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Décès d’un nourrisson de 8 mois - Pauvreté infantile : une urgence invisible

Arianne Navarre-Marie, ministre de l’Égalité du genre et du Bien-être de la famille

Le décès tragique d’un nourrisson de huit mois, survenu la semaine dernière et attribué à une malnutrition aiguë, met en lumière la réalité alarmante de la pauvreté infantile à Maurice. Quelles sont les conséquences sur les enfants ? Comment détecter des cas ? Le point. 

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«Il est inadmissible et inacceptable qu’un enfant meure de faim à Maurice. » C’est pourtant contre cette réalité que Bérengère Sériès, fondatrice de l’ONG Ti Rayon Soleil, lutte quotidiennement. La pauvreté infantile demeure un défi majeur à Maurice, avec 12,5 % des enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition selon l’Indice mondial de la faim. Pas plus tard que le vendredi 21 mars dernier, un nourrisson de 8 mois a succombé à une malnutrition aiguë à l’hôpital Dr A.G. Jeetoo.

« Beaucoup de familles vivent en dessous du seuil de pauvreté, et cette réalité affecte directement les enfants », explique Bérengère Sériès. Son ONG prend en charge près de 330 enfants, dont nombreux n’ont pas accès à une alimentation suffisante, particulièrement durant les week-ends. « Certains enfants consomment le double ou le triple de nourriture le lundi à la reprise des classes car pendant le week-end, ils ne mangent pas à leur faim », observe-t-elle.

La lutte contre la faim reste une priorité absolue des Objectifs de développement durable (SDG) des Nations unies. Bérengère Sériès souligne l’importance de reconnaître cette réalité : « La situation devient particulièrement préoccupante lorsque les enfants ne fréquentent pas de crèche et qu’aucun suivi n’est assuré. Les pertes de poids peuvent passer inaperçues si les parents ne font pas le suivi nécessaire à l’hôpital ou au dispensaire. » Au sein de l’ONG, une infirmière est chargée de surveiller la croissance des enfants, particulièrement ceux dont le développement est inférieur aux normes. « Nous mettons tout en œuvre pour les aider à retrouver une courbe de croissance normale et améliorer leur état de santé », assure Bérengère Sériès.

Elle remarque également que le manque d’information des jeunes parents, combiné à l’exclusion sociale résultant de la pauvreté, aggrave considérablement la situation. « Quand les parents ne sont pas suffisamment éduqués et vivent dans des conditions de grande précarité et d’isolement, les enfants deviennent particulièrement vulnérables. »

De nombreux enfants échappent souvent au radar des autorités concernant cette problématique de pauvreté infantile. « Dans ces familles défavorisées, l’absence d’eau courante, d’électricité, et de moyens de communication adéquats crée une population en danger, non seulement sur le plan nutritionnel, mais également sanitaire », alerte-t-elle.

À Lakaz Lespwar Caritas, à Solitude, Christiane Pasnin et son équipe accompagnent des adolescentes devenues mères prématurément. Un travail essentiel qui se heurte néanmoins à de nombreuses contraintes. « Nous assurons le suivi de ces jeunes mamans, mais il n’existe pas véritablement de système structuré garantissant un accompagnement adapté aux nourrissons. Nous disposons d’un service d’écoute, mais nous nous retrouvons souvent démunis face à certaines situations complexes », confie-t-elle. Face aux cas de négligence, l’équipe de Lakaz Lespwar signale systématiquement les situations préoccupantes aux autorités compétentes, notamment la CDU (Child Development Unit).

Les signes d’alerte sont multiples. « Dans notre centre d’éveil, qui accueille des enfants dès l’âge de deux ans, nous constatons fréquemment des carences alimentaires et des problèmes d’hygiène. Nous accompagnons alors les parents en leur prodiguant des conseils adaptés. Cependant, lorsque nos recommandations ne sont pas suivies, nous avons l’obligation de signaler la situation », précise-t-elle.

