La loi antiterroriste sera amendée cette année. Plusieurs ajouts condamnent toute formation terroriste à l’étranger et prévoient des sanctions contre les mauvais plaisantins .
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L’Hôtel du gouvernement s’est décidé à mettre un frein aux incursions de présumés djihadistes mauriciens en Syrie. Depuis l’ouverture d’une enquête par la cellule anti-terroriste au Prime minister’s Office (PMO) sur les pérégrinations supposées de Reaz Lauthan auprès de l’État islamique en 2013, la décision a été prise de renforcer davantage la Prevention of Terrorism Act (PoTA) de 2002.
Avec l’affaire Zafirr Lauthan, qui a été soulevée devant la Old Bailey Court, à Londres cette semaine (voir hors-texte), un comité de haut niveau se réunit à l’Hôtel du gouvernement, ce lundi, pour discuter du Prevention of Terrorism (Amendment) Bill. Le texte de loi devrait être présenté par le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, à l’Assemblée nationale cette année.
L’article 3 de la PoTA sera modifié afin de poursuivre toute personne consentant, collaborant ou participant à un acte terroriste. Il inclut également toute personne menaçant de commettre un tel acte ou qui en fait la promotion, voire encourage des tiers à se lancer dans de telles activités.
Dans la même veine, un ajout sera effectué à l’article 4 pour que la PoTA puisse être utilisée contre toute personne ayant reçu une formation, quelle que soit sa nature, au sein d’une organisation proscrite à Maurice comme à l’étranger.
L’article 5 est également étoffé avec un alinéa sur le « terrorist training ». « Any person who knowingly attends a place in or outside Mauritius for the purpose of receiving instructions or training in relations to acts of terrorism shall commit an offence », peut-on y lire.
Les pleins pouvoirs à la police
Les habits qui pourraient suggérer une appartenance à une organisation proscrite ou l’utilisation de banderoles ou de drapeaux pouvant laisser qu’une personne sympathise ou épouse les préceptes de celle-ci seront aussi condamnables sous l’article 6. La police aura les pleins pouvoirs pour interpeller cette personne sans avoir un mandat au préalable.
Le nouveau texte de loi prévoit aussi des sanctions contre les mauvais plaisantins. Toute communication autour d’une attaque terroriste, même si elle s’avère être sans fondement, pourrait mener l’auteur en prison.
Cette clause semble avoir été rédigée dans le sillage du faux courriel de menace reçue par le PMO l’année dernière, supposément signée par Yogen Sundrun. Se faisant aussi appeler Abu Shuaib Al Afriki, il faisait l’apologie de l’État islamique sur YouTube et invitait les Mauriciens à rejoindre les rangs de cette organisation terroriste.
La version 2016 de la PoTA prévoit la création d’un Agence anti-terroriste. Elle devra être dirigée par une personnalité ayant une longue expérience dans le renseignement ou la police. Celle-ci sera directement nommée par le chef du gouvernement et sera appelée à travailler avec les services de renseignement étrangers, tout en identifiant les causes de toutes activités terroristes sur le territoire mauricien.
Les activités de l’Agence anti-terroriste seront supervisées par un comité d’élite présidé par le Secretary for Home Affairs. Le comité devra inclure le directeur de l’agence, le National Security Advisor, le Sollicitor General ou l’un de ses représentants et le directeur général du National Security Service.
La nouvelle loi prévoit des sanctions contre toute personne divulguant des informations sur l’identité d’un informateur. Son nom ne pourra également être révélé devant n’importe quelle commission, comité ou tribunal. Sauf devant une cour spéciale.
Cela s’applique aussi pour la protection des témoins. Tout harcèlement ou acte d’intimidation contre un informateur ou un témoin sera considéré comme un délit.
L’Agence anti-terroriste aura le pouvoir d’effectuer des opérations de surveillance électronique suite à une demande devant un juge en Chambre sur toute personne soupçonnée de vouloir commettre un acte terroriste à Maurice comme à l’étranger.
Celle-ci pourrait être placée en résidence surveillée et munie d’un bracelet électronique à travers un « control order ». Toute communication avec des tiers via Internet, entre autres, ou d’achats de produits dangereux seront interdits pour tout suspect.
L’ancien président de la République Cassam Uteem, qui avait démissionné en 2002 à cause de la PoTA, estime qu’il faudra se pencher sur les nouvelles clauses dans la version qui sera modifiée.
« Il faudrait vérifier qu’elles ne vont pas à l’encontre des principes démocratiques », dit-il. « Il ne faut pas aller à un autre extrême, dénaturant ainsi la société. C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai refusé de signer, car il contenait des clauses antidémocratiques et anticonstitutionnelles », ajoute Cassam Uteem. Pour lui, le fait que l’archipel des Chagos abrite une base militaire américaine pourrait expliquer une éventuelle attaque contre les intérêts mauriciens. « Il faut prendre des mesures de précaution et s’attaquer au terrorisme. Mais il faut aussi comprendre les raisons de ces actions », plaide-t-il.
Le djihadiste bénéficiait de l’aide de ses proches
Il y a finalement la preuve qu’un Mauricien est parti faire le djihad en Syrie sous les drapeaux de l’État islamique. Mohammed Iqbal Golamaully et son épouse Nazimabee Golamaully ont plaidé coupables devant la justice anglaise cette semaine pour avoir financé l’État islamique à travers leur neveu Zafirr Golamaully. Celui-ci a quitté Maurice pour la Syrie via Dubaï et la Turquie en mars 2014 et n’a plus donné signe de vie. Une enquête a été ouverte par le Central Criminal Investigation Department et la cellule anti-terroriste contre le jeune homme et sa sœur Lubnaa, aussi soupçonnée d’être partie le rejoindre en Syrie.
Les parents des ces deux jeunes, des enseignants, disent ignorer ce qu’ils manigançaient. Se présentant sous le pseudonyme Abu Hud, Zafirr Golamaully avait posté des messages haineux sur Twitter qui laissent penser qu’il avait été mis au courant de l’attaque qui a coûté la vie à 12 personnes en janvier 2015 contre le magazine Charlie Hebdo, à Paris. Également actif sur YouTube et sur Tumblr sous le nom de Paladin of Jihad, il donnait des conseils aux futurs djihadistes sur les postures à adopter pour ne pas être déportés par les services d’immigration turcs.
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