La médecine traditionnelle comporte des risques, préviennent les professionnels de la santé. Pour eux, tout est une question de dosage et aussi d’une maîtrise du sujet, comme c’est le cas pour la médecine conventionnelle. Ils soulignent aussi que la médecine traditionnelle ne peuvent traiter toutes les pathologies.
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60000 patients ont recours à la médecine ayurvédique, a affirmé le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal. C’était lors de l’ouverture du premier centre de médecine traditionnelle chinoise à la City Clinic le 9 décembre dernier. Kailesh Jagutpal a même plaidé pour mettre à la portée des Mauriciens cette pratique médicale traditionnelle dans les hôpitaux du service public au même titre que la médecine ayurvédique qui a été introduite dans le service public depuis 1989.
La médecine traditionnelle n’est, cependant, pas sans risque, préviennent les professionnels de la santé. Pour eux, tout est une question de dosage. Comme c’est le cas pour la médecine allopathique, les médicaments doivent être prescrits par un professionnel de la santé après un examen clinique. L’automédication est aussi proscrite. « Dans la médecine traditionnelle, le service est personnalisé. Chaque patient reçoit ses médicaments selon son historique médical, même si ses symptômes peuvent être similaires à un autre», explique le Dr Vikash Halkhoree, spécialiste en médecine ayurvédique.
Ainsi, un patient qui, en apparence, souffre des mêmes problèmes de santé ne doit pas consommer les médicaments d’un autre sans avis médical. « Il faut faire attention aux effets secondaires. Ce qui est bon pour un patient n’est pas forcément bon pour un autre », dit-il. Tout est aussi dans le dosage et il y a également le risque d’une interaction avec d’autres médicaments, prévient le médecin.
Le Dr Bassoodev Goolaub, médecin généraliste, abonde dans le même sens. « Un mauvais mélange peut s’avérer dangereux. Il y a le risque d’avoir une réaction allergique avec l’un des ingrédients qui compose les mixtures de plantes pour un médicament », dit-il. Il souligne également que la médecine traditionnelle ne va pas guérir contre le cancer. « Il est extrêmement dangereux de délaisser son traitement allopathique contre le cancer pour s’appuyer uniquement sur les plantes », fait-il comprendre.
«Tout médicament est un ‘poison’»
Le médecin généraliste ajoute que, si le thé vert, par exemple, est bon pour faire baisser le taux de cholestérol, il peut, cependant, faire monter la goutte chez les patients qui en souffrent. « Comme pour les médicaments allopathiques, la médecine traditionnelle a aussi des effets secondaires. Bien qu’ils soient rares et réversibles, ils sont bel et bien présents et il faut être prudent », dit-il. Le médecin met également en garde les Mauriciens contre la pratique de l’automédication. Pour lui, ce n’est pas parce qu’on utilise des plantes qu’on peut se dire qu’il n’y aura pas de problèmes, car elles peuvent interagir avec d’autres produits. « Tout médicament est un ‘poison’ destiné à combattre un virus, un microbe ou une bactérie, qu’il s’agisse d’un médicament allopathique ou naturel. La prudence doit donc être de mise », souligne le Dr Goolaub.
Le Dr Sunil Guness, chirurgien cardiaque, met lui aussi en garde contre l’utilisation exclusive de la médecine traditionnelle qui peut s’avérer dangereuse, voire fatale. Bien qu’il ne soit pas contre la médecine traditionnelle, il insiste sur le fait que les produits doivent être prescrits par un professionnel dans le domaine. Pour lui, la médecine traditionnelle peut servir d’appoint à la médecine conventionnelle, mais elle ne guérit pas tout. « La médecine traditionnelle a une place de noblesse pour traiter les problèmes psychosomatiques. Cependant, quand une personne a une artère bouchée, par exemple, ce n’est pas cela qui va la soigner. Il ne faut pas leurrer les gens à ce niveau-là », dit-il. Il affirme avoir eu ainsi plusieurs cas où des personnes ont fait un infarctus après ne s’être appuyées que sur la médecine traditionnelle pour leur problème cardiovasculaire. Elles ont été sauvées in extrémis après avoir subi une intervention chirurgicale, ce qui était nécessaire dans leur cas.
