Les comptes déposés par Air Mauritius au Registrar of Companies pour l’exercice financier 2021/22, après avoir été approuvés en juin dernier, soulèvent des interrogations. Ce sont surtout les dettes à long terme, qui s’élevaient à Rs 31,3 milliards, et celles à court terme, de Rs 9 milliards, qui suscitent des inquiétudes.
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Après analyse des chiffres, Takesh Luckho, économiste, soutient que même si la compagnie nationale a affiché un bénéfice de Rs 1,5 milliard pour l’exercice financier 2021/22, c’est au niveau des dettes qu’il faut porter son attention.
« C’est inquiétant dans le sens où Air Mauritius est déjà dans une situation difficile. Elle a dû se restructurer, réduire les effectifs, revoir les accords collectifs, car elle était en redressement. Des dettes aussi élevées signifient qu’Air Mauritius devra trouver une source de financement dans les prochaines années pour rembourser tout cela. De plus, n’oublions pas que la compagnie a acheté d’autres avions depuis cette période », explique l’économiste. Air Mauritius prendra possession d'un ATR 72-600 en septembre et devrait recevoir un A330 plus tard dans l'année. Un Airbus A350 est attendu au cours du quatrième trimestre de 2025, et deux autres en 2026.
Takesh Luckho fait aussi remarquer que le « Cost of sales » dépasse les revenus. Les revenus étaient d’environ Rs 6,5 milliards tandis que le « Cost of sales » s’élevait à environ Rs 10,7 milliards. Le « Bénéfice brut » était donc négatif de Rs 4,3 milliards. Cependant, grâce à d’autres sources de revenus, Air Mauritius a pu dégager un bénéfice de Rs 1,5 milliard. « Pour rembourser de telles dettes importantes, il faut disposer de revenus et de financement suffisants. Même si le secteur du tourisme fonctionne actuellement à plein régime, il y a un seuil qui sera difficile à franchir. Je crains que la compagnie puisse se retrouver dans une situation où elle devra vendre ou louer certains actifs pour éviter de se retrouver dans la même situation qu’au début de la pandémie de Covid-19 ».
Soutien du GM
Pour rappel, la compagnie avait été placée sous administration volontaire en avril 2020 pour en sortir le 1er octobre 2021. « La dette de Rs 9 milliards à court terme est également une somme conséquente, mais pour une compagnie de cette envergure, on peut lui accorder le bénéfice du doute sur ce type de dettes. Cependant, ce qui est alarmant, c’est cette dette à long terme. Une stratégie bien définie serait nécessaire », estime Takesh Luckho. Les actifs d'Air Mauritius étaient évalués à Rs 32,9 milliards, légèrement plus que les dettes à long terme. Cependant, cela ne préoccupe pas particulièrement l’économiste, « car Air Mauritius peut compter sur sa maison mère, Airport Holdings Ltd, et le gouvernement pour se porter garant ».
Interrogé pour obtenir son point de vue, un ancien Chief Executive Officer (CEO) déplore qu’Air Mauritius ne soit plus cotée en bourse, car cela aurait nécessité une certaine transparence. « À travers le rapport annuel, nous aurions pu mieux comprendre la situation. Nous aurions pu déterminer la nature des dettes. À partir des informations disponibles, j’ai peur que le niveau d’endettement n’ait pas changé depuis la mise sous administration volontaire. La majeure partie des dettes liées aux avions achetés semble encore présente. Cependant, des informations cruciales manquent pour se faire une opinion éclairée. Le conseil d’administration devrait fournir des explications claires », affirme-t-il.
Et il ajoute que « ce qui est raisonnable ou non, c’est le niveau d’endettement par rapport aux revenus anticipés et aux actifs de la compagnie. Normalement, il faudrait disposer d’assez d’actifs pour pouvoir supporter un niveau d’endettement. C’est d’ailleurs ce que regardent les banquiers et les fournisseurs de biens et services avant d’accorder des crédits.
Raj Ramlugun, l’un des derniers petits actionnaires d’Air Mauritius et membre de la Listed Companies Minority Shareholders Association d’Air Mauritius, souhaite comprendre la nature de ces dettes. « S’agit-il de dettes liées aux avions ? Sont-elles antérieures ou nouvelles ? Et d’où proviennent les bénéfices ? Est-ce l’argent économisé lors de l’administration volontaire, car les administrateurs avaient déclaré avoir économisé Rs 500 millions par an en révisant les accords collectifs des employés ? Air Mauritius devrait fournir de nombreuses précisions pour dissiper les malentendus. Le fait qu’elle ne soit plus cotée en bourse favorise l’opacité. Par conséquent, de nombreuses questions restent sans réponse », déplore-t-il.
Du côté d’Air Mauritius, on déclare qu’il n’est pas possible d’apporter des éclaircissements pour le moment.
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