À l’approche de toute campagne électorale, les sondages politiques et les pronostics sur la popularité des partis se multiplient, envahissant les réseaux sociaux et les plateformes de messagerie comme WhatsApp. Mais quelle est la véritable crédibilité de ces outils de mesure de la popularité des blocs politiques ? Éléments de réponse.
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Selon Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique, trois éléments essentiels déterminent la fiabilité des instituts de sondage : le « track record », l’expérience politique et la méthodologie. « La marmite politique bouillonne à Maurice et ces éléments deviennent cruciaux pour distinguer les sondages sérieux des simples exercices de communication politique », dit-il.
Ce qu’il faut tenir en ligne de compte pour « séparer le vrai du faux », c’est « la réputation des boîtes qui sont derrière ces sondages politiques », avance Jocelyn Chan Low. Il cite l’exemple d’Afrobarometer qui vient de dévoiler un sondage sur la confiance des Mauriciens dans diverses institutions comme le judiciaire, la police, l’Assemblée nationale, l’opposition et le Premier ministre : « Afrobarometer a su s’imposer au fil du temps, que ce soit dans la sphère politique ou à travers la publication de divers autres sondages. »
Il est également important, selon Jocelyn Chan Low, de comparer les résultats d’un sondage avec ceux d’autres études récentes. « Le dernier sondage d’Afrobarometer, par exemple, va dans la même direction que les derniers sondages politiques qui ont été publiés, tels que Synthèse. » Il ajoute : « Une constance de ces sondages est que la classe politique est en train de souffrir d’un véritable déficit de confiance. »
En revanche, lorsqu’un sondage révèle des résultats « diamétralement opposés » à ceux d’études crédibles antérieures, Jocelyn Chan Low estime qu’il y a « de sérieuses raisons d’émettre des doutes ».
Transparence
Les sondages politiques sont soumis à des cadres légaux stricts dans plusieurs pays à travers le monde, visant à garantir leur transparence, leur fiabilité, et à éviter toute manipulation de l’opinion publique. Par exemple, en France, la loi encadre étroitement la publication des sondages pendant les périodes électorales. Les instituts doivent notamment respecter des obligations de transparence concernant la méthodologie utilisée, l’échantillonnage, et les marges d’erreur. Aussi, une période de silence électoral est imposée avant le scrutin, pendant laquelle la publication de nouveaux sondages est interdite, afin de ne pas influencer les électeurs de manière déloyale. Aux États-Unis, bien que la réglementation soit moins centralisée, des normes professionnelles établies par des associations comme l’American Association for Public Opinion Research encadrent les pratiques de sondage.
Me Richard Rault soutient, lui, qu’il n’est pas nécessaire d’imposer un cadre légal pour la publication des sondages à Maurice. Selon lui, la crédibilité d’un sondage peut facilement être évaluée en comparant les résultats publiés aux résultats réels. Il ajoute que l’expérience des entreprises réalisant ces sondages doit également être prise en compte : « Certaines entreprises sont créées dans des circonstances particulières et cherchent à attirer l’attention avec des résultats spectaculaires, mais pour qu’une entreprise de sondages soit véritablement respectée, elle doit prouver sa valeur sur le long terme. »
L’entreprise de sondage qui fait actuellement couler beaucoup d’encre est Pulse Analytics, dirigée par Stephan Adam. Le dernier sondage publié par cette société, estimant à environ 2 400 le nombre de personnes présentes lors du meeting de l’alliance PTr-MMM-Nouveaux Démocrates (ND), suscite de vives réactions, notamment sur les réseaux sociaux. Le mercredi 14 août, la commission des Technologies de l’information et de la communication (TIC) du MMM a officiellement contesté ces chiffres.
Selon Dave Kissoondoyal, président de cette commission, les résultats de Pulse Analytics concernant ce rassemblement sont entachés « de potentielles inexactitudes, d’hypothèses douteuses et de sérieux problèmes juridiques ». « Le manque de transparence dans leurs méthodologies, associé à la possibilité de violation de la loi sur la protection des données de 2017, suggère fortement que les chiffres sont erronés. En tant que telles, les conclusions tirées par Pulse Analytics doivent être considérées avec scepticisme et ne pas être prises pour argent comptant. En soulevant ces questions, nous réfutons effectivement les conclusions de Pulse Analytics, jetant un doute important sur l’exactitude, la légalité et la fiabilité de leur analyse », a-t-il déclaré.
Données scientifiques
Stephan Adam a catégoriquement rejeté les accusations formulées par le MMM concernant l’utilisation de méthodes douteuses par Pulse Analytics dans leur dernier exercice : « Ils peuvent contester, mais nous utilisons une méthode très scientifique pour estimer le nombre de participants. C’est la même méthode utilisée par Google Maps, qui exploite les signaux GPS pour déterminer la présence d’une personne à un endroit précis. C’est la technique que nous avons utilisée. » « Nous n’avons absolument pas recours aux calculs traditionnels souvent employés par les politiciens, qui consistent à estimer la foule par mètre carré », ajoute-t-il.
Stephan Adam dira aussi qu’il était conscient que la publication de ce sondage exposerait sa société à des critiques. « Il est important de considérer ces données, qui sont purement scientifiques, de manière constructive », insiste-t-il.
Concernant la crédibilité et le parcours de Pulse Analytics, il rappelle que ce n’était pas leur première expérience. « Notre première publication remonte à six mois, où nous avions publié un sondage indiquant que l’opposition allait faire élire 33 candidats contre 27 pour le gouvernement », a-t-il précisé. D’autres sondages ont été réalisés pour évaluer la situation des potentiels candidats dans leurs circonscriptions respectives, ajoute
Stephan Adam.
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