La paix en Palestine ne serait-elle qu’une illusion au moment où l’armée israélienne est dans la démonstration de force à Gaza ? Ou l’espoir est toutefois permis si l’opinion internationale déclenche une vague de protestions soutenues par le boycott d’Israël et de ses alliés, comme elle l’a fait pour dénoncer le régime raciste de l’Afrique du Sud ? Mercredi 30 octobre 2023, à la mairie de Port-Louis, l’organisation Friends of Aqsa a convié Cassam Uteem, Linley Couronne, Alain Ah-Vee et Vijay Makhan pour débattre de la question « Demain la Palestine : Quelles perspectives de paix au Moyen-Orient ? »
Commencer par le commencement : Le Hamas est-il une organisation terroriste qui a commis un horrible attentat et enlevé sans distinction des civils sur le territoire d’Israël le 7 octobre ? Jean-Marie Richard, membre de Friends of Aqsa, qui présidait cette causerie-débats, fait d’emblée valoir que « dès qu’on s’en prend à Israël sur la question palestinienne, ce pays soutenu par les États-Unis et des pays européens vous qualifie de terroriste. Or, lorsqu’il servait les desseins machiavéliques d’Israël mais aussi ceux des Américains contre l’autorité palestine, le Hamas était tout à fait présentable. Au nom de quelle morale et éthique appelle-t-on une organisation ‘terroriste’ ? Quid des 75 années d’occupation brutale de l’État d’Israël dans le territoire palestinien et à Gaza ? »
Riposte disproportionnée
Comment expliquer et justifier la riposte disproportionnée de l’armée israélienne après le 7 octobre 2023 si l’on ne connaît pas l’histoire de la création de l’État d’Israël, les circonstances qui ont prévalu à sa naissance en mai 1948, la réalité ethnique en Palestine avant cette date et qui, par la suite et jusqu’à aujourd’hui, sera marquée par l’expulsion systématique des Palestiniens de leurs terres et l’appropriation par des colons juifs ? Le 14 mai 1948, jour de la fin du mandat britannique sur la Palestine, Ben Gourion, président du Conseil national juif, proclame l’indépendance de l’État d’Israël en présence des mouvements sionistes. Le nouvel État se fonde sur la « loi du retour », signifiant que tout Juif du monde entier a le droit de s’installer dans le pays. « Il était normal que les Arabes, majoritaires avec 1,2 million habitants sur ce territoire, éprouvent cela comme un affront », lance l’ex-président de la République, Cassam Uteem. Dès 1967, avec l’éclatement de la « Guerre de Six jours », suivie d’une succession de 15 années de guerre, marquées par des annexions, Israël transformera la bande de Gaza en un ‘véritable camp de concentration et d’extermination’, ajoute Jean-Marie Richard.
L’amalgame
La cause palestinienne est mal connue des Mauriciens, ces derniers versant dans l’amalgame et entrevoyant ce conflit par le prisme religieux, fait ressortir Vijay Makhan, diplomate de carrière et ex-secrétaire général de l’Organisation de l’Union Africaine. « Les Palestiniens sont en quête de liberté et d’un État et il faut remonter à l’histoire de la Palestine pour comprendre les circonstances qui ont conduit à l’action du Hamas le 7 octobre dernier », fait-il observer, en mettant le doigt sur la Déclaration de Balfour, « une phrase de 67 mots » qui suffiront pour créer un ‘foyer’ pour les Juifs sionistes, donc le territoire d’Israël.
« À la différence du terme « État », le vocable « foyer » est ambigu et ne possède aucun statut en droit international. La lettre qu’envoie James Balfour à Lord Rothschild, un leader de la communauté juive de Londres, est reproduite dans le Times sous le titre « Palestine for the Jews. Official Sympathy ». Le titre met en relief ce que la lettre tend à masquer : « La Palestine aux juifs » est bien différent de « l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ».
Par ailleurs, l’original de la lettre, rédigée par nul autre que Rothschild lui-même au cours de l’été 1917, parle également de la « reconstitution de la Palestine comme foyer national juif ». Les sionistes visent à transformer la Palestine en un État pour les juifs, ce que les Britanniques comprennent, mais n’articulent alors pas », peut-on lire sur le site de HistoireEngagée.ca sous le titre « La Déclaration de Balfour : contexte et conséquences ». Aux yeux des Palestiniens, la Grande-Bretagne, puissance mandataire de 1920 à 1948, n’a pas réussi à tenir ses engagements. Lors de la guerre entourant la création d’Israël, 750 000 Palestiniens ont été expulsés ou ont fui leur foyer. Deux décennies plus tard, lors de la guerre des Six-Jours, en 1967, Israël a pris la Cisjordanie, que l’État hébreu occupe toujours, et Jérusalem-Est qu’il a annexé mais que les Palestiniens revendiquent comme capitale de leur futur État.
Soutien des États-Unis et de l’Ouest
Grâce au soutien indéfectible des États-Unis et de l’Ouest, Israël s’est toujours permis de se moquer de toutes les résolutions de l’Organisation des Nations Unies condamnant ses actions, dont celle de l’occupation illégale des terres palestiniennes, fait observer Vijay Makhan. Ce dernier ajoute : « L’histoire est un oubli violent, en ne reconnaissant pas les atrocités commises par l’autre partie. Il y a eu (en Palestine) accaparement de territoire comme cela s’est passé pour les Chagos. Et ce sont les mêmes. Ceux qui ont la leçon sur les Droits de l’Homme disent aujourd’hui qu’ils ne peuvent pas faire le cessez-le-feu. Ils ont tous été à Tel-Aviv mais pas à Gaza ».
Comment arriver à la paix dans un contexte marqué par des positions jusqu’aux-boutistes des deux côtés. « Je suis plutôt optimiste. Si l’apartheid a pu être démantelé et l’esclavage aboli, rien n’est impossible. Il y a eu violation fondamentale des Droits de l’Homme le 7 octobre, lorsqu’on s’en est pris aux civils, mais on a réparé une injustice par une autre injustice avec le blocus imposé par Israël et le pilonnage de Gaza. Les Juifs avaient droit à un État, mais ils l’ont réparé par une monstrueuse injustice », nuance Linley Couronne, directeur de Dis-Moi Droits Humains, Océan Indien.
Boycott, Désinvestissement, Sanction
Depuis longtemps déjà, Lalit fait partie du réseau ‘Boycott, Désinvestissement, Sanction’ (BDS) qui appelle à une mobilisation internationale afin de mettre fin au ‘génocide’ qui se commet à Gaza. Mercredi, à la mairie de Port-Louis, Alain Ah-Vee, animateur du parti de gauche Lalit, a réitéré son appel à boycotter et sanctionner Israël. Sans nommer directement le Hamas, il a fait valoir que les Palestiniens, avec les moyens dont ils disposent, ont le droit de s’opposer à la colonisation de leur territoire et au système apartheid mis en place par Israël, ‘pire qu’en Afrique du Sud’. « O pir moman de laparteid an Afrik di Sid, lil Moris ti boykot zoranz Outspan. Solidarite li pa nouvo dan lil Moris », a-t-il fait observer avant d’ajouter qu’il y a urgence d’agir afin de mettre fin au génocide du peuple palestinien.
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