À deux ans des prochaines législatives : le challenge de Pravind Jugnauth

À presque deux ans des prochaines élections générales, le Premier ministre a promis de mettre les bouchées doubles pour transformer le pays et se démarquer de l’ancien gouvernement. Ce pari est-il réalisable ? Éléments de réponse.

S’il y a bien une constance dans les messages adressés par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth ces temps-ci, c’est bel et bien le pari qu’il s’est fixé pour assurer la transformation du pays à travers la réalisation de plusieurs projets d’envergure. Voulant à tout prix mettre derrière lui les controverses qui se sont enchaînées l’une derrière l’autre depuis décembre 2014, Pravind Jugnauth a les yeux rivés vers l’avenir. « Je sais où je mène l’île Maurice.

Durant les deux prochaines années, vous verrez la différence entre 2014 et la fin de notre mandat », a-t-il dit le 27 décembre dernier. C’est aussi sur le même ton qu’il a prononcé son discours du Nouvel an. « 2017 a été une année exceptionnelle où nous avons pris des décisions historiques… Nous avons terminé l’année avec une croissance de 3,9 % et nous prévoyons de dépasser les 4 % en 2018 », a-t-il déclaré.

Malgré l’enthousiasme affiché par le chef du gouvernement, ils sont plusieurs acteurs et observateurs politiques à se demander si ces efforts seront-ils suffisants pour convaincre la population en vue des élections générales de 2019.

L’historien et observateur politique, Jocelyn Chan Low met les choses en perspective. Il faut, selon lui, d’abord se demander quelles étaient les attentes de l’électorat en 2014. « La population s’attendait à la fin des scandales et de la mauvaise gouvernance. Il faut reconnaître que le gouvernement avait bien démarré à travers ses opérations de nettoyage, mais un peu plus tard, on a pu remarquer qu’en même temps, le gouvernement faisait le nettoyage d’autres personnes à l’intérieur du gouvernement étaient occupées à tout salir », fait-il ressortir.

Tout cela pousse Jocelyn Chan Low à poser la question suivante : « Les scandales de ces trois dernières années vont-ils finir par s’arrêter ? » Abordant, par ailleurs, l’espoir que le no 1 du gouvernement est en train de mettre dans le développement économique du pays, Jocelyn Chan Low tient à faire ressortir que Maurice jouissait d’une assez bonne situation économique en 1995. « Mais cela n’a pas empêché Anerood Jugnauth de perdre les élections sur un score de 60-0 », ajoute-t-il.

Le ministre du Logement et des Terres, Mahen Jhugroo, un des plus fervents disciples de Pravind Jugnauth, voit les choses autrement. « La stratégie de Pravind Jugnauth a depuis toujours été de faire avancer le pays et cela s’est vu depuis la première fois qu’il a été ministre aux côtés du MMM en 2000 », avance-t-il.

Mahen Jhugroo ne manque pas de rappeler la réforme qui avait été menée dans le secteur de l'agriculture. Dix-sept ans plus tard, la stratégie de Pravind Jugnauth s’est résumée en deux phases poursuit le ministre. « Sa priorité première était de faire évincer la pauvreté. Il y a eu beaucoup de mesures en ce sens, notamment l’introduction du salaire minimal et la Negative Income Tax. C’est maintenant sur l’économie qu’il compte concentrer tous ses efforts », dit-il.

Cette stratégie fera oublier les « scandales » de ces trois dernières années ? Mahen Jhugroo relativise. « Il y a eu des scandales au sein de tous les gouvernements, mais rien de comparable avec notre gouvernement. Il y a certes eu des dérapages de certains jeunes et d’autres membres du gouvernement, mais l’on ne peut parler de scandales », affirme-t-il.

Il y a en effet eu des réalisations qui peuvent être mises au crédit du gouvernement. C’est l’avis que partage l’observateur politique Rajiv Servansingh. « Le salaire minimal, la Negative Income Tax ou encore l’augmentation de la pension de vieillesse sont des réalisations louables », fait-il part. Mais le grand défi du Premier ministre selon Rajiv Servansingh, pour les deux prochaines années, sera d’avoir le contrôle sur sa troupe. « Il faut d’abord savoir s’il a la volonté de mettre de l’ordre dans son entourage », soutient-il.

Gros investissements

En ce qu’il s’agit de la mise en chantier de plusieurs projets publics, Rajiv Servansingh est d’avis que cela jouera certainement en faveur de Pravind Jugnauth si l’on arrive à bien réaliser ces projets. Toutefois, dit-il, c’est au niveau des investissements privés qu’il faudra être attentif. « Il est aujourd’hui clair pour tout le monde que, pour l’heure, il n’y a pas de gros investissements émanant du secteur privé. Il faut savoir que c’est avant tout la confiance dans l’économie qui incite à l’investissement. Ce sera aussi le test de Pravind Jugnauth que d’instaurer cette confiance. Et là je ne parle pas de l’investissement dans l’immobilier, car cela ne relance pas l’économie », précise-t-il.

Rajiv Servansingh veut cependant bien croire dans les chances du Premier ministre. « En tenant en ligne de compte notre système électoral, je pense que, théoriquement, Pravind Jugnauth peut rattraper le retard de ces dernières années », affirme-t-il. Tout en précisant que le Mouvement Socialiste Militant (MSM) devra avoir à l’œil les moindres faits et gestes de ses adversaires politiques.

Bashir Jahangeer, député de la majorité à Rivière-des-Anguilles/Souillac (no 13), est, lui aussi, convaincu que Pravind Jugnauth peut bien gagner son pari, mais à une condition. « Il doit apporter des changements là où il y a des maillons faibles. Il y a notamment plusieurs ministères qui ne sont pas en train de fonctionner », fait-il remarquer. Il faut dire qu’il y a eu, au cours de ces derniers mois, pas mal de mouvements dans l’entourage de Pravind Jugnauth. Des conseillers, à l’exemple de Prakash Maunthrooa et Rudy Veeramundur entre autres, ont été appelés à assumer d’autres fonctions au ministère des Finances, alors que Ken Arian, président de l’Outsourcing and Telecommunications Association of Mauritius (Otam) a été nommé Senior Advisor au Prime Minister’s Office (PMO) à titre bénévole.