Ils ont des origines mauriciennes mais l’âme britannique. Aux côtés des nombreux Anglais, ces Mauriciens qui sont nés ou qui sont établis au Royaume-Uni pleurent le décès de la reine Elizabeth II. Dans chacun des témoignages qu’ils livrent, ils racontent l’atmosphère et comment ils se préparent à vivre les dix jours de deuil national et le règne du roi Charles III.
Eshan Badal : « Le sacre du roi annonce l’avènement d’une nouvelle ère »
Eshan Badal n’en revient toujours pas. Né en Angleterre mais d’origine mauricienne, il raconte que la reine Elizabeth II a toujours fait partie de sa vie. « Je pensais comme beaucoup qu’elle serait éternelle.
Quand la nouvelle est tombée, c’est tout un pays qui a été sous le choc. Tout le monde en parle, que ce soit chez le coiffeur ou dans les magasins. Les routes sont désertes. Pas une voiture ne roule. Certaines écoles et entreprises sont fermées. Les pubs sont vides. »
Il explique que le respect pour la famille royale est omniprésent. Jeunes et moins jeunes sont fiers d’avoir une famille royale dans leur pays. « Depuis jeudi, les gens sont devant la télé. Ils suivront le couronnement du nouveau roi et les funérailles. Le sacre du roi Charles III annonce l’avènement d’une nouvelle ère. Il saura instaurer le respect. »
Dami Paupiah : « Les gens viennent de loin pour lui rendre hommage »
Dami Paupiah est arrivée en Angleterre en janvier 1972 pour faire des études d’infirmière. Bien qu’elle soit mauricienne, elle a toujours suivi la famille royale depuis son arrivée sur le territoire anglais. Elle a d’ailleurs vécu pratiquement toute sa vie dans le Nord de Londres avant de bouger à Hoddesdon.
À 71 ans, bien qu’elle ne puisse se déplacer jusqu’à Buckingham Palace, elle confie suivre de près les informations. « Ma télévision est restée allumée 24 heures sur 24. J’ai suivi l’atterrissage de l’avion lorsque ses enfants et ses petits-enfants sont arrivés. Depuis que j’ai appris que la reine Elizabeth II était malade, c’était un choc pour nous car c’était si soudain. »
La maison de Dami Paupiah à Londres était remplie de souvenirs de la reine et de Lady Diana. Elle raconte qu’elle se rendait toujours aux grands événements ayant trait à la famille royale.
Depuis l’annonce du décès de la « reine éternelle », Dami Paupiah ne manque pas une seule miette à la télévision.
« Les gens viennent de loin, d’Amérique ou encore du Canad, pour lui rendre hommage », constate-t-elle. Elle indique que la reine était comme une mère pour son peuple. « Malheureusement beaucoup de personnes auraient préféré que ce soit le prince William qui prenne la succession. Mais le roi Charles a sûrement changé et il fera du bon travail. Nous devons attendre et voir. Il s’est préparé pendant longtemps pour un jour accéder au trône. »
Yolande Abraham : « Qu’il pleuve, qu’il tonne, j’assisterai à ses funérailles »
Yolande Abraham se déplace à l’aide d’une canne, mais pour rien au monde elle ne ratera les funérailles de la reine. Cela fait 53 ans qu’elle vit à Londres. Aujourd’hui âgée de 87 ans, cette fervente admiratrice de la famille royale est inconsolable. Elle n’arrive pas à se détacher de son écran. Elle raconte qu’elle s’apprêtait à aller dîner à ChinaTown quand elle a appris la mauvaise nouvelle.
