles doivent comprendre qu’elles ne peuvent s’appuyer indéfiniment sur les béquilles gouvernementales pour survivre.

 

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