Indispensable pour l’industrie automobile, le caoutchouc, qui fait partie de notre quotidien, reste néanmoins une composante polluante et dangereuse. Il est également difficile d’en disposer. Incursion.
4500 tonnes. C’est la production de pneus usés à Maurice par an. D’où 500 tonnes sont entreposées au dépotoir de Mare-Chicose, selon le ministère de l’Environnement. Nous croisons de centaines de milliers de véhicules chaque jour, ce qui nous amène à une petite réflexion. Quel sort est réservé aux pneus usés de ces véhicules à la fin de leur cycle de vie. A noter, qu’en moyenne, la durée de vie d’un pneu est d’une année et demie. Cela dépend, toutefois, de la fréquence à laquelle un véhicule est utilisé. Ces pneus laissés dans les ateliers où terminent-ils leur course ? Nous sommes partis sur les traces des pneus usés…
Les pneus sont classés par grade. Ils proviennent de pays divers notamment de Chine, du Japon, de l’Inde, de Thailand, de France, du Brazil, entre autres. Leur prix varie entre Rs 1200 et Rs 8000 pour une voiture et peut aller jusqu’à environ Rs 15 000 pour d’autres types de véhicules communs. Cependant, la durée de vie d’un pneu est en moyenne d’un an et demi. Résultat : chaque année environ 40 000 pneus usés se retrouvent empilés à travers le pays.
Les compagnies d’autobus sont les plus grands utilisateurs de pneus mais elles ne disposent pas toutes leurs pneus de façon durable. Rose-Hill Transport (RHT) dirige ses pneus usés au rechapage au Continental Tyre Recycling Co Ltd qui est un centre de recyclage de pneus. Le Dr Sidharth Sharma, Chief Executive Officer de RHT explique que c’est un moyen durable de se défaire des vieux pneus. Cela cadre à la politique de développement durable de la compagnie, dit-il, notamment l’alimentation en énergie par les panneaux solaires, la collecte d’eau de pluies pour laver les autobus et le recyclage des batteries.
Le cimetière de pneus de Mare-Chicose
10 % de pneus usés reposent à Mare-Chicose. Le pays génère 4500 tonnes de pneus usés chaque année, le calcul est vite fait. Lors de ces cinq dernières années, plus de 20 000 tonnes de pneus se sont accumulées dans la nature contre 2500 tonnes à Mare-Chicose. Les caoutchoucs qui ne finissement pas au centre d’enfouissement sont stockés dans des ateliers ou dans des dépôts.
Détruire le caoutchouc de façon durable est quasi impossible explique M. Jaymangal, Senior Technician de l’Enforcement Unit du département de Solid waste du ministère de l’Environnement. A Mare-Chicose, les pneus sont entreposés en attendant que le ministère finalise le recrutement d’un recycleur spécialisé dans la transformation de pneus. Les procédures d’appel à candidature sont en cours pour qu’une unité spécialisée collecte, broie, exporte ou recycle les caoutchoucs. « Les pneus prennent beaucoup de place à Mare-Chicose et nous avons besoin de cet espace pour traiter les déchets ménagers car le centre arrive à saturation », affirme notre interlocuteur. Elle explique que ces pneus représentent des dangers pour la santé car ils stockent l’eau de pluie et favorisent la prolifération de moustiques. Un des responsables du centre explique le risque d’incendies. « Si ces pneus prennent feu ce sera difficile de circonscrire l’incendie. Outre la fumée toxique, l’incendie ravagera le centre durant plusieurs semaines », affirme le responsable.
A Mare-Chicose, des pneus de toute taille ont formé des collines ici et là. Ce cimetière de pneus s’étire en longueur sur presqu’une centaine de mètre. Certains ont été utilisés pour servir de contrepoids sur le site d’enfouissement mais la majeure partie est entreposée sur place. Christopher, un jeune ouvrier de la région, dirige une entreprise de transformation de pneus. Il explique que pour l’instant, il ne fait que découper les pneus et utiliser le caoutchouc pour fabriquer d’autres objets. Il faut, dit-il, une masse importante pour pouvoir établir une unité de traitement car une machine a la capacité de traiter 1000 tonnes de pneus par jour. « Une fois le stock épuisé, il faudra en trouver d’autres sinon l’unité n’entre pas dans les coûts », affirme-t-il.
Les ateliers dépassés
Les pneus s’accumulent et deviennent encombrant chaque semaine. Avant, ils approvisionnaient des centres de crémation mais avec l’avènement des incinérateurs, le bois et les pneus ne sont plus utilisés. Azad Jamiat, gérant d’un atelier à Rose-Belle, estime qu’il faudrait trouver une solution à ce problème. « Mo pey Rs 800 sak de semen pou al kit bamm larou la dan depotwar », affirme l’entrepreneur. Il souligne que ces pneus prennent trop de place et en attendant une quantité suffisante pour les expédier à Mare-Chicose, il doit les renverser de temps en temps pour en extraire l’eau de pluie.
Le caoutchouc un danger pour la santé
Maurice compte un parc automobile de plus de 600 000 véhicules et environ 50 000 pneus arrivent en fin de vie par an. Ce chiffre risque d’augmenter avec le nombre croissant de véhicules enregistré chaque année. Le caoutchouc demeure l’élément irremplaçable de l’industrie de l’automobile mais représente également un danger pour la santé. La solution : donner une deuxième vie aux caoutchouc en les transformant en objets divers. Mais cette deuxième vie a aussi une fin. Pour l’instant à Maurice, le caoutchouc peut être transformé mais pas éliminé.
La dégradation du caoutchouc suivant l’exposition au climat provoque des pénétrations de microparticules dans le sol et pollue les nappes phréatiques. Selon le consultant en environnement, Sunil Dowarkasing, ces particules se retrouvent souvent dans la chaîne alimentaire des humains. On parle ici de caoutchouc inerte. Ceux qui sont toujours en activité dans les pneus, s’usent chaque jour sur les routes et génèrent des micro particules de caoutchouc.
Une étude réalisée par le Laboratoire Fédéral Suisse en 2019 a permis d’établir que des microparticules volatiles de caoutchouc se retrouvent dans l’air et dans le cours d’eau. La solution, selon les experts, c’est de réduire le nombre de véhicule sur nos routes en favorisant un mode de transport en commun, efficace et non polluant.
Des « start-ups » prêtes à se lancer dans le recyclage
Un système de collecte est nécessaire pour empêcher que les pneus ne se retrouvent dans la nature. Une entreprise effectue, déjà, des essais pour la collecte et le recyclage. La Continental Tyre Recycling Co Ltd débute ses opérations à La Tour Koenig. Un de ses directeurs, Dharamraj Deenoo, affirme que la compagnie a décidé de relever le défi. Il a déjà stocké quatre conteneurs de pneus usés collectés auprès des compagnies d’autobus. Il compte, cependant, y placer une unité de broyage de caoutchouc et une fonte pour traiter les éléments en métal qui se trouvent dans les pneus.
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