Avec des moyens du bord, Emilie (25 ans) a participé pendant sept semaines à l’Entrepreneurship Training Workshop. Notamment un programme phare pour la promotion de l'entrepreneuriat social et le développement économique durable dispensé par Empretec Mauritius sous l'égide de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD). En attendant de voler de ses propres ailes en ouvrant son petit commerce à Cité Joackim ce week-end, la supermaman de trois enfants raconte au Défi Plus comment elle a décidé de ne pas craquer… malgré sa précarité sociale.
Les cheveux en bataille, Emilie nous accueille avec un magnifique sourire dans sa modeste demeure à Floréal. Au seuil de la porte, Zacharie fait son iguane en se camouflant aux couleurs du sol. Tandis que Grillade ronronne entre nos pieds. Nous prenons place dans le salon où la jeune femme range ses cahiers et documents étalés soigneusement sur le canapé. « Je faisais mon Business Plan. Ce week-end, mon papa et moi nous serons à notre deuxième essai pour notre petit commerce de grillades à Cité Joackim », dit-elle en prenant sa fille, Anna, dans ses bras.
Emilie confie qu’elle s’est lancée dans cette aventure par amour pour ses enfants car elle désire par-dessus tout à leur offrir un meilleur avenir. Ainsi en dépit des découragements de son mari toxicomane et un parcours parsemé d’embûches, elle a décidé de ne pas baisser les bras. Pour comprendre son vécu, la supermaman revient sur son passé.
Deux boulots et un bébé…
Après la Form V au Collège Ambassador, Emilie quitte les bancs de l’école à 16 ans. Pour son premier boulot, elle atterrit dans les cuisines et aux caisses d’un restaurant rapide à Curepipe. Après trois mois, elle rend son tablier pour enfiler une chemise de serveuse pour travailler dans une compagnie de planification de mariage. Elle abandonne son job après quatre mois, car elle est enceinte. Il va sans dire que son père voit cette grossesse précoce d’un mauvais œil. Leur relation tourne vite au vinaigre.
Elle raconte : « Comme je m’occupais déjà de mes petites sœurs à la maison, le fait d’être mère à 17 ans, ne m’a pas fait peur et j’ai décidé de garder l’enfant d’autant que j’avais le soutien de mon compagnon tout en assumant ses responsabilités. »
Après la naissance du bébé, elle va vivre chez ses beaux-parents. Au début, tout va bien mais après quelque trois ans, Emilie note un changement dans le comportement de Nataniel.
La descente aux enfers
Le visage crispé, Emilie éclate en sanglots. Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’elle revient sur son lourd passé. « Lorsque j’ai découvert qu’il prenait des psychotropes, je lui ai demandé des explications. Il m’a menti et nous avons eu des conflits. Un jour, alors que j’étais enceinte de notre deuxième enfant, il s’en est pris à moi avant quitter la maison », dit-elle tout essuyant ses larmes.
Lorsqu’Emilie fait état de la situation à sa belle-mère, celle-ci la chasse de la maison en lui disant qu’elle est la source du problème.
Livrée à elle-même, la jeune maman se réfugie chez sa mère. Elle y accouche de son deuxième bébé. Nataniel reprend contact avec elle car il voulait souhaiter un bon anniversaire à sa fille aînée. Emilie accepte. Puis son conjoint lui demande à plusieurs reprises de voir ses enfants. Peu à peu, elle se sent de trop dans la maison de ses parents. « Une fois partie de la maison, quand on y retourne c’est plus la même chose…»
En donnant une nouvelle chance à leur couple, Emilie et Nataniel décident de louer une maison. Nataniel change de vie pour un moment et ils attendent leur troisième enfant. Cependant, Emilie découvre que son calvaire est loin d’être fini. « Un jour il a passé deux heures dans les toilettes et prise de colère, j’ai enfoncé la porte. Il était sous l’effet de la drogue et il y avait une seringue par terre. »
Comment sortir de cette impasse ?
La jeune maman prend son mal en patience en dépit des conflits quasi-quotidiens . « En voyant les gens qui venaient à ma porte, j’ai compris qu’il continuait à se droguer. Il est allé jusqu’à vendre mes affaires pour se payer ses doses. À chaque fois que je lui demandais des explications, il me mentait encore plus. Très vite, je me suis retrouvée dans l’incapacité de payer le loyer. Je me suis tournée vers l’église qui m’a aidée financièrement à remonter la pente. »
Tandis que Caritas lui trouvait de quoi se nourrir, elle rencontre une bienfaitrice. Sensible à la situation de cette jeune mère et de ses trois enfants, elle la réfère à une ONG.
En 2017, Emilie devient une des bénéficiaires de Lovebridge dont les travailleuses sociales l’accompagnent ainsi que Nataniel pour sortir de cette impasse.
Si Emilie est canalisée vers les services de l’État afin de bénéficier d’une aide sociale pour ses enfants, Nataniel, manifestant son désir de changer une nouvelle fois, est placé dans un centre de désintoxication. Il y reste six mois.
Entre-temps, Emilie multiplie les petits boulots pour subvenir aux besoins de sa famille. En janvier dernier, ses espoirs s'envolent lorsque Nataniel rechute. Depuis, elle ne travaille plus car elle doit s’occuper de ses enfants. Comment fait-elle pour se nourrir ? « La Cuisine Solidaire nous offre deux repas par jour et nous mangeons à notre faim. Sans l’aide de ces personnes, j’avoue que je ne saurai pas à quel saint me vouer pour élever mes enfants. »
Aléas de la vie
Emilie prend son courage à deux mains et fait de son mieux pour s’en sortir. À son plus grand bonheur, Empruntec Mauritius offre une formation aux bénéficiaires de Lovebridge. Emilie n’a pas un sou en poche mais elle décide quand même de suivre cette formation. Elle discute de sa situation financière avec ses accompagnatrices que l’encouragent à aller de l’avant.
Pendant sept semaines, Emilie découvre le monde de l’entreprenariat et comment faire un business à partir de rien.
Lors de cette formation, elle devait trouver des idées pour se faire de l’argent. Si elle va dans tous les sens dans un premier temps, toutefois c’est en vendant des crêpes qu’elle reprend confiance pour foncer dans l’entreprenariat. « Après avoir délié les fils de ma maigre bourse pour acheter des ingrédients, j’étais contente de ma recette de vente. À partir de rien, j’avais eu Rs 78 ! »
En suivant ce programme et grâce au soutien du formateur qui lui a enseigné les atouts de l’entreprenariat, Emilie persévère jusqu’à se mettre à son compte avec les moyens du bord. Avec l’aide d’une de ses bienfaitrices, dit-elle, elle a pu, il y a une semaine, lancer une première tentative pour son business de « grillades » devant la maison de son père. « Même si je tâtonne pour cette première expérience en entreprenariat, je me réjouis de pouvoir, grâce à mon papa, de diversifier les menus. »
Maligne, la supermaman-entrepreneure en profite pour faire son marketing : « Venez découvrir ma nouvelle recette ce samedi. Je suis sûre que vous n’avez jamais mangé un « riz à la demoiselle », dit-elle tout en éclatant de rire.
À savoir que comme Emilie, 25 autres bénéficiaires de Lovebridge ont montré de l'intérêt pour l’Entrepreneurship Training Workshop par Empretec Mauritius.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !