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Des licenciés : «On nous a utilisés, puis on nous jette»

Plusieurs employés municipaux et des conseils de district étaient réunis au Jardin de la Compagnie, à Port-Louis samedi.

Le choc est brutal, l’émotion vive, l’incompréhension totale. Ils sont environ 1 765 à avoir perdu leur emploi en un claquement de doigts, sans sommation. Recrutés dans différentes administrations locales à travers l’île, ces employés ont été licenciés, le vendredi 16 mai, sur fond d’allégations d’irrégularités. 

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Mais pour ces hommes et femmes, c’est une injustice criante qu’ils entendent bien contester. Samedi après-midi, 17 mai, une cinquantaine d’entre eux se sont réunis au Jardin de la Compagnie, à Port-Louis, pour faire entendre leur voix. Le timing de cette décision en a choqué plus d’un : ces renvois surviennent à peine quelques jours après la tenue des élections municipales.

Vendredi, c’est un vent glacial qui a soufflé sur les municipalités et les conseils de district du pays. Des lettres de licenciement ont été remises à la chaîne, envoyées ou distribuées sans explication directe. La LGSC a fait savoir que tous ces employés avaient été recrutés illégalement, et que leur renvoi s’imposait pour rétablir la conformité. Pourtant, sur le terrain, les témoignages racontent une autre réalité. 

À Port-Louis, Mohamed Ameerkhan, jeune employé de la municipalité, ne décolère pas. « Mo fek sorti lapriyer ek mo inspekter dir mwa raport biro, to let inn vini, pe ‘terminate’ twa… » dit-il, encore sonné. Il n’a jamais reçu d’avertissement, ni été informé d’une quelconque irrégularité. « J’ai des dettes, j’ai mon loyer à payer. J’ai 11 mois de service, et maintenant qu’adviendra-t-il de moi et de ma famille après le 15 juin ? » s’interroge-t-il, la gorge nouée.

Comme lui, ils sont nombreux à dire qu’ils ont été recrutés de manière formelle, après des entretiens et des tests supervisés par les autorités locales. « Nous avons suivi toutes les étapes, on nous a dit que nous étions retenus. Comment peut-on maintenant nous dire que c’était illégal ? » demande Bilkiss, elle aussi employée à la municipalité de Port-Louis. Pour elle, le mal est profond : « On nous a utilisés, puis on nous jette. »

L’émotion est palpable au Jardin de la Compagnie, où ces travailleurs remerciés se sont rassemblés dans un silence brisé par l’indignation. Hommes, femmes, jeunes parents, tous ont un point commun : la peur de l’avenir. Sans emploi, sans explication claire, ils se sentent trahis par le système. Certains ont quitté un autre poste pour rejoindre l’administration locale, attirés par la stabilité. D’autres ont tout misé sur ce premier emploi pour sortir leur famille de la précarité. Aujourd’hui, ils ne savent plus à quoi s’attendre.

Le flou entourant la décision de la LGSC ne fait qu’alimenter leur frustration. Pourquoi maintenant ? Pourquoi après des mois, voire une année complète de travail ? Pourquoi surtout, juste après les municipales ? Comment les procédures ont-elles pu aboutir si elles étaient véritablement entachées d’illégalité ? Les manifestants réclament des comptes et demandent qu’une enquête soit ouverte pour faire toute la lumière sur cette affaire. S’ils dénoncent l’injustice, c’est aussi pour que cela ne se reproduise pas. « Il faut assumer les erreurs, mais pas faire porter le poids à ceux qui n’ont rien à se reprocher », lance un autre manifestant.

Ce qui a jeté de l’huile sur le feu, c’est l’annonce récente faite par le gouvernement concernant la création de 3 000 nouveaux postes dans la fonction publique. « On nous vire, et ensuite on annonce qu’on va recruter ? Pour qui ? Pourquoi pas nous ? » s’indigne un ancien agent du conseil de district de Moka. Certains y voient une manœuvre politique, d’autres un manque de considération envers les travailleurs.

Les manifestants lancent un appel solennel au Premier ministre pour qu’il intervienne sans délai. Ils demandent à être réintégrés, ou du moins entendus. Car derrière chaque lettre de licenciement, il y a un visage, une famille, une histoire. Et aujourd’hui, ce sont plus de 1 700 vies qui ont basculé, dans un silence assourdissant, quelques jours à peine après que la démocratie locale a parlé dans les urnes.

 

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