Législatives 2019

Décryptage : bienvenue dans l’arène de la boue

Cette campagne de la boue se jouera beaucoup plus sur les réseaux sociaux.

Nous sommes à 18 jours de la ligne d’arrivée. Le sprint final entre les principaux partis s’annonce intense, mais sale. Tout porte à croire que la course ne se jouera pas dans l’arène politique, mais dans l’arène de la... boue. Les dirigeants de l’Alliance Morisien (MSM-ML) et de l’Alliance Nationale (PTr-PMSD) semblent avoir troqué gants de boxe contre pelletées de boue. Un constat du journaliste français Claude Sérillon sur la politique en général illustre parfaitement cette situation : « Nous sommes dans une ère de dénigrement, de délation et d’ironie crasseuse sur tout et tout le monde. »

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Oeil pour œil, dent pour dent. L’Alliance Nationale diffuse la vidéo Serenity Gate dans ses rassemblements pour embarrasser le leader de l’Alliance Morisien, Pravind Jugnauth, ainsi que son épouse Kobita et le frère de ce dernier, Sanjeev Ramdenee. Très souvent, les photos de ces derniers restent figées sur les écrans tout au long de la réunion ou du congrès. Et ce, malgré un communiqué de l’Economic Development Board, dans lequel il est précisé qu’aucune somme n’a été déboursée sous le Film Rebate Scheme pour payer les prestataires sollicités dans le cadre du tournage de Serenity, à l’exception du producteur du film. 

L’Alliance Nationale devait s’attendre à un retour du balancier. La réponse du berger à la bergère semble être brutale. Pravind Jugnauth prend un malin plaisir à dénoncer la violence conjugale en s’appuyant sur des témoignages de la fille de Nandanee Soornack sur des radios privées. Depuis le vendredi 18 octobre, la situation se corse pour le leader de l’Alliance Nationale, Navin Ramgoolam, à travers une vidéo intitulée Navin Gate – Ghar Mein Chor (Voler dan lacaze), qui est en circulation. Avec des comptes bancaires à l’appui, le clip décrit des transferts d’argent du compte du PTr à celui de son leader Navin Ramgoolam. Il se chuchote que d’autres pelletées de boue seront bientôt lancées. Le but est de s’assurer que la « boue » s’incruste sur le visage de son adversaire. 

Avec l’ampleur que prend cette campagne de la boue, on se demande si on peut encore les appeler « adversaires ». Tout se repose désormais sur « l’ennemi menaçant », pour reprendre Lucien Sfez dans La symbolique politique. Cette situation cocasse semble amuser Paul Bérenger, qui a dit : « Toulezour saken pe tir pese so kamarad. » Au MMM, on ne cache pas que cette guerre de boue et d’opprobre vient confirmer que ce parti est « propre » et n’est « mêlé à aucun scandale ». Les mauves ont décidé de garder leurs distances de l’arène de la boue. 

Cette campagne de la boue se jouera beaucoup plus sur les réseaux sociaux. C’est une nouvelle tendance mondiale à haut risque, selon Alain Lavigne, spécialiste des communications politiques de l’université Laval, au Québec : « Je pense que les médias sociaux sont en train de changer les campagnes électorales comme la télévision a changé la politique à partir de 1960. La télé a amené un vedettariat en politique et les médias sociaux ont leurs propres codes : non à la langue de bois et non à la vie privée. Ces changements surviennent pour le meilleur et pour le pire, mais je crois que le pire qu’on décèle présentement vient en partie des médias sociaux. » 

En somme, on dénote un sentiment d’impuissance et un grand désarroi chez bon nombre d’électeurs. Est-ce que cette façon négative de faire de la politique est là pour rester ? 

 

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