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Destinées au marché local et étranger : les vieilles ferrailles volées prennent une proportion démesurée

Sept fonderies travaillent légalement à travers le pays.

Exportation immédiate vers l’étranger. Tel est le destin d’un grand nombre de vieux métaux volés (scrap metals). Depuis environ trois mois, cette pratique prend une proportion démesurée dans le pays. Volées, les vieilles ferrailles sont en train d’être écoulées sur le marché local et international.

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Elles renaissent de leurs cendres. En effet, les vieilles ferrailles (scrap metals) volées connaissent une nouvelle destinée. Cette pratique atteint même un nouveau sommet à travers l’île. Les voleurs de vieilles ferrailles prennent tout sur leur passage : aluminium, acier, inox, fer, vieilles bicyclettes, ‘vye drom’, ‘vye fey tole’, vieux conduits d’eau, amortisseurs de camions, carrosseries de voitures, bonbonnes de gaz, entre autres. 

Ce sont des individus sans scrupules, hommes et femmes sans distinction, qui se retroussent les manches et s’adonnent à la collecte de métaux à travers le pays. Pour transporter leurs cargaisons, certains fabriquent des chariots ou encore se trouvent des caddies de supermarché. Par exemple, la semaine dernière, la vidéo d’un voleur de ferrailles en train de découper un portail en métal a fait le buzz sur la toile. Ce dernier prenait tout son temps pour désassembler manuellement le portail. Une brouette a été utilisée pour le transporter. Comment explique-t-on cette prolifération de voleurs de vieilles ferrailles ? 

Marché extérieur

Selon des renseignements, ces vieilles ferrailles ne sont pas collectées au hasard. Des exportateurs étrangers, fait-on comprendre, seraient derrière ce ‘big business’. Une fois collectés et triées (parfois) les vieilles ferrailles (dont certaines sont communément appelées ‘toles’ : à savoir les restes de machines à laver, fours, micro-ondes) sont placées dans des conteneurs pour être exportées « illégalement ». Deux pays d’Asie achèteraient les cargaisons pour un montant approximatif de Rs 18 000 la tonne (incluant le fret). 

Un importateur de vieilles ferrailles avance qu’à Maurice il y a entre cinq à dix exportateurs étrangers. Détenteurs d’un permis de commercialisation de vieilles ferrailles, ces derniers sont derrière ce business qui rapporte énormément d’argent. « C’est parce que la demande pour les vieux métaux est tellement grandissante sur le marché étranger qu’ils redoublent leurs efforts afin d’exporter un maximum de conteneurs de vieux métaux dans les deux pays d’Asie du sud. Ce qui explique qu’un bon nombre de personnes est mis à contribution. Mais détrompez-vous, les voleurs de vieilles ferrailles ne sont pas seulement des toxicomanes. N’importe quel individu qui est en manque d’argent et qui cherche du travail facile s’adonne à cette pratique », souligne-t-il.

Si certains opèrent le jour comme la nuit, cependant d’autres font irruption dans la cour des gens pour voler ce qu’ils peuvent. « Pourvi zafer la fer poi lor balans », raconte un ancien voleur de métaux reconverti dans le domaine de la maçonnerie. Toutefois, notre source s’interroge sur le nombre croissant de ‘marsan feray’, c’est-à-dire ceux qui achètent les vieux métaux avec les collecteurs (connus comme ‘traser’) à travers le pays. C’est un phénomène qui, dit-il, a pris de l’ampleur depuis environ un an et demi, soit depuis le lever du confinement de l’année dernière.

Blanchiment des métaux volés

Reconnus par le ministère du Commerce et de la protection des consommateurs, des collecteurs de vieux métaux dénoncent avec force la prolifération de voleurs de vieilles ferrailles à travers l’île. Ils vont jusqu’à s’interroger sur le nombre de fonderies illégales qui opèrent à travers le pays. Si le nombre de fonderies reconnues seraient au nombre de sept, ils estiment qu’« entre deux ou trois fonderies clandestines » opèreraient à travers le pays. Nos intervenants demandent à la force policière, aux officiers du ministère du Commerce et à la douane d’agir. « Nous sollicitons les autorités d’effectuer des descentes afin de procéder à la fermeture de ces fonderies illégales », demandent-ils.