Elle observe que les jeunes mères, souvent âgées de seulement 14 à 16 ans, sont généralement livrées à elles-mêmes face à des responsabilités écrasantes. « Ces adolescentes peinent naturellement à assumer pleinement leur rôle parental. La majorité d’entre elles ne dispose d’aucune ressource financière propre et dépend entièrement de leurs parents ou grands-parents. Elles se retrouvent démunies, tant sur le plan matériel que psychologique, et sont fréquemment abandonnées par leur partenaire », déplore-t-elle.

Action politique

Comment remédier à cette situation alarmante ? Bérengère Sériès plaide pour une prise de conscience collective et une action politique déterminée : « Il est impératif de tendre la main et d’adopter des décisions politiques pour venir en aide à ces populations vulnérables, identifier précisément où elles se trouvent et accepter l’assistance des ONG prêtes à intervenir. » 

De son côté, Lakaz Lespwar Caritas collabore étroitement avec le MAM (Mouvement d’Aide à la Maternité), qui offre un soutien spécifique aux jeunes mères. « Un suivi rigoureux est crucial, qu’il s’agisse de l’allaitement, des soins de base ou de la gestion du sommeil du bébé. Après l’accouchement, ces jeunes filles nécessitent un accompagnement particulièrement attentif », insiste Christiane Pasnin.

Toutefois, malgré leur engagement, les efforts des ONG demeurent insuffisants face à l’ampleur du problème. Elle estime que le suivi médical et psychologique en milieu hospitalier doit être considérablement renforcé. « Les établissements hospitaliers devraient s’impliquer davantage dans la préparation de ces jeunes mères à leur nouveau rôle et assurer un suivi rigoureux après la naissance. »

Un danger mortel pour les enfants

Dans un contexte où l’augmentation du coût de la vie pèse lourdement sur les foyers les plus vulnérables, la malnutrition aiguë chez les nourrissons reste une préoccupation majeure. « La malnutrition aiguë survient lorsque l’organisme subit une insuffisance nutritionnelle soudaine et sévère. Elle est souvent le résultat de crises alimentaires, de maladies aiguës ou de conditions de famine », explique la nutritionniste Diane Desmarais. En revanche, la malnutrition chronique est un état de sous-nutrition prolongé, souvent sur plusieurs mois ou années.

La malnutrition aiguë met en péril la santé et le développement de l’enfant. « Chez un enfant, la malnutrition aiguë se manifeste principalement par une perte de poids importante, une diminution de la masse musculaire, ainsi qu’un état général d’apathie (faiblesse) et de tristesse. Dans certains cas, des gonflements (œdèmes) apparaissent, rendant l’enfant particulièrement vulnérable aux infections », précise le Dr Mansoor Takun, pédiatre.

Les nourrissons issus de familles en situation de pauvreté sont particulièrement à risque. Plusieurs facteurs augmentent leur vulnérabilité, souligne Diane Desmarais : conditions de vie précaires, manque de connaissances sur l’alimentation infantile, un sujet rarement abordé dans les hôpitaux (allaitement insuffisant ou introduction précoce d’aliments peu nutritifs, recours à des aliments transformés faute de moyens pour acheter des produits frais, alimentation au lait de vache non adaptée aux nourrissons), environnements insalubres favorisant les infections (diarrhée, maladies respiratoires, parasitoses), difficulté d’accès aux soins médicaux et absence de suivi pédiatrique régulier.

Le système immunitaire des nourrissons malnutris est particulièrement vulnérable. « L’enfant développe des carences en vitamines, minéraux et oligo-éléments essentiels. Son organisme devient trop fragile pour lutter contre les infections », ajoute-t-elle.

Le principal impact de la malnutrition aiguë est le ralentissement de la croissance pondérale. « Un enfant mal nourri voit ses défenses naturelles s’effondrer. Une simple infection peut alors évoluer en pathologie sévère », alerte le Dr Takun.

