
- Il aurait traité les demandes de Toxic Loans de Gupta entre 2022-2023
Comment des prêts non garantis ont-ils pu être accordés par une banque soutenue par des fonds publics, malgré des alertes internes ? C’est la question au cœur de l’enquête sur fond de blanchiment d’argent que mène la Financial Crimes Commission (FCC) sur la Silver Bank, aujourd’hui placée sous administration. L’affaire a pris un nouveau tournant dans l’après-midi du jeudi 31 juillet 2025 avec l’arrestation de Rajiv Ramcharitar, ancien Senior Relationship Manager de la banque, interpellé à sa descente d’avion à l’aéroport de Plaisance.
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De retour d’un déplacement en Inde, il a été arrêté dès son arrivée au comptoir de l’immigration, en exécution d’un ordre transmis en amont par la FCC. Il est soupçonné d’avoir facilité l’octroi de prêts frauduleux totalisant Rs 3,55 milliards, à des sociétés liées à l’homme d’affaires indien Prateek Gupta, entre janvier 2022 et janvier 2023. Selon la FCC, ces emprunts ont été accordés sur la base de garanties fictives, alors que l’argent provenait d’entités publiques et devait initialement servir à financer des projets d’intérêt général.
Cette affaire de fraude présumée place une nouvelle fois la Silver Bank – anciennement connue comme la Banyan Tree Bank – sous les projecteurs. Rajiv Ramcharitar est soupçonné par la FCC d’avoir joué un rôle-clé dans le traitement des demandes de prêts dits « toxiques ». D’après l’enquête, il aurait traité celle des Gupta avant de la transmettre au Credit Manager. Puis le dossier a alors été soumis au Credit Committee de la banque qui l’aurait avalisé. Ce comité était dirigé par un ressortissant géorgien, assisté de trois membres indiens.
Signaux internes
Les prêts en question – tous non remboursés – ont été accordés en l’espace d’un an. Plus grave encore : des montants supplémentaires sous forme d’emprunts ont continué à être débloqués, malgré des signaux internes, dont la présence de comptes déjà non performants (« Non Performing Accounts »).
Selon les éléments d’enquête de la FCC, les garanties fournies par les emprunteurs, essentiellement des stocks de métaux censés appartenir à des sociétés spécialisées dans le commerce des métaux en Inde, seraient toutes fictives. Ces garanties supposément fictives ont bloqué toute procédure de saisie, empêchant la Silver Bank de récupérer l’argent des emprunts.
L’arrestation de Rajiv Ramcharitar s’ajoute à celle, deux semaines plus tôt, soit le 17 juillet, de Rajiv Mady George. Cet ancien auditeur interne de la Banyan Tree Bank (aujourd’hui Silver Bank Ltd) a été appréhendé par la FCC pour blanchiment d’argent. Il est accusé d’avoir dupé un directeur d’entreprise en lui faisant croire qu’il pourrait lui faciliter l’obtention d’un prêt bancaire de Rs 175 millions, en 2023.
La FCC soupçonne Rajiv Mady George d’avoir détourné l’argent à des fins personnelles, en contournant les protocoles internes. Elle pense qu’il aurait utilisé sa position interne pour manipuler les procédures de crédit et gagner la confiance du demandeur d’emprunt.
Fonds issus d’entités publiques
Le cœur du scandale réside dans l’origine des fonds prêtés : au total, Rs 3,55 milliards issues d’entités publiques ont été injectées dans la Silver Bank. D’ailleurs, le 6 mai dernier, le Premier ministre avait informé l’Assemblée nationale, en déposant un document, qu’un montant de Rs 3,55 milliards de fonds publics avait été investi dans la Silver Bank Ltd. Cette dernière, placée sous administration en février 2024 par la Banque de Maurice, fait depuis l’objet d’une enquête menée par la Financial Crimes Commission (FCC).
Ces fonds proviennent de plusieurs institutions et organismes publics, chacun ayant contribué à hauteur variable à ce vaste investissement dans la Silver Bank. Cette annonce avait été faite par le Premier ministre au Parlement en mai 2025. Le Projects Development Fund, créé en 2020 pour soutenir les projets d’infrastructure durant la pandémie de COVID-19, a transféré Rs 3 milliards à la banque.
Il avait pour vocation de financer des projets inscrits dans le Public Sector Investment Programme ainsi que tout autre projet, plan ou programme approuvé par le ministre. Ce fonds soutient notamment la construction de logements sociaux, de grands projets routiers et le développement d’infrastructures à Côte d’Or.
La National Insurance Company Ltd y a ajouté Rs 150 millions, tandis que la NIC General Insurance a versé Rs 125 millions. Le conseil municipal de Curepipe a investi Rs 87,7 millions et celui de Port-Louis Rs 45 millions. La Mauritius Housing Company Ltd y a placé Rs 100 millions et le Sugar Insurance Fund Board Rs 40 millions.
La principale actionnaire de la Silver Bank est Ginny Gupta, détentrice de 75 % des parts via une société offshore immatriculée aux îles Caïmans. Son époux, Prateek Gupta, est au centre de plusieurs scandales internationaux, notamment une fraude présumée de 577 millions de dollars (environ Rs 26,9 milliards) au détriment de Trafigura – géant spécialisé dans le négoce de matières premières – à travers ce que l’enquête décrit comme des cargaisons fictives de nickel. Aucune condamnation n’a encore été prononcée jusqu’ici.
À Maurice, Prateek Gupta il aurait obtenu jusqu’à Rs 8,3 milliards de prêts de la Silver Bank, et cela malgré les avertissements initiaux de la Banque de Maurice. L’enquête de la FCC s’attache désormais à faire la lumière sur d’éventuelles complicités internes, des conflits d’intérêts, des cas de mauvaise gestion et des infractions financières majeures. Plusieurs documents ont été placés sous scellés au Réduit Triangle. La FCC continue de remonter toute la chaîne de décision.

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