« Je marchais quand soudain j’ai entendu retentir : ‘The Queen is dead’. J’ai paniqué. J’ai aussitôt rebroussé chemin et j’ai annulé mon dîner. »
Yolande Abraham se dit chanceuse d’avoir eu l’occasion de rencontrer la reine alors qu’elle travaillait à la Bank of England. « J’avais été choisie parmi les employés pour prendre les manteaux et les chapeaux des convives, y compris ceux de la reine, lors des dîners une fois par an. Elle était la seule à avoir le droit de garder son chapeau à table. »
L’octogénaire relate que tout le pays est en deuil et que la sécurité a été renforcée un peu partout. Elle ajoute que c’est un vrai cimetière de fleurs qui orne la devanture de Buckingham Palace. Bien que ce soit difficile pour elle de se déplacer et qu’elle vienne de se faire opérer de la cataracte, Yolande Abraham assure qu’elle fera tout pour se rendre aux funérailles de la reine Elizabeth II. « Qu’il pleuve, qu’il tonne, je ne manquerais pas ses funérailles. » Elle avoue ne pas être une grande fan du nouveau roi. « Personne ne pourra remplacer la reine. »
Nevin Rupear : « Ce jour-là, un arc-en-ciel est apparu à l’arrière de Buckingham Palace »
Nevin Rupear, directeur national de Miss Maurice Emboss by Estrella, vit dans l’Est de Londres. Il confie que toutes les apparitions de la reine étaient attendues depuis un moment. « Elle était non seulement à la tête du pays mais c’était une personne juste que les gens respectaient beaucoup. »
Il explique que lorsque la nouvelle est tombée à 18 h 30, l’écran de son téléviseur est devenu noir. « Je pensais qu’il y avait un souci. L’animateur est apparu en costume noir. Les gens ont commencé à se rendre au château de Windsor et à Buckingham Palace pour laisser des messages, des bougies et des fleurs », explique-t-il.
De nombreuses entreprises ont fermé pour plusieurs jours en signe de respect pour la reine. Une atmosphère solennelle règne dans les rues de Londres, selon Nevin Rupear. « Le jour de sa mort, un arc-en-ciel est apparu à l’arrière de Buckingham Palace. C’est comme si elle nous disait aurevoir. »
Il prévoit de se rendre au château de Windsor ce dimanche pour déposer une bougie et un bouquet de fleurs. Puis il se rendra à Buckingham Palace ce mardi. Il suivra aussi l’itinéraire du cortège funèbre qui traversera un circuit le jour des funérailles. « Pour moi, Charles III sera un bon roi. Il milite pour l’écologie et il sera à la hauteur des attentes. »
Samuel T. Reddy : « La reine a eu un impact sur ma vie »
Auteur du livre « Leavers to Leaders », Samuel T. Reddy est ému par la disparition de sa souveraine. « La reine a eu un impact sur ma vie », dit-il. En 2001, il a quitté son emploi et Maurice pour faire des études en Angleterre. En parallèle, il a travaillé comme « porter & dishwasher » à Buckingham Palace.
« Les fonctions avaient lieu régulièrement au palais. Un jour, après un événement, la reine Elizabeth II est venue voir le personnel. Elle a remercié chacun de nous pour notre travail. Ce geste m’a touché et j’ai été motivé. En guise de gratitude, je voulais me mettre à son service. Il n’y avait pas mieux que l’armée britannique pour servir la reine Elizabeth II et le pays », dit ce résident du Sud de Londres.
Il a rejoint l’armée britannique en tant que soldat de première ligne. Il a prêté allégeance à la souveraine britannique. Quelque temps après, il est devenu linguiste qualifié pour rejoindre les réserves militaires.
En 2004, il a assuré les fonctions de linguiste et de « Liaison Officer » pour l’armée britannique et l’effectif militaire français dans le cadre du 60e anniversaire de « D-Day Landing ». Durant la cérémonie, il a rencontré la princesse Anne, fille de la reine Elizabeth II et du prince Philip.
Le remerciement de la reine lui a fait croire dans le pouvoir du service. Aujourd’hui, le Mauricien lance des clubs de lecture « Sugarcane Boy Bookclub » à Maurice pour servir les enfants. Il organise aussi les « L2L Awards » pour reconnaître la contribution des Mauriciens.
Il indique qu’un événement en mémoire de la reine aura lieu pendant les dix jours de deuil. « Elle a symbolisé le leadership féminin. Elle a été une figure importante dans le monde. Elle a remis graduellement le flambeau à son fils, le roi Charles III. Cette transition dure depuis quelques mois. Il continuera l’héritage légué par sa maman », conclut-il.
