Départ de Sithanen - Banque de Maurice : place aux nouvelles compétences

Ce lundi, la Banque de Maurice accueille Priscilla Muthoora Thakoor, nouvelle gouverneure. Elle pourra compter sur Ramsamy Chinniah, promu au poste de second adjoint au gouverneur. Un vaste chantier les attend. Le point.

Après des mois de crise et de guerre interne, Navin Ramgoolam mise sur une économiste du Fonds monétaire international pour redresser la Banque centrale. Une nomination historique qui marque une rupture nette. Le message est clair : fini le temps des polémiques et des accusations publiques. Ce lundi, Priscilla Muthoora Thakoor prend officiellement les rênes de la Banque de Maurice. Cette ancienne lauréate, diplômée d’Oxford, devient la première femme gouverneure dans les 60 ans d’histoire de l’institution. 

Dans un bref communiqué, jeudi après-midi, 25 septembre, le Premier ministre et ministre des Finances a coupé court aux spéculations. D’une part, avec les nominations de Priscilla Muthoora Thakoor et de Ramsamy Chinniah aux postes de gouverneure et de Second Deputy Governor. D’autre part, en écartant définitivement Rama Sithanen - qualifié pourtant d’« ami » - Navin Ramgoolam a privilégié l’intégrité d’une institution affaiblie, où les priorités ont semblé être autres que la stabilité des prix et le taux de change. Un signal fort envoyé à la population, au monde des affaires et aux organisations financières internationales après des mois de turbulences.

Cette décision marque également un alignement sur les positions du Premier ministre adjoint Paul Bérenger, critique virulent depuis le 12 août dernier de la situation prévalant à la Banque centrale. Il dénonçait notamment la « double casquette » de Rama Sithanen en tant que gouverneur de la Banque de Maurice et président de la Financial Services Commission.

Pour les observateurs du secteur bancaire, cette crise aura été riche d’enseignements. « Le premier est qu’il faut toujours qu’un officiel de la Banque centrale soit nommé dans l’un des trois postes-clés. Sa connaissance du mode opératoire du régulateur bancaire permet de faciliter, voire d’accélérer les prises de décision », affirme un banquier ayant côtoyé les cadres du régulateur bancaire des décennies durant. 

Deuxième leçon : « Tout nouveau gouverneur, de surcroît un nominé politique, doit apprendre à faire confiance dès le début à ses directeurs de département au lieu de se hisser au-dessus et d’adopter une approche de donneur d’ordres », ajoute-t-il. Et le troisième enseignement, selon lui ? « Il faut toujours se rappeler que l’intérêt de l’institution prime et non pas celui des personnes aux commandes. » 

Tenant compte de cette analyse, la nomination de Priscilla Muthoora Thakoor est une réponse directe et ferme aux critiques négatives qui ont fusé de toutes parts ces dernières semaines. Ancienne lauréate, docteure en économie de l’université d’Oxford, forte de 16 ans d’expérience au Fonds monétaire international (FMI) comme Senior Economist, elle présente un profil technique irréprochable – loin des nominations politiques contestées.

« D’abord, je tiens à remercier le Premier ministre de m’avoir nommée et pour sa confiance dans mes compétences pour être gouverneure de la Banque de Maurice. J’accepte cette responsabilité en toute humilité et avec le sérieux voulu. C’est une opportunité pour que je sois au service de mon pays et de la Banque centrale, où j’ai fait mes premiers pas professionnels en tant que Research Officer », a-t-elle déclaré à Le Dimanche/L’Hebdo.

Sa feuille de route est claire : « Il y a beaucoup à faire. La Banque centrale se focalisera sur son mandat de stabilité des prix, de stabilité financière et du taux de change. De plus, ma priorité sera de redonner confiance à la population, aux partenaires économiques et aux instances internationales et montrer que la Banque centrale est en train de fonctionner comme il se doit. Il y a de multiples défis à relever. Il est important de consolider la bonne gouvernance. »

Aux côtés du First Deputy Governor Rajeev Hasnah, maintenu à son poste, la nouvelle gouverneure pourra compter sur Ramsamy Chinniah, promu Second Deputy Governor. Ses 42 années au sein du régulateur bancaire – depuis 1983 – et son expérience comme directeur du département de supervision constituent un atout majeur pour le top management. 

