Le porte-monnaie des consommateurs a pris un sale coup depuis le début de la pandémie. Notamment en raison de la dévaluation de la roupie et de l’augmentation du coût du fret. Quel impact sur le budget du consommateur ? Quels sont les produits concernés ? Comment évolueront les prix cette année ? Le point.
Il y a unanimité. Faire ses courses coûte désormais plus cher à chaque fin de mois. Au dire de Claude Canabady, secrétaire de la Consumer’s Eye Association (CEA), le panier ménager coûte désormais Rs 2 000 de plus en comparaison à la fin de décembre 2019.
C’est un fait que le pouvoir d’achat de la petite classe moyenne et de ceux au bas de l’échelle a été terriblement affecté au point d’être saigné à blanc pendant ces deux dernières années de la pandémie, renchérit Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC). « Certes, nous ne sommes pas le seul pays à souffrir des effets néfastes de la Covid-19 mais Maurice est particulièrement touché car nous dépendons, dans une très large mesure, des importations que ce soit pour l’alimentation ou pour d’autres secteurs », fait-il comprendre.
Une observation que partage Claude Canabady. Certes, concède-t-il, il y a des facteurs qui sont hors du contrôle des autorités mauriciennes. Il cite notamment les prix des denrées importées et le coût du fret. Par contre, précise le secrétaire de la CEA, la dépréciation de la roupie mauricienne vis-à-vis des principales monnaies étrangères est un facteur encore plus important car cela a eu un effet négatif sur le pouvoir d’achat du consommateur lambda.
« La livre sterling a maintenant franchi la barre de Rs 60. Nous importons deux fois et demi plus de produits que nous en exportons et avec une inflation de 4 % qui est en hausse, c’est une véritable recette pour diminuer encore plus le pouvoir d’achat du consommateur », martèle-t-il.
Effets négatifs
Claude Canabady parle de « vrai désastre, en particulier pour ceux qui sont au bas de l’échelle. Même ceux de la classe moyenne commencent à ressentir les effets négatifs ». Le secrétaire de la CEA fait valoir, dans la foulée, que la compensation salariale a été minimale et que la pension de base des retraités n’a pas été augmentée. « Le consommateur ne peut acheter que l’essentiel pour le moment et passer son temps à la recherche des promotions pour acheter les produits qu’il peut se permettre. »
Tout cela fait dire à Mosadeq Sahebdin, porte-parole de la Consumer Advocacy Platform (CAP), qu’il n’est pas impossible que certains produits deviennent inaccessibles aux ménages à faible revenu. « La hausse des prix influe aussi sur les habitudes de consommation, obligeant de nombreux consommateurs à se tourner vers le bas de gamme, sinon à se priver de certains produits. »
Le pire est à venir
La situation va empirer cette année si les efforts requis ne sont pas faits au niveau mondial, estime Suttyhudeo Tengur. D’abord pour ramener la pandémie à un niveau gérable et ensuite trouver les moyens pour relancer l’économie mondiale.
« Le coût exorbitant du fret ne baissera pas de sitôt et si des mesures au niveau des finances ne sont pas prises pour redresser la parité de la roupie mauricienne par rapport au taux de change du dollar américain, la situation sera très difficile pour le consommateur moyen », prévoit-il.
Mosadeq Sahebdin abonde dans le même sens. Les facteurs qui ont influencé les prix sont toujours présents, fait-il remarquer. Et il n’y a aucune raison de croire, sauf intervention internationale au niveau de l’Organisation mondiale du commerce par exemple, que les transitaires qui ont exploité la situation de la Covid-19 à fond pour engranger des profits excessifs changent de comportement, fait ressortir le porte-parole de la CAP.
« En attendant un retour à la normale, surtout en ce qui concerne le mouvement des conteneurs, la tendance à la hausse des prix se maintiendra. » D’ailleurs, poursuit-il, il n’y a aucune indication quant à une amélioration de la situation. « La récente hausse excessive de 10 % des prix du carburant vient corser la donne. Le porte-monnaie du consommateur a pris un sale coup », observe-t-il.