Entre Rs 11 000 et Rs 12 000 la tonne, soit entre Rs 11 et Rs 12 le kilo. Tel est le prix que les gérants de ces fonderies illégales paient pour avoir les vieilles ferrailles, selon les collecteurs attitrés. Ce prix est plus élevé que les fonderies reconnues par le ministère du Commerce par une ou deux roupies.  « Seki mett for gayn for », disent-ils. 

Ces fonderies illégales sont-ils en train d’alimenter le vol et le trafic de vieux métaux ? « Les vieilles ferrailles volées sont immédiatement refourguées à un receleur. Ce dernier refile la marchandise aux fonderies. Pour brouiller les pistes, les vieilles ferrailles sont immédiatement blanchies et fondues, que ce soit en lingots ou en billettes. Ainsi, cela ne laisse aucune trace. C’est ainsi que les vieux métaux sont légalement écoulés sur le marché local ou international. Certaines fonderies vont plus loin en produisant des barres de fer en acier à partir des vieux métaux. Chose qui est fatale pour la construction, car très peu ou pas de carbone dans la matière réduit considérablement la force de l’acier dans le béton », explique-t-on.

Interdiction d’exportation levée en 2019

En 2016, afin de freiner la collecte et le vol de vieux métaux à travers le pays, le gouvernement avait pris la décision d’interdire l’exportation de vieilles ferrailles (scrap metals). Cette décision du conseil des ministres de l’époque semblait favoriser la compagnie Samlo Koyenco Steel Co. Ltd. Trois ans plus tard, le gouvernement est revenu sur sa décision et les activités ont repris vers mi-2019, confirme le ministère du Commerce.

« Nous n’achetons pas les métaux volés », avance un marchand de vieilles ferrailles

« Des compagnies nous refourguent leurs vieux métaux. Nous sommes aussi sollicités par des particuliers », avance un marchand de vieilles ferrailles. Ce dernier soutient qu’il n’achète jamais de métaux avec n’importe quel individu. « Nou get bann dimounn byen. Nou gete ki kalite feray kapav pran, ek ki kalite feray pa kapav pran », soutient le marchand. Ce dernier avoue que les voleurs de vieilles ferrailles sévissent depuis plusieurs années. « Nous n’achetons pas les métaux volés contrairement à ce que disent certaines personnes. Dimounn krwar marsan feray aste feray avek voler feray. Mais c’est tout à fait faux », précise-t-il. Ce dernier tient à faire ressortir que les vieilles ferrailles sont commercialisées à Rs 10 le kilo auprès des fonderies locales.

45 permis renouvelés par an sous des conditions strictes par le ministère du Commerce

Le ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs octroie quatre permis/licences régis par la Consumer Protection (scrap metals) Regulations de 2019. Cette loi définit les conditions sous lesquelles les permis/licences sont octroyées. Elle contient également les définitions claires sur les ‘scrap metals’ et les ‘scrap metals yards’ (à savoir des dépôts de vieilles ferrailles). Les quatre permis sont : le permis pour la collecte de vieilles ferrailles, le permis pour le convoi de vieilles ferrailles, la licence de revendeur de vieilles ferrailles, la licence d’exportation de vieilles ferrailles.

« Il y a actuellement 45 détenteurs de permis octroyés par le ministère pour le convoi de vieilles ferrailles. Ces permis sont renouvelés sur une base annuelle et sous des conditions strictes. Ces transporteurs obtiennent de vieilles ferrailles des collecteurs dûment enregistrés auprès du ministère du Commerce et de la Protection des Consommateurs et détenteurs d’un permis pour la collecte de vieilles ferrailles », déclare-t-on. Le ministère du Commerce souligne ensuite que « l’importation, l’exportation et la commercialisation de vieilles ferrailles n’est sujet à aucune restriction. Mais à l’exception du cuivre, dont le commerce/l’exportation est interdit, sauf avec l’autorisation écrite du ministère et après que l'opérateur ait prouvé que le cuivre a été légalement obtenu ».

