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De généticienne à professeure de danse Bollywood : l’odyssée de Nirupama Anand

Elle a toujours été focalisée sur sa carrière et son indépendance. Cependant, lorsqu’elle s’installe à Maurice pour trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée, elle change de voie. Aujourd’hui professeure de danse Bollywood, la généticienne Nirupama Anand raconte son odyssée à Le Dimanche/L’Hebdo à l’occasion de la Journée internationale des femmes qui sera célébrée le 8 mars.

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D’où venez-vous ?
Je suis née en Inde. Mais j’ai passé les deux premières années de ma vie à bord d’un navire. Mon père étant capitaine dans la marine marchande. Sur l’insistance de ma mère, épuisée de nous avoir élevées, ma sœur et moi, sur un bateau pendant des années, nous avons émigré à Hong Kong lorsque j’avais trois ans. 

J’ai passé toute mon enfance à Hong Kong. C’est là que je suis tombée amoureuse de la danse. À 18 ans, je suis partie au Royaume-Uni afin d’obtenir une licence en sciences biologiques et en génétique moléculaire, ainsi qu’une maîtrise en neurosciences. 

Mon projet était de poursuivre un doctorat en explorant la synergie entre l’esprit et le cerveau. Mais je me suis heurtée au problème de la prise de décision éthique concernant l’expérimentation sur les animaux. J’ai toujours eu beaucoup d’empathie pour les animaux et je suis devenue végétarienne à 19 ans, contre la volonté de ma famille. 

A mon retour à Hong Kong, j’ai travaillé dans les relations clientèles. J’ai voyagé en Asie du Sud-Est pendant un an avant que mon mariage me ramène à Londres. Mes deux enfants sont nés là-bas. Aryan a maintenant 15 ans et Isabella a 14 ans. 

Ma famille et moi avons déménagé à l’île Maurice il y a 12 ans et nous ne l’avons jamais regretté. J’ai aussi occupé ce qui était mon emploi de rêve pendant 7 ans, pour une organisation éducative internationale appelée Common Purpose. 

De généticienne à professeure de danse de Bollywood... pourquoi ce choix ?
La science m’a toujours fascinée. C’est toujours le cas et je passe mon temps libre à lire des articles dans les domaines des neurosciences et des sciences du comportement. 

Plus récemment, je m’intéresse à la physique quantique dans laquelle je trouve un lien réel avec la danse et la créativité. J’aime le fait que la science soit littéralement une exploration de ce que nous sommes et de notre monde. 

Au cours de mon BSc, j’ai suivi un court module en neurosciences et j’ai tout de suite su que c’était ce que je voulais explorer davantage. 

J’aimerais voir les femmes avoir plus de courage pour écouter leur cœur, leur esprit et ne pas être limitées par les attentes de la société»

Décision approuvée par vos parents ?
Mes parents m’ont beaucoup soutenue. Ils m’ont permis de rester au Royaume-Uni et de faire une maîtrise en neurosciences. Le diplôme était divisé en deux : apprentissage pendant un an, puis la recherche l’année suivante. C’est à ce moment-là que j’ai compris que je devais trouver un nouveau rêve. 

Le métier de scientifique est une profession très isolée. Je n’avais pas la même passion pour la recherche que mes pairs. J’ai également eu des difficultés d’ordre éthique à faire des expériences sur des embryons de poussins vivants. Je savais que cela ne pouvait pas être ma voie à long terme. 
Mes parents ont été très compréhensifs. Ils ils m’ont toujours fait confiance dans mes choix et mes décisions… sauf lorsque je suis devenue végétarienne. (rires) Ils m’ont permis de rentrer à Hong Kong et de prendre le temps de déterminer la direction que je voulais donner à ma vie.

Et la danse dans tout ça ?
L’histoire commence en fait avec la gymnastique. C’était mon premier amour. Mais à l’âge de sept ans, mon entraîneur m’a dit que j’étais trop grande pour participer à des compétitions et m’entraîner sur les équipements. On m’a conseillé d’arrêter la gymnastique. 

Pour me remonter le moral, ma mère nous a inscrites, ma sœur Anupama et moi, à des cours de danse semi-classique. Au début, je ne voulais vraiment pas apprendre à danser, mais j’ai découvert que j’étais naturellement encline à répondre au rythme et aux chorégraphies. 

