Il aura fallu six longues années pour que les ossements de Rakesh Buddoo et de son neveu Jason Catherine, retrouvés quelques mois après la disparition de ces derniers en mer en 2013, soient remis à leurs familles. Les funérailles ont eu lieu en fin de semaine.
Leur deuil peut enfin commencer. Les familles de Rakesh Buddoo et de Jason Catherine auront dû attendre six ans pour que les ossements de ces derniers leur soient remis. Six longues années durant lesquelles elles ont été rongées par l’incertitude, sans pouvoir obtenir de réponses à leurs questions. Et des interrogations, il y en a plusieurs. Pourquoi cette longue attente ? Quid du déroulement de l’enquête ? Des tests ADN ont-ils été menés ? Que dit la police ?
Pour comprendre l’affaire, il faut remonter au 8 mai 2013, date à laquelle Rakesh Buddoo (33 ans) et son neveu Jason Catherine (22) disparaissent en mer, lors d’une partie de pêche sous-marine à Le Souffleur. Ne les voyant pas rentrer, la famille Buddoo donne l’alerte. Des recherches sont menées. Aucune trace des deux hommes.
Leurs ossements, de même qu’une combinaison de plongée, seront retrouvés plusieurs mois plus tard dans une cave. Ce sont des pêcheurs qui font la découverte macabre. Parmi se trouve le frère de Rakesh. Il reconnaît les vêtements de ce dernier. Les pêcheurs préviennent aussitôt les autorités.
Avec l’autorisation de celles-ci, ils extirpent de la cave les ossements et les vêtements appartenant vraisemblablement à Rakesh Buddoo. De là, une enquête pour identifier les ossements est ouverte. Elle est dirigée par l’inspecteur Cipadoo, l’inspecteur Grenade et le sub-inspector Kistamah, sous la supervision du surintendant de police Raheeman.
Manisha (prénom modifié) et Sheela Buddoo, respectivement épouse et mère de Rakesh Buddoo, reconnaissent les vêtements retrouvés. La police décide de mener des tests ADN pour confirmer s’il s’agit bien des deux disparus. Les ossements sont transmis à la morgue, où le Dr Monvoisin prélève un échantillon qu’il envoie, à son tour, au Forensic Science Laboratory (FSL) pour des analyses. L’ADN de Vidwani Ramsamy, qui est la mère de Jason, est prélevé. Ceux des parents et du frère de Rakesh Buddoo sont aussi analysés.
Les résultats confirment sans ambages qu’une partie des ossements retrouvée est bel et bien celle de Jason Catherine. Les tests ADN n’ont toutefois rien donné dans le cas de Rakesh Buddoo. Son identité a été établi en se basant sur le fait que ses vêtements ont été reconnus par son épouse, ainsi que par sa mère, mais aussi parce que les tests ADN ont confirmé l’identité de Jason Catherine.
L’enquête suivra son cours. En se basant sur les preuves recueillies, les policiers rédigent un rapport détaillé qu’ils envoient au State Law Office. Le décès des deux hommes est ensuite déclaré. Puis, le jeudi 23 mai 2019, soit six ans après les faits, les ossements sont remis aux proches. Les funérailles de Rakesh Buddoo ont eu lieu le même jour et celles de Jason Catherine le lendemain.
La mère de Jason Catherine : « Je ne pouvais regarder la mer sans être triste »
Les dernières paroles que Vidwani Ramsamy a échangées avec son fils Jason résonnent encore dans sa tête. « Une fête était prévue dans les deux jours qui devaient suivre. Il m’avait dit : Maman, je pars. Je reviendrai demain avec un bon kari », se souvient cette mère rongée par le chagrin. Malgré les larmes quotidiennes et la douloureuse absence de son fils, Vidwani nourrissait encore l’espoir de le retrouver sain et sauf. « Je n’arrivais pas à digérer le fait qu’il n’était plus là. Je me disais qu’il rentrerait à la maison… », dit-elle.
Puis est arrivé le jour où les ossements de son enfant lui ont été remis. Accablée par la tristesse, Vidwani était également soulagée de pouvoir offrir des obsèques à son fils. « Malgré le chagrin, je suis contente d’avoir pu construire une stèle à la mémoire de mon Jason. Pouvoir faire mon deuil à travers ses funérailles m’a quelque peu libéré de ma souffrance. », soutient-elle.