Les répercussions de la malnutrition aiguë peuvent être dramatiques, préviennent la nutritionniste et le pédiatre. « Une grippe, en apparence bénigne, peut s’aggraver jusqu’à devenir mortelle. L’enfant peut développer une infection pulmonaire ou cérébrale, avec un risque fatal », avertit le pédiatre.

Pour Diane Desmarais, la lutte contre la malnutrition aiguë ne peut être efficace sans une prise de conscience collective et des actions concrètes. « Il est crucial de renforcer les programmes de soutien aux familles vulnérables et d’assurer un meilleur accès aux soins de santé ainsi qu’à l’information nutritionnelle », insiste-t-elle.

Gaspillage alimentaire : 146 662 tonnes par an

À Maurice, le gaspillage alimentaire représente 27 % des déchets, soit 146 662 tonnes par an. En 2024, 10 millions de produits alimentaires ont été redistribués par FoodWise. 300 000 repas ont été offerts à 15 ONG pour aider les plus vulnérables.

Questions à…Arianne Navarre-Marie, ministre de l’Égalité du genre et du Bien-être de la famille : « Un plan stratégique pour renforcer la protection des enfants vulnérables »

arianneQuelle est votre réaction face au décès de ce nourrisson dû à une malnutrition sévère ?
Ce décès tragique est profondément bouleversant et met en lumière une réalité complexe à laquelle certaines familles vulnérables sont confrontées. Ce drame souligne l’urgence de renforcer l’accompagnement des familles vulnérables afin de prévenir de telles situations. Par le passé, des allocations ont été versées aux Mauriciens sans un véritable suivi ou accompagnement, ce qui a mené à des résultats insatisfaisants. Aujourd’hui, nous prônons une approche plus durable. Nous souhaitons autonomiser les familles, les aider à sortir de leur situation et à retrouver leur dignité.

Que fait concrètement votre ministère ? 
Le ministère s’engage pleinement à accompagner les familles en difficulté en assumant un rôle de facilitateur, en les orientant vers les services gouvernementaux adaptés. Cependant, nous reconnaissons que de nombreuses familles ne sont pas toujours conscientes des aides disponibles ou ne savent pas comment y accéder.

 Selon mes informations, cette mère n’est pas inscrite sur le Social Register Mauritius. L’inscription est une étape essentielle pour bénéficier des prestations sociales et autres formes de soutien. 

Nous avons intensifié nos efforts pour sensibiliser ces familles aux aides accessibles, tout en collaborant étroitement avec le ministère de l’Intégration sociale. Des programmes tels que ceux gérés par la National Social Inclusion Foundation (NSIF) et la National Empowerment Foundation (NEF) jouent un rôle clé dans l’accompagnement ciblé des familles vulnérables.

Votre ministère collabore-t-il avec les services de santé et autres entités pour lutter contre la malnutrition infantile ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Santé pour identifier les familles vulnérables et les orienter vers les services médicaux appropriés. Cette coopération inclut des campagnes communes visant à sensibiliser les parents à l’importance d’une alimentation équilibrée, notamment grâce à nos services comme la Home Economics Unit. Nous collaborons également avec des ONG et des centres communautaires pour offrir un soutien de proximité aux familles dans le besoin. L’objectif est de créer un réseau intégré qui identifie rapidement les cas nécessitant une intervention et offre un accompagnement efficace.

Envisagez-vous un plan spécifique pour mieux protéger les enfants issus de familles vulnérables ?
Absolument. Mon ministère travaille en étroite collaboration avec celui de l’Intégration sociale ainsi qu’avec d’autres acteurs pour répondre à la situation précaire des familles. En parallèle, nous finalisons un plan stratégique visant à renforcer la protection des enfants issus de familles vulnérables. Ce plan comprend l’accès aux prestations sociales, la mise en place de programmes éducatifs et des initiatives de sensibilisation destinées à responsabiliser les familles sur les droits et les besoins fondamentaux des enfants. 

Nous envisageons également le déploiement de campagnes de proximité dans les zones les plus touchées afin d’atteindre ces familles plus efficacement et de leur offrir un accompagnement personnalisé, adapté à leurs besoins.

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