Pour sa part, Claude Canabady soutient qu’il n’y aura pas de changements à l’horizon si la pandémie ne s’atténue pas. « Évidemment, si la situation persiste, cela aura un effet négatif sur les prix de tout ce que le pays importe. Le coût du fret va probablement continuer de prendre l’ascenseur. » Il insiste : « Les subventions mises en place n’ont pas eu l’effet voulu. »
Il propose qu’il y ait un meilleur contrôle des prix des produits de base pour aider les consommateurs. Il n’en démord pas, les autorités doivent imposer un « maximum mark-up ». « Il y a des hausses abusives parce que certains profitent de l’occasion pour gonfler les prix artificiellement pour leurs gains personnels », déplore le secrétaire de la CEA.
Logement réduit, prix inchangé
Parmi les produits dont les prix montent continuellement, il y a les conserves, notamment le corned beef qui est vendu à Rs 131 dans les grandes surfaces et Rs 135 dans les boutiques. Le corned mouton coûte, pour sa part, Rs 155,00 contre Rs 138 en avril 2021. On note aussi une hausse des prix de l’huile et du lait en poudre.
D’autre produits ont subi une hausse camouflée de l’inflation par le contenu. Le thon en conserve, par exemple, dont le logement contenait jusqu’à tout récemment 185g. Ceci est désormais réduit à 170g alors que le prix est maintenu. Un calcul du prix au kilo démontre que ce produit a subi une hausse de 8 %, hausse que l’on ne voit pas sur le prix de vente.
« Il faut distinguer entre les produits dont les prix continuent d’augmenter et ceux dont la hausse est camouflée par la compression de l’emballage ou une réduction du contenu », soutient Mosadeq Sahebdin.
Carburant plus cher : effet cascade attendu
La hausse de 10 % du prix du carburant depuis le 26 février 2021 aura un effet cascade sur les prix d’autres services et produits de consommation. C’est du moins ce que prévoient les associations des consommateurs.
| Janvier 2021 | Décembre 2021 | Février 2022 | |
|---|---|---|---|
| Essence | Rs 50,70 | Rs 55, 75 | Rs 61,30 |
| Diesel | Rs 37,30 | Rs41 | Rs 45,10 |
CEA : comparaison des prix entre 2019 et 2021
| Produits | Logement | Prix en 2019 | Prix en 2021 | % de hausse |
|---|---|---|---|---|
| Chou | 1 unité | Rs 30- Rs 40 | Rs120 | 300 % + |
| Ail | 1 kg | Rs160 | Rs184 | 15 % + |
| Poulet entier | 1 kg | Rs132 | Rs149 | 20 % + |
| Corned beef | 340 g | Rs80 | Rs115 | 30 % + |
| Poisson surgelé | 1 kg | Rs217 | Rs260 | 22 % + |
| Huile | 1 L | Rs45 | Rs63 | 26 % + |
| Lait pour bébé | 140 g | Rs173 | Rs220 | 26 % + |
Guerre entre la Russie et l’Ukraine
Les distributeurs anticipent une pression additionnelle sur les prix
La crise sanitaire continue d’avoir des conséquences économiques sur les consommateurs. Selon les distributeurs locaux, de nombreux facteurs affectent négativement le pouvoir d’achat des Mauriciens : inflation importée, hausse des cours mondiaux des commodités, dépréciation de la monnaie, fret plus aléatoire…
« Notre marché subit les conséquences sans nécessairement pouvoir agir sur ces phénomènes extérieurs. C’est une raison de plus de continuer les efforts pour produire et consommer local le plus possible », explique Yovan Jankee, Head of Strategy & Communication chez Panagora Marketing.
Toutefois, avance-t-il, la guerre ouverte entre l’Ukraine et la Russie est un élément de pression additionnel qui va perturber grandement le commerce international, la disponibilité de certains produits, dont du pétrole et du gaz. « Des conséquences sur Maurice sont inévitables », dit-il.
Un haut cadre d’Innodis abonde dans le même sens. « La guerre en Ukraine a forcément des répercussions sur le prix du pétrole au niveau mondial. D’ailleurs, les dernières augmentations de l’essence et du diesel vont certainement avoir un impact sur le coût de nos opérations. On fera de notre mieux pour garder les prix raisonnables sur les rayons », affirme-t-il.
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