« Mo enn viktim mo palmares, mo passe ki pe suiv mwa ». Propos de David Gaiqui, que nous avons rencontré à son retour chez lui vendredi après-midi. Après une semaine derrière les barreaux, il est revenu sur son calvaire aux mains des limiers de la CID de Curepipe. Vendredi matin, les charges provisoires ont été rayées sur ordre du Directeur des Poursuites Publiques.
Libre. David Gaiqui est rentré chez lui, vendredi, après une semaine passée derrière les barreaux et à l’hôpital Brown-Séquard. Un peu plus tôt, il a comparu en cour où, en l’absence de preuves, les charges provisoires qui pesaient contre lui ont été rayées sur ordre du Directeur des poursuites publiques (DPP).
D’emblée, il laisse entendre qu’il a commis des erreurs « comme tout le monde ». « Monn aret aste kiksoz kokin. Monn sanz mo lavi », dit-il. « J’ai une famille, des enfants, un job. La police n’avait rien contre moi. J’ai passé une semaine cauchemardesque avec toute cette médiatisation qui a affecté ma famille et moi. »
Cet habitant de Pailles évoque deux cas de possession d’objets volés en 2010. Il dit avoir avoué son forfait aux limiers de la CID de Port-Louis Sud et il avait écopé d’amendes. Citant un cas de vol de carburant où il avait été mis en cause, David Gaiqui explique avoir été accusé à tort par un suspect. « Ti enn vanzans sa. Li ti riss mwa ladan ». Il dit avoir retrouvé la liberté contre une caution. Pour ce qui est d’un braquage dans une succursale du Central Electricity Board à la rue Desforges, il lancera « sanla mo pa ti ladan ».
Il ajoute avoir été condamné à 12 mois de prison à l’âge de 22 ans. « C’était pour un braquage en 1999 ». Il avoue qu’il était impliqué dans ce cas de braquage dans une boutique à Tranquebar. Un policier avait tiré un coup de feu pour faire fuir sa bande. Mais ce n'était rien comparé à la semaine dernière quand il a été coincé par la brigade criminelle de Terre-Rouge, puis livré à celle de Curepipe.
«Tir to linz»
Entouré de son épouse et de ses enfants, David Gaiqui nous parle de son arrestation à son domicile. « C’est après une fouille chez mon frère que la police est venue chez moi le vendredi 26 janvier. Les limiers m’ont conduit chez mon frère et chez ma mère. J’ai coopéré. Nous sommes ensuite allés au poste de Curepipe », soutient-il.
Le père de famille nous raconte qu’à ce moment-là, il ne savait pas pourquoi on l'avait emmené au poste de police et ce qui l’y attendait. Il raconte qu'il est 5 h 15 quand on le conduit au premier étage du bâtiment. « Tir to linz lor twa », lui lance un policier. « Mo pa ti kone kifer zot inn aret moi zot pe dir moi tir linz ». David Gaiqui dit qu’il a pris place sur une chaise, tout nu, devant les policiers pendant 30 minutes. Selon notre interlocuteur, il a été torturé en présence de sept policiers, dont une femme. « De ladan inn koumans batt mwa ».
Quelques minutes plus tard, des menottes lui sont passées aux pieds et aux mains sur ordre d’un policier. « Mo lame ti menote dan ledo, e monn gagn calot ek koutpie ! » David Gaiqui soutient que les policiers lui ont demandé d’avouer un cas de vol. Il dit avoir été brutalisé, forcé à s’allonger sur le parquet. « J’ai été recouvert d’un ‘goni’ et ils ont versé de l’eau sur mon visage. Ils m’ont agressé avec une torche électrique. » Puis, ajoute-t-il, un policier a demandé à ses collègues d’arrêter de le tabasser. « Mo pa kone si la sans ou la malsans mo avoka inn tir foto la. » La photo aurait été prise peu avant qu’il ne se rhabille pour rencontrer son homme de loi.
Il balaie la thèse qui indique qu’il aurait été contraint de se dévêtir pour les besoins d’une fouille. « Pa ti pe fer la fouy nanie. Enn erdtan monn res koumsa », a-t-il déclaré à sa sortie du tribunal de Curepipe. Ce chauffeur de van dit qu’il s’est senti « humilié et blessé ».
David Gaiqui explique cependant qu’il ne s’imaginait pas qu’il obtiendrait tant de soutien. « Merci à tous. J’espère que les cas de torture ne se reproduiront plus. » Selon le jeune homme, ce n’est que lundi, lors de sa comparution en cour, qu’il a appris que l’affaire avait été hautement médiatisée. Il indique avoir constaté un changement d’attitude de la part des policiers à son égard le lendemain et que lors d'une de ses comparutions, samedi 26 janvier, une autre équipe de la CID lui avait servi d’escorte.
David Gaiqui dit qu’il ne souhaite à aucun Mauricien de vivre une telle « humiliation ». Ce message, il l’adresse à ceux qui le critiquent sur les réseaux sociaux. « Zame personn pan trouv mwa rant dan lakaz, zot akize koumsa ». À partir de ce lundi, il reprendra son train de vie habituel. « Mo enn sofer van, mo pu real travay », non sans oublier de mentionner qu’il compte entamer un procès pour réclamer des dommages.
Roselle Gaiqui : «La lutte continue»
Roselle Gaiqui, l’épouse de David, demande que les Mauriciens les aident à poursuivre la lutte contre la brutalité policière. Elle a exprimé sa gratitudes envers tous ceux qui les ont soutenus. « Je remercie les frères Rutnah, Me Goodarry, et Me Dulloo, entres autres. On n’oubliera jamais ce qu’a fait Me Goodarry. On va le soutenir. »
Un sergent et deux constables transférés
Deux constables et un sergent ont été transférés de la CID de Curepipe. L’ordre a été émis vendredi 2 février. Me Neelkanth Dulloo prévient que les policiers pourront être poursuivis à titre personnel pour avoir brutalisé son client. L’avocat affirme que ce transfert est « une première victoire mineure ».
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