Vilasha Pabaroo, fraîchement installée à Londres : « Elle a laissé son empreinte dans nos vies »
Cela fait sept mois que Vilasha Pabaroo s’est installée à Londres. Elle a suivi son époux Vikash Pabaraoo qui y vit. « Avant le jeudi 8 septembre, les rues de Londres et les boutiques de souvenirs à l’effigie de la reine Elizabeth II étaient illuminées. Depuis le vendredi 9 septembre, les lumières sont éteintes. Une atmosphère sombre règne dans les rues. Les habitants sont accablés. Ils pleurent la disparition de leur souveraine bien-aimée. C’est palpable », observe-t-elle.
Elle ajoute que des commerces ont fermé leurs portes pour quelques jours et que certains Britanniques ne se sont pas rendus au travail. Elle concède avoir elle-même eu un choc quand la nouvelle est tombée. « J’ai ressenti un pincement au cœur. J’ai eu les larmes aux yeux. La reine Elizabeth II a laissé son empreinte dans nos vies. Elle a été une dirigeante forte admirée de tous », dit Vilasha Pabaroo.
Elle indique que les Britanniques s’apprêtent à vivre un changement dans leur quotidien. « Nous ne verrons plus le visage de la reine sur les billets de livres sterling. Il sera remplacé par le visage du roi Charles III. Il accède au trône par légitimité. Il peut avoir l’étoffe, mais son règne risque de ne pas être aussi remarquable que celui de sa mère qui était charismatique. »
Vilasha Pabaroo compte rendre un dernier hommage à la reine Elizabeth II en se rendant à Buckingham Palace. « Le palais est un symbole de la famille royale. Je l’ai visité en avril dernier. Maintenant, j’irai avec le cœur triste », conclut-elle.
Nicolas Kee Mew, BCAV :« Nous allons célébrer la vie de la reine »
Cela fait seize ans que Nicolas Kee Mew, âgé de 36 ans, réside en Angleterre. Basé à Essex, il travaille dans un hospice. Il admire la reine Elizabeth II. « C’était mon rêve de la rencontrer pour recevoir le titre d’Officer of the Most Excellent Order of the British Empire », dit-il.
Mais l’occasion ne s’est jamais présentée. Chaque année, il écrivait une carte de vœux à Sa Majesté pour lui souhaiter un heureux anniversaire. Il a reçu une carte en guise de réponse, sauf cette année. L’hospice a d’ailleurs reçu une carte à l’occasion du jubilé de platine de la reine Elizabeth II, soit le 70e anniversaire de son accession au trône cette année.
Nicolas Kee Mew rappelle qu’elle a connu quinze Premiers ministres britanniques durant son règne. En sus d’être une souveraine, elle a été une épouse, une mère, une grand-mère et une arrière-grand-mère.
« C’était une femme exceptionnelle qui a eu une vie remarquable. La reine est connue pour avoir rendu de grands services à la nation au cours des 70 dernières années. Même si son état de santé s’est détérioré ces deux dernières années, elle était prête à faire passer ses devoirs envers le pays avant tout le reste. »
Il salue le fait que la reine était entourée de ses proches dans ses derniers moments. Le Mauricien indique que son successeur, le roi Charles III, a attendu longtemps pour accéder au trône. « Il a eu un bon mentor en la personne de la reine. Je pense qu’elle l’a bien préparé pour assurer sa succession. Le roi Charles III fera honneur à sa maman. N’empêche que ce sera étrange de dire que nous avons un roi désormais », confie-t-il.
Il ajoute que le Royaume-Uni est plongé dans une atmosphère maussade. « Les Britanniques changent leur photo de profil sur les réseaux sociaux pour porter le deuil. Ils sont tristes de perdre la souveraine ayant eu le plus long règne », dit-il. Nicolas Kee Mew souhaite se rendre à Buckingham Palace à Londres pour rendre hommage à la reine. « Mais nous avons entendu dire que le lieu est bondé de sympathisants. Nous attendrons probablement la semaine prochaine pour y aller », dit-il.
Il rappelle que la période de deuil durera jusqu’au 18 septembre, soit dix jours après le décès de la reine Elizabeth II. Entre-temps, Nicolas Kee Mew aidera le personnel à décorer l’hospice aux couleurs de « Union Jack ». « Le drapeau national est en berne. Nous avons une pensée spéciale pour la reine et nous allons célébrer sa vie », dit-il. Il continuera également son engagement social. Il est récipiendaire du British Citizen Award (BCA) dans le domaine du volontariat. Il a reçu son titre le 7 juillet dernier.
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