La députée du MMM, Joanna Bérenger, qui intervenait sur le Water Resources Bill hier au Parlement, a été suspendue pour trois séances. Cette décision a été prise suite à une prise de bec avec le Speaker de l’Assemblée nationale, Sooroojdev Phokeer, qui ne lui a pas donné le temps de conclure son discours, soutenant que ce qu’elle disait n’était pas relatif au projet de loi.
Dès le début de son discours sur le Water Resources Bill, Joanna Bérenger a été interpellée par le Speaker lui disant “you have to address the chair if you want to continue your speech”. La députée mauve tente de poursuivre son discours. Elle cite dans un premier temps le rapport des Nations-Unies sur les SIDS soutenant que Maurice est en passe d’être en situation de “stress hydrique” dès l’an prochain. Elle rappelle que huit mesures prioritaires avaient été identifiées pour une gestion intégrée des ressources en eau.
« Le gouvernement vient de l’avant avec ce projet de loi voulant s’illustrer comme un premier pas dans cette direction. Il ne faut pas se fier aux apparences. En tant que petit État insulaire où il y a une pénurie d’eau avec une dense population, il faut protéger cette ressource », lance Joanna Bérenger.
Elle insiste sur le fait qu’il faut savoir gérer cette ressource précieuse avec un cadre légal “solide” où il y a des concertations avec toutes les parties prenantes. « Encore une fois, le gouvernement MSM, fidèle à lui-même, prend une décision unilatéralement. Il y a de quoi être inquiet quand on voit le pouvoir accordé au ministre », poursuit notre interlocutrice.
Pour elle, “la démocratie est attaquée”. « Il y a un pouvoir trop étendu au ministre », dit-elle, citant plusieurs sections concernant les pouvoirs du ministre, notamment l’octroi d’un permis ou le refus d’octroyer un permis, la décision concernant le volume d’eau à exploiter, enlever un permis ou encore l’exemption de permis. « On ne sait pas quel cousin, beau-frère, camarade d’enfance bénéficieront d’un permis », ironise Joanna Bérenger.
Des gardes-Fous
Selon elle, ces provisions “ouvrent la porte à tous les abus”. « Il faut impérativement mettre des garde-fous. On met autant de pouvoirs entre la main d’une seule personne. Cela peut faire l’objet de pression ou de considération partisane », évoque-t-elle. Cette dernière soutient que l’allocation de permis pour l’utilisation des ressources en eau repose sur une agence régulatrice dans plusieurs pays. Ce qui, selon elle, est une bonne chose “pour le bon fonctionnement de la démocratie”.
Mettant l’accent sur les “super-pouvoirs” du ministre, Joanna Bérenger revient sur la mise sur pied de la Water resources commission. « Ce n’est pas une commission, mais juste un nouveau département. On voit attribuer à ladite commission une large palette de fonctions », déplore-t-elle. Elle met aussi en lumière qu’aucune mention n’est faite concernant les qualifications et l’expérience du directeur, alors qu’il est supposé conseiller le ministre.
Joanna Bérenger affirme de plus que ce projet de loi “manque de clarté et de transparence” à plusieurs niveaux. Elle cite, par exemple, l’état d’urgence ou encore la buffer zone’. Revenant sur le dessalement, elle pense que cela doit être l’ultime recours quand les autres options durables ont été exploitées.
Elle mentionne la Central Water Authority (CWA), faisant référence au Non-Revenue Water qui tourne autour de 60%. « Si les bonnes personnes sont nommées aux bons endroits, nous ne serions pas dans cette situation. Mais le MSM nomme n’importe qui. La CWA se voit retirer plusieurs responsabilités. Pourquoi la commission prend certaines de ces responsabilités ? C’est un aveu d’échec. À cause de cette même mauvaise gestion, la CWA n’arrive pas à fournir l’eau 24/7 comme promis par le gouvernement », soutient la députée du MMM.
Cependant, elle est ramenée à l’ordre par le Speaker qui lui demande de “concentrate your speech on the bill”, arguant que “The CWA is something else”.
Mauvaises RAISONS
Joanna Bérenger poursuit son discours, indiquant encore une fois que le gouvernement n’arrive pas à tenir sa promesse. Sooroojdev Phokeer la rappelle à l’ordre encore une fois. « I will stop you. You are defying my authority. Your speech should be on the bill », lance-t-il.
La députée reprend son discours et peu de temps après, le Speaker lui rappelle qu’il est temps de conclure. « Ce projet de loi a toute son importance. Mais il est présenté devant la chambre pour les mauvaises raisons. Le ministre a perdu le contrôle sur la CWA et sur son directeur », dit-elle.
