La forteresse du Mouvement socialiste militant (MSM) dans les circonscriptions rurales est-elle ébranlée ? La révocation du ministre de l’Agro-industrie, Vikram Hurdoyal, suivie de sa démission comme député de la circonscription n° 10, le tout associé à des défections survenues dans d’autres circonscriptions rurales ces derniers mois, soulèvent plusieurs questions sur la solidité du MSM en zone rurale.
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Circonscription n° 7
L’année 2023 a mis en lumière la circonscription n° 7 (Piton/Rivière-du-Rempart) en raison d’allégations de corruption visant le Parliamentary Private Secretary (PPS), Raj Dhaliah, et son collègue, l’Attorney General Maneesh Gobin, concernant l’attribution d’un bail à l’Eco Deer Park Association pour un terrain près de Grand-Bassin. Alors que les accusations contre Maneesh Gobin n’ont pas été jugées sérieuses, celles visant Raj Dhaliah l’étaient, entraînant sa convocation devant l’Independent Commission against Corruption (Icac) et sa démission en tant que PPS. Pour de nombreux observateurs, ces allégations ont sérieusement porté préjudice à cette circonscription.
Les chances de Raj Dhaliah d’obtenir une nouvelle investiture pour les prochaines élections générales sont sérieusement compromises, de même que jusqu’à présent non inquiété, Maneesh Gobin pourrait également se voir privé de candidature. Cette situation laisse planer une grande incertitude dans cette circonscription pour le parti au pouvoir.
Circonscriptions n° 9 et n° 10
Avec le cas de Vikram Hurdoyal, initialement révoqué de ses fonctions ministérielles puis démissionnaire en tant que député de la circonscription n° 10 (Montagne-Blanche/Grande-Rivière-Sud-Est), l’ensemble de la région de l’Est est sérieusement impacté, y compris la circonscription voisine n° 9 (Flacq/Bon-Accueil). Il est largement reconnu, tant par les acteurs politiques que par ceux du gouvernement, que l’influence de Vikram Hurdoyal ne se limite pas à la circonscription n° 10, où il a été élu en tête de liste lors des élections générales de 2019. Elle s’étend également à la circonscription n° 9.
Cette situation pourrait jouer en faveur de l’opposition parlementaire et de son chef de file, Navin Ramgoolam, qui n’a été battu que par 638 voix lors des dernières élections générales. L’absence de Vikram Hurdoyal aux prochaines élections générales est perçue par de nombreux observateurs comme un sérieux avantage pour Navin Ramgoolam, qui vise à remporter une victoire électorale après avoir subi deux défaites consécutives en 2014 et 2019.
Circonscription n° 13
Avec la démission de Siven Selloyee de son poste de directeur de campagne du MSM dans la circonscription n° 13 (Rivière-des-Anguilles/Souillac) en janvier 2024, de nombreux partisans du parti sur le terrain ont unanimement reconnu qu’il s’agissait d’une perte stratégique pour le parti soleil. Dans un communiqué émis par le MSM, la contribution de Siven Selloyee au sein du parti a d’ailleurs été soulignée. N’ayant pas renoncé à sa carrière politique, il a annoncé qu’il participerait activement aux prochaines élections générales.
Contacté par téléphone pour commenter la situation du MSM dans les circonscriptions rurales, le principal intéressé a rappelé qu’il avait déjà prédit, lors de sa conférence de presse en janvier dernier, qu’il y aurait d’autres démissions au sein du MSM. Il a ajouté que les derniers événements lui donnent raison.
Selon lui, les récentes défections au sein du MSM dépassent le cadre rural. « J’avais dit qu’il y a une frustration grandissante au sein du parti, et tout ce que nous constatons maintenant confirme que la situation empirera pour le MSM. Je suis sur le terrain et je peux vous dire que la situation est très difficile pour le MSM, tant en région rurale qu’urbaine », a-t-il ajouté.
Circonscription n° 14
Dans la circonscription n°14 (Savanne/Rivière-Noire), où le MSM avait obtenu trois sièges lors des dernières élections générales, des perturbations sont observées. La démission de Gawtam Mansauk de son poste de Constituency Clerk auprès de Sandra Mayotte, justifiée par son désir de continuer à progresser, représente un revers pour la députée de cette circonscription.
Cependant, c’est surtout la situation du ministre Alan Ganoo qui suscite l’attention. Lors d’une réunion régionale début février, il a exprimé son agacement envers certains membres du MSM qu’il accuse de mener une campagne contre sa protégée, la députée Tania Diolle de Belle-Rose/Quatre-Bornes. Cette prise de position directe, inhabituelle de la part d’Alan Ganoo, connu pour sa diplomatie, laisse entrevoir une frustration plus profonde. Pour l’état-major du MSM, il est crucial de ménager celui qu’on surnomme le « roi de l’ouest », car cela pourrait compromettre la survie du parti dans cette circonscription.
Usure du pouvoir et année électorale délicate
L’historien et observateur politique, Jocelyn Chan Low, indique qu’il faut être prudent avant de tirer des conclusions sur un éventuel glissement du MSM dans les circonscriptions rurales. Pour lui, les différents scénarios, largement interprétés comme une situation difficile pour le MSM, sont tout à fait normaux durant une année électorale. « Il est connu qu’il y a beaucoup de soubresauts en période électorale, car certains sont frustrés de ne pas obtenir de tickets pour les élections. En interne, d’autres membres font tout leur possible pour en obtenir un », souligne-t-il.
Il concède que c’est certes « le MSM qui semble être plus touché par ces soubresauts », mais il fait ressortir que l’opposition ne sera pas épargnée. « Des mécontentements et des frustrations parmi les membres de l’opposition émergeront lorsque la question du partage des tickets sera abordée, de même que la composition du Front Bench », ajoute-t-il.
Selon l’avocat et membre de Linion Moris, Parvez Dookhy, le MSM est principalement affecté par l’usure du pouvoir. « Si on remonte à 1990-91, on notera que SAJ était complètement frappé par l’usure du pouvoir et avait besoin du MMM, qui représentait 45 % de l’électorat », explique-t-il.
Il précise qu’après 10 ans, Navin Ramgoolam aussi a été affecté par le phénomène de l’usure. « Le peuple voulait du changement et Ramgoolam a été balayé en 2014 », ajoute-t-il. Pravind Jugnauth, également au pouvoir depuis 10 ans, est confronté à des défis similaires.
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