Mon premier gourou, Vidthya Subrahmaniam, est la personne que je remercie de m’avoir donné confiance en mes capacités et encouragée à me produire avec aisance dans les temples et pour des événements spéciaux. 

nirupamaQuels styles de danse ?
J’ai appris différents styles de danse folklorique. La danse est très vite devenue mon activité favorite, en plus de la lecture. Un jour, ma sœur s’est inscrite à un concours de talents. A la dernière minute, j’ai décidé d’y participer et j’ai interprété Ek, Do, Teen comme l’actrice Madhuri Dixit, de manière impromptue sur place. J’ai remporté la compétition. 

C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’étais à l’aise sur scène et que je pouvais faire entièrement confiance à mon instinct créatif. En y repensant, c’était mon premier « Bollywood Moment ».

Que s’est-il passé ensuite ?
À l’âge de 11 ans, Siri Rama, une danseuse, professeure et chorégraphe de classe mondiale de Bharatanatyam et de Kuchipudi, est venue à Hong Kong de l’Inde pour poursuivre son doctorat en beaux-arts. Elle a cimenté en moi l’amour pur de la danse classique. 

Sous sa direction, nous avons présenté des spectacles de danse à grande échelle tels que le Ramayana et Krishnaleela etc. sur la scène du Hong Kong Arts Centre et d’autres arènes prestigieuses à Hong Kong et Macao. Elle a également chorégraphié et enseigné des pièces de Bharatanatyam pour mes deux concours de beauté, Miss India Hong Kong 1995 et Miss India World-Wide 1995, qui ont été la clé de mes succès. 

À l’école, j’étais constamment impliquée dans diverses productions et spectacles de danse, tout en chorégraphiant pour des mariages et en dirigeant de grands groupes pour les soirées Diwali etc. J’ai aussi dansé pour le gouverneur de Hong Kong de l’époque, pour des stars de cinéma de Hong Kong et pour de nombreuses stars de Bollywood qui visitaient Hong Kong dans les années 90. 

En tant que femmes, nous devons prendre conscience d’une vérité toute simple : nous ne sommes pas responsables du bonheur des autres»

Vous dansiez aussi en Angleterre ?
En Angleterre, la danse était réduite à des événements occasionnels et à des mariages. Je me concentrais sur mes études, ma carrière et l’éducation de mes enfants. Je n’aurais jamais imaginé que la danse reviendrait dans ma vie comme elle l’a fait après notre déménagement à Maurice.

Quel a été le facteur déclencheur pour ce changement de carrière ?
Une fois installée à Maurice, j’ai assumé le rôle de mère au foyer au début. Mon amie Screnika m’a demandé de diriger un petit atelier de danse à Phoenix les Halles. J’ai accepté et je suis tombée amoureuse de la manière douce dont les enfants s’engageaient dans la danse. 

En même temps, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup d’activités physiques pour les enfants à part le football. Et j’ai eu l’idée d’enseigner la danse pour les aider à être en meilleure santé. 

Peu après, Screnika m’a mise en contact avec les propriétaires d’Öraa à Ebène et j’ai commencé à donner des cours de danses Bollywood aux femmes et aux enfants tous les dimanches matin.

Le sentiment de renouer avec la danse ?
J’ai adoré ça. Mais je trouvais que mes enfants étaient trop jeunes et j’ai arrêté au bout d’un an. J’ai ensuite enseigné la danse dans leur école comme activité parascolaire pendant quelques années. J’ai remarqué la joie que cela procurait à tout le monde, et comment les enfants de tous les milieux culturels étaient attirés par mes cours de danse. 

Puis, j’ai eu la chance qu’un magnifique studio, le Kadanse Studio, ouvre juste à côté de chez moi. J’y enseigne la danse depuis près de 8 ans maintenant. Au fur et à mesure que mes enfants sont devenus plus indépendants, je me suis diversifiée et j’ai enseigné également dans deux autres studios.

Fan de Bollywood ?
Je pense que c’est en grandissant que je suis tombée amoureuse de Madhuri Dixit à la fin des années 1980. (rires) Elle était mon icône, surtout pour ses expressions, sa liberté, sa grâce, son courage et le bonheur lorsqu’elle dansait… Tout cela a forgé qui je suis en tant que danseuse. 

