Interview

DCP Rashid Beekun: «Nous ne voyons pas l’engagement de la force policière»

DCP Rashid Beekun
D’importantes mesures sont annoncées pour contrer la hausse des accidents fatals. Pour le patron de la Traffic Branch, il faudrait changer les mentalités au sein des force de l’ordre. Par ailleurs, le haut gradé de la police fait comprendre que « le nombre de deux-roues sur nos routes pose problème ». Les autorités ont annoncé des mesures draconiennes après deux récents cas de délit de fuite. Est-ce justifié, selon vous ? Il est vrai qu’il fallait prendre des mesures, compte tenu des récents événements. Nous sommes dans une situation de crise et le gouvernement a jugé bon de revoir la loi. Le nombre d’accidents fatals sur nos routes grimpe en flèche, malgré les mesures prises. Il faut mener une vaste campagne de sensibilisation au code de la route pour éviter toute infraction. N’est-il pas toutefois une erreur de se fonder sur deux délits de fuite pour revoir la politique nationale sur la sécurité routière ? Du côté de la Traffic Branch, on constate que la fréquence d’accidents fatals est en hausse. Il ne s’agit pas que de ces deux cas. Notre champ d’action préventive est beaucoup plus vaste. Mais à la suite de ces deux accidents mortels, nous appliquons une politique de zéro tolérance. Le public a dû remarquer la présence accrue des policiers sur les autoroutes M1 et M2. Cette visibilité et cet engagement, nous ne les voyons pas au niveau des divers divisions et départements de la force policière. C’est-à-dire ? Dans les régions rurales ou urbaines, où nous avons des postes de police. Chaque inspecteur de police, qui est responsable d’une région, doit surveiller son bébé comme on dit. Ce n’est pas moi qui vais le surveiller pour lui. Il doit s’assurer qu’il y a cette présence et que ses policiers sont également conscients d’un problème quelconque. Ils doivent appliquer cette politique de zéro tolérance. Ne le font-ils pas actuellement ? Je ne dis pas qu’ils ne le font pas. Je vous dis simplement que j’ai passé le message : ils doivent veiller au grain à ce qui se passe devant leur porte. Dans le discours des autorités sur la sécurité routière, il y a beaucoup d’accent sur la répression qui intervient quand le mal est déjà fait. Que faites-vous au juste en termes de prévention ? La répression est déjà là. La police applique la loi dans toute sa rigueur. Nous avons le Cumulative Traffic Offense (NdlR : le système qui remplace le permis à points) qui a un effet dissuasif. Votre permis de conduire peut être suspendu par une cour de justice, si vous cumulez six délits graves. Mais l’effet ne sera pas immédiat. Cela prendra du temps avant que les automobilistes ne cumulent ces offenses. L’important est de ne pas prendre d’actions cosmétiques. Il faut que les gens ressentent cette présence policière. Diriez-vous que les policiers sont passifs ? Je ne dis pas qu’ils sont passifs. Laissez-moi vous donner un exemple. La Traffic Branch  gère le trafic du matin à l’après-midi sur l’autoroute. Nous devons nous assurer que la circulation est fluide. Mais même pendant qu’ils règlent la circulation, s’il y a quelqu’un qui enfreint la loi, les effectifs de cette unité doivent appliquer la loi contre la personne. Pourquoi on leur donne des motos ? En plus, votre action laissera une empreinte sur la psyché des personnes qui en sont témoins. D’ailleurs, nous avons créé une unité : la Trafic Enforcement Squad. Est-elle déjà opérationnelle ? Ça fonctionne déjà. On a lancé un appel d’offres pour 40 motos à Rs 35 millions. Pour l’instant, on y compte 27 policiers. Parmi, il y a dix femmes. C’est la première fois qu’on aura des motards femmes. Je voulais qu’il y ait des éléments féminins. Elles ont complété leur formation préliminaire. Maintenant, elles font le on the job training. La presse révèle qu’il y a plus d’accidents cette année depuis la réactivation des radars de vitesse. Comment expliquer cette situation ? En termes d’accidents, nous avons neuf de plus que l’année précédente. Mais il faut préciser qu’il n’y a eu aucun accident fatal là où il y a des speed cameras. Je crois que les automobilistes sont conscients de la réalité. Que les radars soient opérationnels ou pas, ils ralentissent. Les accidents ont lieu là où il n’y a pas de speed camera. Avant l’installation des radars, y avait-il des accidents à ces points précis ? Je vous donne un exemple : le radar de Sorèze. J’ai personnellement insisté pour qu’on y place un. C’est là où est survenu l’accident de l’autobus qui a fait dix morts. Tout juste avant, il y avait un camion frigorifié qui avait fait un accident dans cette région précise. Pour chaque accident rapporté à la police, le sergent de service se rend sur place et marque le lieu exact de l’accident par GPS. La Traffic Management and Road Safety Unit compile le tout et décide en fonction où placer les radars. C’est scientifique. L’annulation du permis à points pourrait-il être responsable de la recrudescence des accidents de la route ? Il y avait un vide après l’annulation jusqu’à l’entrée en vigueur du Cumulative Traffic Offense. Pendant cette période, la discipline liée au permis à points avait disparue. Maintenant, on commence à la retrouver graduellement. Avez-vous pris beaucoup de contraventions passibles de mener à la suspension du permis de conduire depuis que ce système existe ? 1 123 au total au 1er octobre. Mais c’est vraiment une fraction de toutes les autres contraventions. Un grand nombre de mesures que vous préconisez concerne les deux-roues. Daniel Raymond, nouveau spécialiste de la question au ministère des Infrastructures publiques, a indiqué qu’il y en a beaucoup plus chez nous qu’à La Réunion... Les motocyclettes sont un de nos plus grands défis. C’est une nécessité économique car les gens n’ont pas tous les moyens de se payer une voiture. Le problème, c’est qu’à 18 ans, on peut être conducteur apprenti et rouler sa moto à vie. Il n’y a pas de méthodologie, ni de réelle formation. Est-ce le nombre de motos qui est à l’origine du problème ou l’absence de réglementation ? Nos infrastructures routières sont limitées. Nous sommes dépassés par le nombre de véhicules sur nos routes. Fin 2014, on en comptait 465 052. Pour les deux-roues, 191 675. Nous avons mené une étude et nous nous sommes rendus à l’évidence que dans la plupart des accidents, les motocyclistes perdent le contrôle de leur engin. Or, une grosse majorité de ces motos est importée de la Chine. Nous avons écrit au ministère des Infrastructures publiques pour demander si ces motos sont aux normes. La charge de Motor Manslaughter annoncée dans les cas d’accidents fatals aura-t-elle un effet dissuasif ? Cette charge serait incluse dans le Criminal Code. Donc, la sanction est sévère. Il n’y a pas d’amende, mais uniquement une peine d’emprisonnement. Cela aura un effet dissuasif énorme. Mais bien sûr, il faudra qu’il y ait des circonstances aggravantes. Tous les cas d’accidents fatals ne seront pas concernés.
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