Le Dr Dushyant Purmanan, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), explique que, même si la médecine traditionnelle a fait ses preuves, il est proscrit d’arrêter un traitement allopathique prescrit par un professionnel de la santé. Selon lui, même s’il y a des choses que la médecine conventionnelle ne peut traiter, il ne faut pas la mettre de côté pour autant. Il mise aussi sur la complémentarité des deux types de médecine.
Le pathologiste soutient qu’il y a des situations où l’acupuncture peut apporter un soulagement, là où la pratique conventionnelle n’agit pas. Toutefois, la médecine traditionnelle ne guérit pas le cancer, fait-il ressortir. « Il est dangereux d’arrêter un traitement en cours pour se fier exclusivement à la médecine traditionnelle », prévient le pathologiste. Ce dernier a aussi parlé des charlatans. Selon lui, il faut réglementer la pratique de la médecine traditionnelle.
« Je crois dans ce que j’ai appris et dans ce que je fais et que je connais», soutient le Dr Bhooshun Ramtohul, vice-président de l’association des consultants en charge. Selon lui, il y a des moments où la médecine traditionnelle peut être utilisée. Cependant, en tant que spécialiste en orthopédie, il préfère faire confiance aux études qu’il a faites et s’appuyer sur la médecine conventionnelle.
« Je ne suis pas contre la médecine traditionnelle, mais tout dépend de son utilisation », dit-il. Il explique qu’il y a eu des cas où la médecine traditionnelle n’a pu aider et qu’il a fallu avoir recours à la médecine conventionnelle. « Certaines pathologies peuvent être traitées à travers la médecine conventionnelle, d’autres par la médecine traditionnelle, mais cela ne fonctionne pas toujours », dit-il.
Cependant, la médecine traditionnelle a quand même sa place, estiment nos interlocuteurs. Le Dr Halkhoree préconise ainsi une approche intégrée des médecines traditionnelles, alternatives et homéopathiques dans la médecine conventionnelle. Pour le Dr Goolaub, la médecine traditionnelle a sa place et peut aider à apporter un soulagement ou à guérir les patients contre certaines maladies. Il s’avère aussi que, dans certains cas, la médecine traditionnelle a été plus efficace que la médecine allopathique. Il cite l’utilisation de la plante ‘bois de ronde’ pour traiter les calculs rénaux et qui s’est avérée être efficace pour les évacuer, selon lui.
Certaines préparations toxiques
« La médecine traditionnelle chinoise, à la mode en Occident, doit être encadrée et soumise aux mêmes critères d’exigence que la médecine conventionnelle ». C’est l’avertissement donné récemment par l’European Academic Science Advisory Council (EASAC) et le Federation of European Academic of Medecine (FEAM). Pour ces deux agences européennes, il faut une révision du cadre de régulation européenne pour s’assurer que la médecine traditionnelle chinoise est traitée selon les mêmes standards que la médecine conventionnelle.
Le professeur suédois Dan Larhammar, président du groupe d’expert des académies européennes, a expliqué que le fait que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ait inclus un chapitre sur la médecine traditionnelle chinoise « ne veut pas dire qu’il est possible de l’utiliser sans preuve solide de sa sûreté ». Il a, néanmoins, précisé qu’il y a des exemples de médecine traditionnelle chinoise qui ont prouvé, à travers des essais cliniques rigoureux, qu’elles pouvaient avoir des effets bénéfiques.
L’ancien président de l’EASAC est, lui, d’avis que « certaines médecines traditionnelles chinoises peuvent avoir de sérieux effets secondaires et interagir avec d’autres traitements ». Selon lui, certains patients peuvent courir le risque que leur maladie grave soit traitée inefficacement et que le recours à la médecine conventionnelle soit retardé.
Dans un article publié en 2018 sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec, Lyse Lefebvre a expliqué que plusieurs préparations à base de médicaments chinois peuvent causer des effets toxiques. Pour l’auteure, « il est important que les médecins interrogent leurs patients sur l’usage possible de médicaments chinois et qu’ils les préviennent des risques que peuvent présenter ces médicaments pour leur santé ».
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