Reste que la tâche s’annonce ardue. Après des mois de guerre interne, de dénonciations et d’accusations étalées sur la place publique et les réseaux sociaux, le défi pour la nouvelle équipe sera de prouver que la Banque centrale peut retrouver sa mission première dans un contexte où chaque décision sera sous la loupe de tout un pays. Le pari de Navin  Ramgoolam sur la compétence technique plutôt que sur la proximité politique sera-t-il payant ? Les prochains mois le diront.

Des dossiers brûlants attendent la nouvelle gouverneure

Sous le couvert de l’anonymat, un expert financier a dressé la liste des dossiers urgents qui pèseront sur la nouvelle direction de la Banque de Maurice. Premier point sensible : la stabilité de la roupie. « On nous a promis une certaine solidité face au panier de devises. Or, les derniers chiffres indiquent un affaiblissement. Les entreprises continuent de subir une pénurie de devises, même si la situation s’était considérablement améliorée sous Rama Sithanen », fait-il remarquer.

Autre dossier explosif : celui de la Silver Bank. La question demeure entière : les autorités chercheront-elles à retracer les fonds des épargnants disparus dans la tourmente ? Et surtout, des sanctions tomberont-elles enfin sur ceux qui ont vidé les caisses de la banque ?

La Mauritius Investment Corporation (MIC) reste également au cœur des interrogations. Alors que le FMI a recommandé que cette entité soit placée sous la tutelle du ministère des Finances, la position de la nouvelle gouverneure sera scrutée de près.

Enfin, le secteur financier attend plus de clarté sur la politique à adopter vis-à-vis de l’arrivée de banques privées et d’investisseurs. Après l’épisode controversé de la Bank of Africa, les milieux d’affaires veulent savoir si la nouvelle équipe à la tête de la Banque de Maurice ouvrira la porte à ces acteurs jugés essentiels pour dynamiser les services financiers et soutenir la croissance. 

Le « record » de Rama Sithanen

Formé à la prestigieuse London School of Economics, Rama Sithanen cumule 46 ans d’expérience dans la finance locale, régionale et internationale, dont dix années passées comme ministre des Finances. Il a été le 13e gouverneur de la Banque de Maurice, établissant un nouveau record : un mandat de seulement 10 mois et demi, le plus court de l’histoire de l’institution. À l’inverse, sir Indur Ramphul détient la palme de longévité avec 14 années à la tête de la Banque.

Priscilla Muthoora Thakoor – 29 septembre 2025 à…

• Rama Krishna Sithanen  - novembre 2024 à septembre 2025
• Harvesh Kumar Seegolam – mars 2020 à novembre 2024
• Yandraduth Googoolye – janvier 2018 à février 2020
• Rameswurlall Basant Roi – décembre 2014 à janvier 2018 (2e mandat)
• Rundheersing Bheenick – mai 2010 à décembre 2014 (2e et 3e mandat)
• Yandraduth Googoolye – février 2010 à mai 2010 (intérim)
• Rundheersing Bheenick – février 2007 à février 2010 (1er mandat)
• Yandraduth Googoolye – janvier 2007 à février 2007 (intérim)
• Rameswurlall Basant Rai – novembre 1998 à décembre 2006 (1er mandat)
• Mitrajeet Dhaneswar Maraye – avril 1996 à novembre 1998
• Sir Indurduth Ramphul – juin 1982 à mars 1996
• Goorpersad Bunwaree – janvier 1973 à mai 1982
• Aunauth Beejadhur – juillet 1967 à décembre 1975

Ramsamy Chinniah : une expertise largement reconnue

Chartered Accountant et titulaire d’une maîtrise en Financial Economics de l’Université de Maurice, Ramsamy Chinniah cumule plus de trois décennies d’expérience au sein du département de supervision de la Banque de Maurice. Son expertise a largement contribué à renforcer la résilience du système bancaire mauricien, en particulier face à la crise financière mondiale de 2007 et durant la pandémie de COVID-19.