Par ailleurs, le ministère du Commerce demande à ce que les cas de vol de vieilles ferrailles soient rapportés à la police. « Toute personne qui enfreint la Consumer Protection (scrap metals) Regulations 2019 est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas trois ans », souligne-t-on au ministère.

2006-2007 : une pratique quotidienne

Souvenez-vous. 2006-2007. Les vols de vieux métaux à travers le pays étaient une pratique quotidienne. Les voleurs de vieilles ferrailles faisaient beaucoup parler d’eux à l’époque. Plomb, acier, cuivre, aluminium, couvercles d’égout, mains courantes, pylônes électriques, ‘tole drom’ et d’autres objets métalliques, tout était ciblé. Des décorations en fer placées sur les tombes n’étaient même pas passées inaperçues. Certains voleurs de ferrailles de l’époque faisaient irruption dans des cimetières pour les dérober.

Darren, collecteur de vieilles ferrailles : «Mo pe bizin tras mo lavi»

darrenDarren est collecteur de vieilles ferrailles sur des chantiers en construction. Ce jeune homme de 27 ans s’adonne à ce métier depuis cinq ans. Cependant, il avoue qu’il n’a jamais volé de vieux métaux. Au contraire, dit-il, il réclame la permission des propriétaires. « Lavi pa fasil. Depi Covid-19, travay pa fasil. Ena dimounn pe get figir pou pran dimounn pou travay. Mo pe bizin tras mo lavi dan feray parski mo ena enn fami », dit-il. Toutefois, il précise qu’il gagne sa vie honnêtement. « Nou vini. Nou dimande. Inn dir nou ramase », poursuit Darren. Les vieilles ferrailles collectées sont livrées à un marchand opérant dans la région de Trèfles pour une somme de Rs 3 le kilo. Ses journées de travail, soit après huit à huit trajets, gravitent entre Rs 300 et Rs 500 dépendant de la cargaison obtenue.


Riyad, marchand de métaux : «Les collecteurs cherchent toujours la meilleure offre»

Marchand de vieilles ferrailles, Riyad vend ses métaux dans la région de Riche-Terre. « Le montant est entre Rs 8 000 et Rs 8 500 la tonne », souligne-t-il. Selon Riyad, « les collecteurs de vieilles ferrailles cherchent toujours la meilleure offre. C’est la raison pour laquelle, les collecteurs sollicitent plusieurs marchands ».

Demande d’un parc pour exposer les métaux

Des collecteurs attitrés qui s’adonnent à l’exportation de vieilles ferrailles réclament aux autorités « de mettre de l’ordre dans ce secteur ». Ils demandent à ce que les vieux métaux soient placés sur un parc (scrap metals yards) pendant une durée minimale de 72 heures avant la mise sous scellée du conteneur. Cela, disent-ils, a pour but de permettre aux propriétaires de réclamer leurs métaux volés auprès des autorités pendant ce laps de temps.  Autre demande formulée est la présentation d’un certificat (Ndlr : comme tel est le cas lors de la commercialisation de diamants brut) démontrant l’identité de l’acheteur, les sites où les vieilles ferrailles ont été achetées, l’adresse du destinataire ainsi que son identité. Tous ces documents doivent être présentés à la douane avant l’embarcation du conteneur, disent-ils. 

La police : « Les cas sont difficiles à élucider »

La cellule de presse de la police indique que le vol de vieilles ferrailles n’est pas un phénomène nouveau dans la société. « Les malfrats savent où sévir. Poussant leurs caddies très souvent dans le courant de la journée, ils passent parfois inaperçus. Ils collectent non seulement de vieilles ferrailles inutilisables, mais aussi des métaux qui sont encore utilisés », déclare un officier de la cellule de presse de la police.

Un bon nombre de cas de vols de vieilles ferrailles, souligne-t-on, ont été rapportés à la police. « Les cas sont difficiles à élucider lorsque les métaux partent immédiatement à la fonderie. Mais si le voleur est pris la main dans le sac, il sera immédiatement arrêté pour vol », prévient la police.

 

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