L’affaire des coffres-forts pourrait ouvrir la voie à d’autres inculpations pour Navin Ramgoolam. Le Directeur des poursuites publiques a demandé à l’Integrity Reporting Services Agency et à la Mauritius Revenue Authority de creuser davantage pour voir s’il y aurait d’autres inculpations potentielles.
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Dans un communiqué émis vendredi, le bureau du DPP invite l’Integrity Reporting Services Agency (IRSA) et la Mauritius Revenue Authority (MRA) à se mêler de la partie.
C’est le Commissaire de police qui se chargera de communiquer le dossier complet à l’IRSA et à la MRA. « The Director of Public Prosecutions has furthermore advised the Commissioner of police (a) to make a written report to the Integrity Reporting Services Agency under section 9 (2) of the Good Governance and Integrity Reporting Act and (b) to refer their enquiry to the Mauritius Revenue Authority for possible revenue offences », peut-on lire dans le communiqué.
Dans l’éventualité que l’IRSA et la MRA estiment que Navin Ramgoolam a commis une infraction sous leur loi-cadre respective, l'ex-PM pourrait à nouveau être inculpé formellement devant la justice.
Dans son communiqué, le bureau du DPP revient sur l’historique de cette affaire. Une équipe de Senior Officers a été mise sur pied au sein du bureau du DPP pour se pencher sur le dossier de la police et de déterminer s’il y a matière à poursuites contre Navin Ramgoolam. C’est ainsi que ces Senior Officers ont recommandé l’inculpation de Navin Ramgoolam sous l’article 5 de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA). Le DPP a agi en conséquence.
Ses démêlés avec la justice
Navin Ramgoolam a fait face à cinq arrestations et 12 accusations provisoires en 2015. La plupart de ces accusations ont été rayées, mais l’ancien Premier ministre est loin d’être tiré d’affaire sur avis du DPP.
26 juin 2015 : Navin Ramgoolam est arrêté pour la cinquième fois. Il lui est reproché d’avoir exercé des pressions sur l’ancien ministre Mahen Gowressoo afin qu’il favorise Veekram Bhunjun, directeur de Betamax, pour le transport de produits pétroliers. Il fait l’objet de deux charges provisoires : entente délictueuse et « influencing public official ». Les délits auraient été commis entre septembre 2008 et janvier 2009, à la New Government House, Port-Louis.
Navin Ramgoolam doit verser deux cautions de Rs 15 000 et signer deux engagements de dette de Rs 1 M chacun pour retrouver la liberté conditionnelle. Le DPP conclut par la suite qu’il n’y a aucune matière à poursuites et les accusations provisoires sont rayées. Par ailleurs, le Commissaire de police a réclamé une révision judiciaire de la décision du DPP devant la Cour suprême. Le 14 septembre 2017, l’affaire a été débattue devant cette instance judiciaire et jugement est attendu.
3 juin 2015 : L’ex-PM est inquiété dans le sillage de l’affaire Dufry-Frydu. Il est soupçonné d’avoir comploté avec la femme d’affaires Nandanee Soornack et d’autres personnes pour blanchir Rs 100 millions. Il a fait face à une accusation provisoire de « bribery for procuring contracts » et de « conspiracy to money laundering ». Il est libéré contre deux cautions de Rs 50 000 le lendemain. Il est également sommé de signer deux engagements de dette de Rs 500 000. Les délits se seraient produits entre août 2011 et décembre 2014. Une nouvelle fois, les accusations provisoires ont été rayées.
26 mai 2015 : Un nouveau scandale allégué atteint Navin Ramgoolam. Il fait face à trois accusations provisoires de « public official using office for gratification » dans le sillage de l’enquête sur l’octroi des terres de l’État. Il a dû verser trois cautions de Rs 50 000 et signer trois engagements de dette de Rs 500 000. Les accusations provisoires ont été encore une fois rayées.
15 mai 2015 : Navin Ramgoolam est au cœur d’une nouvelle polémique. Il s’agit de l’affaire Bramer House. Il est arrêté et inculpé provisoirement de blanchiment d’argent, d’entente délictueuse et de faux. Il est libéré contre trois cautions de Rs 100 000 et trois engagements de dette d’un million de roupies. L’ancien Premier ministre s’en sort, car les accusations provisoires ont également été rayées.
5 février 2015 : Navin Ramgoolam est rattrapé par son passé. Une perquisition a été effectuée en sa demeure à Riverwalk dans le cadre de l’enquête sur le cambriolage de son campement à Roches-Noires dans la nuit du 2 au 3 juillet 2011 et qui débouche sur la saisie de Rs 220 millions. Il est inculpé provisoirement d’entente délictueuse et de blanchiment dans l’affaire Roches-Noires et celle des coffres-forts, respectivement. Il est libéré contre une caution de Rs 200 000 et deux engagements de dette de Rs 500 000 le lendemain.
À ce jour, Navin Ramgoolam fait face à des accusations formelles dans ces deux affaires uniquement.
Réactions
Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition : « Je commenterai la décision du Directeur des poursuites publiques au cours de ma conférence de presse, samedi matin, après avoir pris connaissance du communiqué dans son intégralité. »
Patrick Assirvaden, président du PTr : « On maintient que c’est l’argent du Parti travailliste (PTr). Dans tous les partis politiques il y a cette fortune de guerre. à Maurice tous les partis politiques reçoivent des donations, que ce soit le Mouvement socialiste militant (MSM), le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD). Au Ptr, on fait confiance à la justice. On se demande si tous les partis politiques sont sur le pied d’égalité. »
Rajen Bablee, directeur de Transparency Mauritius : « La commission électorale doit pouvoir enquêter sur les dépenses des politiciens. » Propos de Rajen Bablee de Transparency Mauritius. Pour cela, l’organisme dit espérer que les pouvoirs annoncés dans la Constitution, sous l’article 41, soient enfin promulgués. Cela permettrait alors à la commission électorale de s'enquérir sur les dépenses des politiciens. Pour Rajen Bablee, l’affaire des coffres-forts serait le sommet visible d’une gangrène qui affecte la bonne marche de notre démocratie. Ce faisant, c’est une ouverture aux fléaux de la corruption, aux abus et aux risques de blanchiment d’argent, provenant des activités illicites. Pour Transparency Mauritius, c’est toute la classe politique qui doit être pointée du doigt car le besoin d’instaurer un cadre légal pour le financement a toujours été retardé. L’argent retrouvé chez Navin Ramgoolam serait dérisoire par rapport au montant qui circule lors de campagnes électorales, selon Rajen Bablee.
Jack Bizlall, observateur politique : « Après la somme découverte, les autorités auraient dû avoir recours à Interpol et aux législations internationales pour déterminer d’où provient l’argent de Navin Ramgoolam. Notamment par rapport aux cartes de crédit saisies chez lui. Cette somme ne représente que la partie émergée de l’iceberg. Il aurait fallu vérifier les comptes bancaires des personnes de son entourage, afin de déterminer l’étendue de son réseau. On aurait su qui sont ceux qui s’adonnent à du blanchiment et à l’évasion fiscale. Une fois pour toutes, on aurait pu avoir une idée comment un politicien amasse un tel pactole. En tant que simple citoyen, je suis convaincu qu’il n’est pas le seul chef de gouvernement ou ministre qui reçoit de l’argent. Il faut savoir si des sommes semblables ont été payées à d’autres dans son gouvernement, dans celui d’avant et celui d’après. »
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