Pour être honnête, je ne regardais pas, et je ne regarde toujours pas, beaucoup de films de Bollywood. Mais j’adore les chansons et les rythmes. D’ailleurs, j’avançais rapidement les films pour arriver aux chansons afin de pouvoir me lever et danser dessus. Je le fais toujours ! (rires)
 
nirupamaQu’est-ce que vous aimez avec la « Bollywood Dance » ?
Le terme « Bollywood Dance » est, en fait, une nouvelle façon de dire « danse indienne fusionnée ». Ce que j’aime avec ce type de danse, c’est qu’il y a un espace stylistique illimité pour s’exprimer dans les styles classique, semi-classique, contemporain, folklorique, bhangra, garba, danse du ventre, salsa, popping, wacking, shuffling, hip-hop… La liste est longue. 

Ce qui est unique à la danse de Bollywood, c’est sa vivacité, son dramatisme, son émotion et, bien sûr, les inoubliables « Jatkas ». C’est un exercice cardiovasculaire intense et très amusant. (rires) 

Ma formation classique et folklorique, ainsi que mon amour pour Madhuri, mes diverses représentations sur scène et mes chorégraphies sur différentes plateformes, dans différents pays et devant différents publics, m’ont permis d’acquérir une expérience pratique de l’enseignement de la danse. 

Une chose est vraie pour tous les styles de danse classique, du ballet au Kathak, une fois que vous avez été formé dans l’un de ces styles, vous avez la capacité de développer et de suivre le rythme. Mais aussi de ressentir l’émotion de la musique et des paroles, d’utiliser chaque partie de votre visage et de votre corps pour incarner l’énergie de la chanson, et la force ainsi que la grâce de bouger comme vous le souhaitez.

Parlez-nous de vos cours de danse. 
J’enseigne BollyKids aux enfants de 5 à 10 ans. Ces cours ont pour but de leur offrir un espace sûr et aimant, une structure disciplinée et la confiance en soi. Je veux que les enfants tombent amoureux de la façon dont ils peuvent bouger leur corps, qu’ils acquièrent de la force, de l’agilité, de la directionnalité, de l’équilibre et qu’ils grandissent dans l’expression créative. 

Les BollyKids apprennent la discipline nécessaire pour travailler en groupe, se respectent mutuellement avec gentillesse et soutien, et comprennent que la pratique et les encouragements permettent de progresser. 

Nous agissons comme une équipe et avons des règles pour nous aider à nous soutenir mutuellement. Nous jouons à des jeux entre les cours pour les aider à mieux écouter, à prendre conscience de l’espace, à maîtriser leur corps et, bien sûr, à créer des liens, à rire et à s’amuser…

Plus nous semblons surhumaines, plus nous sommes célébrées. Mais c’est une erreur. La société doit faire mieux pour partager le fardeau»

Et le BollyFit ?
J’enseigne le BollyFit uniquement aux dames. BollyFit est un mélange de fitness et de danse. BollyFit est un espace pour les femmes intergénérationnelles qui se réunissent et dansent librement, en donnant la priorité au précieux temps pour soi, et en devenant plus fortes et plus saines à chaque fois. 

Il n’y a pas de meilleure forme d’exercice que la danse. Elle engage toutes les parties de notre cerveau et de notre corps. Elle nous aide à renforcer notre cerveau, notre mémoire, à nous déstresser, à améliorer notre équilibre, à augmenter notre densité osseuse, notre capacité pulmonaire, notre tonus, à améliorer notre posture et à nous donner de l’énergie, entre autres. 

Où ? 
J’enseigne aux enfants et aux femmes à Beau-Bassin, le mardi, au studio Amplify et à Floréal le mercredi, au studio Kadanse. J’enseigne également aux professeurs de l’école de mes enfants pour les aider à gérer le stress et à bouger de manière saine. Et enfin, je viens de commencer à Ébène, dans le nouveau Ignite Studio, un BollyHIIT pour les femmes à l’heure du déjeuner. 

La danse aide au développement personnel ?

Les gens pensent qu’ils ne savent pas danser, qu’ils ont deux pieds gauches ou qu’il faut se perfectionner comme les danseurs pour danser. Pourtant, tant de gens ont envie de ressentir la joie que la danse apporte à nos vies. Mon mantra est que tout le monde peut danser, et même plus, nous sommes nés pour danser. 

La danse n’est que mouvement et expression d’émotions. 

Votre objectif ?
Mon objectif avec BollyFit est que les femmes acquièrent un bien-être et une joie complets grâce au mouvement positif du corps. Je veux qu’elles quittent chaque cours plus heureuses, plus fortes et plus équilibrées dans leur tête, leur corps et leur esprit que lorsqu’elles sont arrivées. 
Je suis fermement convaincue que nous n’avons qu’une seule maison permanente : notre corps, notre âme et notre esprit. Donc, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour en prendre soin. BollyFit est conçu pour cela.