À peine qu’elle tente de poursuivre que le Speaker intervient. « Your time is over. You are going outside the bill », fustige Sooroojdev Phokeer. Joanna Bérenger crie qu’elle a 30 minutes mais le Speaker annonce que c’est le tour de la prochaine oratrice, la ministre Ramyad. La députée mauve continue de se faire entendre.
Suite à quoi, le Speaker lance “I’m naming you”. Il suspend la séance. À la reprise, il affirme qu’il a “named” Joanna Bérenger « for arguing with the chair and challenging the chair in the most undignified manner ». Il rappelle que la députée a interrompu les travaux de façon “persistante”. « Malgré qu’elle a été informée que le temps qui lui était alloué a expiré et qu’elle était en dehors du projet de loi, elle a interrompu Hon. Ramyad qui avait la parole », met-il en exergue. Il souligne de plus que Joanna Bérenger a utilisé les termes “sovaz” et “malelve” à son égard.
Suite à une motion du DPM, Steven Obeegadoo, la députée du MMM a été suspendue pour trois séances. Dont celui d’hier et les deux prochaines séances parlementaires.
Osman Mahomed : « On s’attendait à un Water Bill qui allait favoriser l’URA »
Le député de l’opposition Osman Mahomed est d’avis que « les divergences d’opinions entre le directeur général de la CWA, Prakash Maunthrooa, et le ministre Joe Lesjongard, concernant le projet de dessalement a aggravé le fonctionnement de l’organisme ». Il a ensuite fait ressortir qu’il y aurait énormément de pertes sur le réseau de la CWA en dépit de l’installation de conduits depuis 2014.
« Quand est-ce que la Utility Regulatory Authority (URA) viendra régulariser le secteur de l’eau ? », a demandé Osman Mahomed. Selon le député du Parti travailliste (PTr), « l’URA n’a pas pu mener son rôle comme il se doit dans le secteur de l’eau en raison de l’absence d’un Water Bill tant attendu ». « On s’attendait à un Water Bill qui allait favoriser l’URA dans la régulation du secteur de l’eau et non à la mise sur pied d’une Water Resources Commission sous le contrôle absolu du ministre à travers le Water Resources Technical Committee », a expliqué Osman Mahomed.
Le député du PTr a ensuite cité des parties de l’intervention d’Alan Ganoo lorsque l’URA Bill avait été présenté à l’Assemblée nationale le 9 novembre 2004. « Il est évident que le gouvernement du Mouvement socialiste militant a échoué lamentablement dans sa promesse de fourniture d’eau 24/7 à travers le pays. Le public rapporte quotidiennement des cas de fuite d’eau sur le réseau. Ce qui contribue à des coupures drastiques. C’est un échec que le gouvernement payera très cher », indique-t-il.
Naveena Ramyad : « Cette loi favorisera la résilience »
La ministre du Développement industriel, des PME et des Coopératives, Naveena Ramyad, a souligné l’importance de la préservation de l’eau. Saluant l’initiative du ministre Joe Lesjongard pour l’introduction de ce projet de loi, elle a déclaré : « L’eau, c’est la vie. Nous sommes bénis par des conditions climatiques qui nous fournissent de l’eau tout au long de l’année ».
Cependant, la ministre a insisté sur la nécessité d’aborder les problèmes liés à la gestion de l’eau. « Il est de notre devoir de surmonter ces défis. C’est pourquoi il est essentiel d’améliorer la gestion de nos ressources en eau. L’introduction de cette loi favorisera la résilience de nos ressources hydriques », estime-t-elle.
Elle a également évoqué l’approvisionnement en eau dans le secteur manufacturier. Elle a rappelé que l’industrie textile, tout comme le secteur de l’alimentation, nécessite une grande quantité d’eau. « Je comprends que le secteur manufacturier se tourne vers les nappes phréatiques pour s’approvisionner en eau. Je note que ce projet de loi prévoit une approche harmonisée pour l’utilisation de cette ressource », a-t-elle fait observer.
La ministre a souligné que ce projet de loi montre « la détermination du gouvernement à sauvegarder les ressources en eau du pays ». Elle a aussi abordé les défis rencontrés par les éleveurs de crevettes. « Les contraintes majeures auxquelles les éleveurs de crevettes font face concernent l’inaccessibilité à l’eau douce. L’eau du robinet n’est pas adéquate pour ce type d’élevage. On m’a informé que, durant les vingt-cinq dernières années, seulement quatre compagnies ont réussi à percer dans ce domaine. Je suis convaincue que les dispositions de ce projet de loi représenteront un pas en avant pour l’élevage de crevettes », a souligné le ministre.
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