Les organismes relevant du ministère de l’Énergie et des services publics font face à des défis majeurs qui menacent leur viabilité et leur rôle clé dans l’économie du pays. Ces défis s'étendent de la nécessité d’une stricte gouvernance dans l’attribution des contrats à des situations financières alarmantes, comme en témoigne le déficit colossal de Rs 4,8 milliards enregistré par le Central Electricity Board (CEB). À cela s’ajoutent les enjeux du changement climatique, qui doivent impérativement être intégrés dans les stratégies et opérations de ces entités publiques. Pour garantir leur pérennité et remplir efficacement leurs responsabilités économiques, ces organismes sont contraints de se réinventer. Cela exige des réformes profondes et une vision renouvelée pour répondre aux attentes croissantes de durabilité et d'efficacité.
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CEB
L’urgence d’un virage énergétique
Le Central Electricity Board (CEB), organisme public clé sous la tutelle du ministère de l'Énergie et des services publics, est aujourd'hui au bord du gouffre. Alors qu'il détient le monopole de la distribution d'électricité à Maurice, la situation financière alarmante de l’organisme soulève des questions profondes sur sa gestion et son avenir.
Avec des pertes records de Rs 4,8 milliards enregistrées lors de la dernière année fiscale, le CEB peine à maintenir ses opérations. Cette réalité choque de nombreux observateurs et employés de l’organisme, d’autant plus que cette entité a récemment augmenté les tarifs de l’électricité. Comment expliquer un tel paradoxe ?
Un naufrage financier
La crise financière du CEB ne se limite pas aux pertes accumulées. En 2024, l’organisme est contraint de s’appuyer sur des découverts bancaires pour continuer à fonctionner. Cette dépendance aux crédits met en péril non seulement sa capacité à investir dans des projets stratégiques, mais aussi sa viabilité à long terme.
Le fonds de pension du CEB est lui aussi dans une situation préoccupante, affichant un déficit de plusieurs milliards de roupies. À cette accumulation de problèmes financiers s’ajoutent des allégations de corruption qui ont terni la réputation de l’organisme ces dernières années. Pour beaucoup, il est clair que des réformes profondes et audacieuses sont nécessaires pour redresser la barre.
Sunil Dowarkasing, ancien stratège mondial chez Greenpeace International, est l’une des voix les plus critiques face à cette situation. Selon lui, il est inconcevable qu’un monopole comme le CEB, qui contrôle l’intégralité de la distribution d’électricité à Maurice, puisse se retrouver dans une telle impasse financière.
Pour lui, la situation actuelle reflète un manque criant de vision stratégique et de gouvernance. Il insiste sur le fait que la survie du CEB passe par une transition énergétique ambitieuse et bien orchestrée.
Faire du CEB un pilier des énergies renouvelables
L’un des axes majeurs de redressement proposé par Sunil Dowarkasing est de repositionner le CEB en tant que leader de la production d’énergies renouvelables. Actuellement, cette production est largement dominée par des acteurs privés, notamment les Independent Power Producers (IPP). « Il est temps que le CEB devienne le moteur de la transition énergétique à Maurice », affirme-t-il. Il plaide pour un modèle dans lequel le CEB prendrait en charge une part significative de la production d’énergies vertes, réduisant ainsi la dépendance envers les IPP.
Un autre aspect clé de cette transition serait la décentralisation du réseau énergétique. Sunil Dowarkasing propose de diviser le réseau en plusieurs pôles régionaux – nord, sud, est, ouest et centre – afin d’améliorer l’efficacité et de prévenir les blackouts.
En outre, un réseau décentralisé faciliterait l’intégration des énergies renouvelables dans le système. Toutefois, ce projet pourrait se heurter à des résistances importantes, notamment de la part des IPP.
Les IPP, un obstacle à la transition ?
Les Independent Power Producers jouent un rôle central dans la production énergétique actuelle, mais ils sont également perçus comme un frein à une transition énergétique ambitieuse. Le contrôle qu’ils exercent sur la production énergétique prive le CEB de la flexibilité nécessaire pour investir massivement dans les énergies renouvelables.
Cependant, les contrats de trois IPP majeurs – Alteo, Omnicane Thermal Energy Operations (OTEOSA) et Terragen – arriveront à expiration dans les mois à venir. Cette échéance représente une opportunité pour le ministère de l’Énergie de renégocier ces accords afin d’imposer des conditions favorisant les énergies vertes et réduisant les coûts pour le CEB.
Le ministère a déjà indiqué son intention d’introduire des clauses plus strictes, incluant une révision tarifaire et un accent renforcé sur les énergies renouvelables. Sunil Dowarkasing considère ces renégociations comme un test majeur pour le nouveau gouvernement. Il rappelle que Maurice, signataire de l’Accord de Paris, s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à accélérer sa transition énergétique.
Pourtant, sous le précédent gouvernement du Mouvement Socialiste Militant (MSM), ces ambitions sont restées largement lettre morte. La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique a stagné, et la dépendance au charbon n’a pas diminué. « Le nouveau gouvernement doit montrer qu’il est sérieux dans sa démarche. Il faut obliger les IPP à intégrer davantage d’énergies renouvelables dans leur production », déclare Sunil Dowarkasing.
Le redressement du CEB ne se limitera pas à résoudre ses problèmes financiers. Il faudra également rétablir la confiance du public et des employés, moderniser ses infrastructures, et s’assurer qu’il joue un rôle central dans la transition énergétique du pays.
Les défis sont immenses, mais les opportunités le sont tout autant. En devenant un acteur majeur des énergies renouvelables, le CEB pourrait non seulement améliorer sa situation financière, mais aussi contribuer à positionner Maurice comme un leader régional dans la lutte contre le changement climatique.
Le gouvernement actuel a une chance unique de rectifier les erreurs du passé et de tracer une nouvelle voie pour le secteur énergétique mauricien. Mais cette vision nécessite une volonté politique forte, une gestion rigoureuse et une mobilisation de tous les acteurs concernés.
WMA
Un modèle de gouvernance à repenser
La Wastewater Management Authority (WMA) a accordé plus de Rs 700 millions à des entrepreneurs qui n’ont pas été capables de respecter leurs engagements pour des projets à Grand-Baie. Elle a accordé Rs 979 millions au chantier de Pailles où de nombreuses difficultés persistent. Cette entité publique fait face à une situation financière préoccupante, comme en témoigne son rapport financier au 30 juin 2023. Le déficit cumulé pour l’année s’élève à Rs 443 467 014, aggravant les défis auxquels l’organisme est confronté. Parallèlement, une baisse notable des revenus est observée, atteignant Rs 409 326 063 en juin 2023, contre Rs 452 828 285 l’année précédente. Cette chute résulte principalement d’une diminution des recettes liées à des activités comme les frais de service et les permis.
Dépenses
Le plus alarmant demeure l’explosion des dépenses. Les coûts opérationnels et administratifs ont grimpé à Rs 585 184 460, contre Rs 533 681 094 l’année précédente. Des coûts d’amortissement représentant Rs 108 025 519 et des coûts financiers qui atteignent Rs 264 512 985 s’ajoutent aux dépenses.
Face à ces défis, la WMA est appelée à adopter une culture de gouvernance rigoureuse. Les critiques formulées par le directeur de l’audit dans ses rapports annuels nécessitent une attention accrue. Selon des sources au ministère de l’Énergie, un nouveau mécanisme financier doit être envisagé pour permettre à l’organisme de retrouver une stabilité économique et de rétablir son efficacité.
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