En tant que femme, que faites-vous pour garder une bonne santé mentale au quotidien ?
Tout ce que je fais, je le choisis délibérément et j’essaie de continuer à m’éduquer pour faire de bons choix et prendre de bonnes habitudes. Nous avons une vie, un corps, un esprit et il est en notre pouvoir de prendre soin de nous et de vivre chaque jour avec amour, compassion et joie. 

J’écris un blog hebdomadaire et j’adore lire. Je suis constamment inscrite à un ou deux cours sur Coursera pour continuer à apprendre. J’aime ce que je fais et je fais tout avec amour parce que je crois sincèrement que c’est la meilleure façon de vivre en tant qu’être humain. 

Pourquoi est-ce important ?
Nous n’avons qu’une seule vie. Et ce corps et cet esprit sont notre maison et notre véhicule pour bien la vivre. Quoi de plus important que de faire des choix bien informés qui nous permettent de faire tout ce que nous voulons faire.

Pourquoi certaines femmes peinent-elles à le faire ?
Je pense que la première raison est que les femmes sont célébrées pour leur sens du sacrifice. De faire passer les besoins de tout le monde avant les nôtres. On nous apprend à nous adapter, à faire des sacrifices, à ne pas nous plaindre et à ne pas mettre mal à l’aise les personnes qui nous entourent. 

Il est très difficile de décevoir les personnes que nous aimons, mais pour que les choses changent pour le mieux, nous devons avoir le courage de faire ce qui est juste, plutôt que ce qui est attendu. Les femmes portent un fardeau mental incroyable, non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs familles et leurs amis. Nous travaillons et gérons des foyers. Nous sommes la solution aux problèmes de tout le monde. Nous sommes la colle qui ne doit pas se fissurer. 

Nous sommes surchargées de travail, surmenées et manquons de ressources. Nous sommes épuisées. Et personne ne nous dit que ce n’est pas bien. Plus nous semblons surhumaines, plus nous sommes célébrées. 

Mais c’est une erreur. La société doit faire mieux pour partager le fardeau. La majorité des femmes que je rencontre réclament un soutien. La seule façon de s’en sortir est de faire de bons choix à long terme qui mènent à un mode de vie plus équilibré. Et cela implique de décevoir certaines personnes. En tant que femmes, nous devons prendre conscience d’une vérité toute simple : nous ne sommes pas responsables du bonheur des autres. 

Les femmes doivent également soutenir les autres femmes et être les alliées les unes des autres. Lorsque l’une d’entre nous réussit, cela nous aide toutes. Nous devons prendre la parole les unes pour les autres, nous encourager les unes les autres et faire de meilleurs choix. 

Des femmes en meilleure santé et plus heureuses auront un impact sur le monde de la manière la plus puissante qui soit.

Comment changer cela ?
La première chose à faire, c’est d’accepter que ce que nous faisons ne fonctionne pas. La deuxième est de s’arrêter et de réfléchir à ce qui nous fait nous sentir vraiment vivantes, en bonne santé et bien dans notre peau. 

Nous devons avoir le courage de décevoir et avoir la foi que, même si le changement est difficile, il deviendra bientôt la nouvelle norme. Nous devons arrêter d’attendre que les choses deviennent plus faciles et commencer par de petites choses qui rendront réellement les choses plus faciles. 

Qu’est-ce qui manque ici pour l’émancipation des femmes ? 
J’aimerais voir les femmes avoir plus de courage pour écouter leur cœur, leur esprit et ne pas être limitées par les attentes de la société. Je souhaite que les femmes soient davantage soutenues pour pouvoir le faire.

Mot de la fin : votre message aux femmes pour cette Journée internationale qui les célèbre ?
Commencez dès aujourd’hui à donner la priorité à votre santé et à vous-même. Demandez l’aide de professionnels pour y parvenir si nécessaire. Informez-vous. Commencez petit. Restez cohérentes et tous ceux qui vous entourent en profiteront également. 

Reconnectez-vous à vous-même et prenez le temps de bien vivre chaque jour. Enfin, faites les choses par amour, pas pour l’amour. Je vous encourage et je veux vous voir réussir. Cela m’aidera à le faire aussi.

 

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