Elle décrit son fils comme quelqu’un de bon, de doux, de souriant, de populaire et qui s’entendait à merveille avec tout le monde. Le jeune homme aimait la musique, mais ce qu’il préférait, c’était la mer. Pour lui, qui était né pieds dans l’eau, pêcher était sa passion première. Vidwani confie qu’après le drame, elle était incapable de regarder la mer sans être envahie de tristesse : « Cela me faisait trop penser à mon fils. Je me disais qu’il avait péri dans cette même mer qui le rendait tellement heureux… »
L’épouse de Rakesh Buddoo : « Je veux qu’il soit fier de notre fille »
Manisha (prénom modifié), l’épouse de Rakesh Buddoo, ne garde que de bons souvenirs de ce dernier. Elle le décrit comme quelqu’un de serviable et de jovial. Le couple venait à peine de finir de construire son petit cocon, lorsque le drame s’est produit. Cela faisait un an et demi qu’ils étaient mariés. Leur fille Trishtee (prénom modifié), qui est aujourd’hui âgée de huit ans, n’avait que deux ans lorsque son père a disparu en mer.
Bien qu’étant celle qui a reconnu les vêtements de Rakesh, Manisha n’arrivait pas à en croire ses yeux. Au fond d’elle, elle gardait toujours espoir qu’il serait retrouvé. « Je me disais qu’on ne sait jamais et que peut-être, on le retrouverait. Je ne voulais pas croire qu’il nous avait quitté de cette façon », confie-t-elle.
Elle raconte que Rakesh adorait la mer. « Il la connaissait sur le bout des doigts. Il savait quand elle était mauvaise, quand elle était sûre… Je ne sais pas ce qui s’est passé ce jour-là », lance-t-elle, le regard perdu dans le vide.
Puis, elle reprend son récit, disant à quel point cela a été dur pour elle d’élever Trishtee sans la présence de son père. Ce qui a aidé Manisha à tenir le coup, c’est le rêve que son époux nourrissait pour leur fille. « Il voulait qu’elle ait une bonne éducation. Je veux le rendre fier. »
Son époux a certes eu droit à des obsèques. Mais Manisha affirme qu’elle ne pourra jamais faire son deuil à 100 %. « Il sera toujours dans nos cœurs. Il restera à jamais gravé dans nos mémoires. À mon niveau, j’essaierai autant que possible de préserver sa mémoire dans la vie de notre fille », lance-t-elle.
La mère de Rakesh Buddoo : « Aujourd’hui, je libère mon enfant »
Après six longues années d’incompréhension et d’incertitude, Sheela Buddoo peut enfin faire son deuil. « J’ai passé toutes ces années à me demander où était mon fils. Toutes sortes de pensées me traversaient l’esprit. J’ai vécu ces six dernières années en ne pensant qu’à lui chaque jour », confie-t-elle. D’ailleurs, elle accueille le fait qu’on lui ait remis les ossements de son fils aîné comme un cadeau. « Je suis soulagée d’avoir pu faire son enterrement. Le fait qu’on me remette mon enfant est comme un cadeau qu’on me fait pour la fête des mères », dit-elle.
La noyade a eu lieu à la même période en 2013. Le simple fait d’y penser ravive dans sa mémoire de douloureux souvenirs. « Je me souviens qu’on avait fait des prières. Aujourd’hui, je libère mon enfant », lance-t-elle en larmes. Elle se rappelle aussi que dès les premiers jours de la disparition de Rakesh, elle se rendait à la mer tous les jours, en compagnie de sa belle-fille, dans l’espoir de le retrouver. « Ma belle-fille Manisha et moi, accompagnées de quelques proches pêcheurs issus de Surinam et de L’Escalier, partions à la recherche de Rakesh. Nous y passions des journées entières », raconte-t-elle.
Bien qu’elle soit anéantie par le chagrin, Sheela se dit reconnaissante que Dieu ait mis des gens dévoués et travailleurs sur sa route. « Grâce à eux, mon petit-enfant pourra désormais se rendre au cimetière pour rendre hommage à son père », conclut-elle.
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