Le recrutement se fait rare dans certaines activités. Plusieurs opérateurs n’ont pas la capacité de payer un salaire de Rs 9 000 aux nouvelles recrues. Tour d’horizon !
PME
Un obstacle à l'embauche
Maya Sewnath, directrice de SSS Furniture, et membre de la Fédération des Petites et moyennes entreprises (PME), est catégorique. « Nous ne recrutons plus et nous ne remplaçons plus ceux qui partent. L’explication est simple. Nous n’avons pas les moyens de recruter. D’une part, nos coûts d’opération ont grimpé.
D'autre part, la vente a diminué. Les clients réfléchissent à deux fois avant de faire des achats », explique notre interlocutrice. À titre d’exemple, ajoute-t-elle, dans le secteur de l’ameublement, les Mauriciens n’achètent plus une chambre complète.« Ils ne prennent que l’armoire ou le lit. Ceux qui achètent les deux ne prennent plus de commode ou de coiffeuse. Si nos ventes étaient en hausse, nous n’aurions pas eu des difficultés à payer le salaire minimal », avance-t-elle.
Maya Sewnath fait ressortir que certaines PME ont même dû avoir recours au licenciement. Ce sont surtout les helpers qui sont mis sur la touche (Ndlr : ces derniers percevaient un salaire entre Rs 6 000 et Rs 7 000 avant l’introduction du salaire minimal). Et Christophe Aucher, expert en solution emploi et créateur du site hellojob.mu à Maurice, de conclure : « Les PME ont, en effet, plus de difficultés à payer le salaire minimal. Ce qui explique qu’elles ne veulent ou ne peuvent pas recruter. Par contre, dans la construction, les petits opérateurs sont en train de recruter car il y a pas mal de chantiers en ce moment. »
Commerce
Les jeunes sans expérience laissés sur le carreau
« D’habitude, nous recrutons quasiment chaque année. Mais, dorénavant, nous ne pouvons plus nous le permettre », avance Siddick Caunhye, directeur de la chaîne de bijouterie Caunhye Bijoux (Ndlr : il possède cinq magasins à travers l’île). Bien au contraire, ajoute-t-il, « nous avons dû licencier cinq personnes ». Raison évoquée : la clientèle est en baisse.
« Dans une telle conjoncture, nous ne pouvons pas recruter », avance-t-il. Une stratégie qu’a adoptée également le propriétaire de trois magasins d’objets divers qui préfère garder l’anonymat.
« Depuis janvier, nous ne recrutons personne, alors que nous avons l’habitude d’embaucher des jeunes tous les ans », prévient-il. Si auparavant un jeune sans expérience touchait Rs 5 000 à Rs 6 000 en travaillant comme ‘salesperson’, les opérateurs doivent aujourd’hui les payer entre Rs 10 000 et
Rs 12 000 (salaire minimal et heures supplémentaires). « C’est une charge trop élevée. D’ailleurs, avec l’introduction du salaire minimal, notre masse salariale a augmenté de 50 % », explique notre interlocuteur. Ce qui l’a poussé à licencier deux employés sur un total de onze personnes.
« Entre-temps, deux autres employés, sont partis, mais nous ne les avons pas remplacés et nous ne comptons pas le faire », ajoute-t-il. Une situation qui n’étonne pas Raj Appadu, le président du Front Commun des Commerçants de l'île Maurice. « Si les secteurs qui font des profits peuvent se permettre de payer le salaire minimal, dans le commerce, la réalité est tout autre car la clientèle a drastiquement baissé. Comment payer davantage les employés ou encore recruter des gens quand les caisses se remplissent à peine ?
Il faut que le gouvernement vienne à la rescousse des petits commerces car la situation devient intenable», recommande Raj Appadu.
Textile
Gel des offres d'emploi dans certaines usines
Depuis l’introduction du salaire minimal, plusieurs petits et moyens opérateurs du textile ont dégraissé leur personnel, dévoile Maxime Koon, président de la Textile and Apparel Manufacturers Association. Dans un tel cas de figure, fait-il ressortir, la question de recrutement ne se pose même pas. « Le textile est un secteur fragile. Les petits et moyens opérateurs étaient déjà affectés par une réduction de commande. De plus, les coûts de production ont augmenté avec cette hausse salariale. Recruter revient à se tirer une balle dans les pieds », souligne-t-il.
Par contre, si certains opérateurs ne comptent pas recruter, d’autres envisagent toujours de le faire. « Notre stratégie de recrutement ne change pas car c’est liée au planning du travail. Si nous ne remplaçons pas ceux qui partent, nous aurons des difficultés à maintenir nos commandes. Nous devrons alors réduire notre production. Chose que nous ne pouvons nous le permettre. Nous comptons donc recruter aussi longtemps que nous aurons besoin du personnel », avance Zul Juddoo, Head of Operations chez Aquarelle, tout en précisant que le paiement du salaire minimal pèse lourd sur la profitabilité et la compétitivité de l'entreprise.
Grandes surfaces
Enrôlement en baisse chez certains, aucun changement chez d’autres
« Avant l’introduction du salaire minimal, nous sommes devenus plus prudents au sujet du recrutement. Nous recrutons que le strict nécessaire », indique Nooreza Fauzee, directrice financière chez Dream Price. Qu’en est-il des autres opérateurs ? « On payait déjà nos employés au-delà du salaire minimal. Donc, rien ne change pour nous », souligne Yusuf Sambon, importateur et directeur de Lolo Hypermarché. « Le paiement du salaire minimal a eu très peu d’impact sur nos coûts d’opérations et il n’affecte en rien notre capacité de recruter les gens. Bien au contraire, le secteur fait face à un manque de personnel. Ce problème est d’ailleurs chronique », renchérit Nicolas Kan Wah, Manager de London Way. Antonio Maurer, gérant du supermarché Chez Popo, abonde dans le même sens.
« Nous avons quelques postes à remplir. Et c’est difficile d’avoir du personnel car les gens ne sont pas disposés à travailler les week-ends », souligne ce dernier. Et Nicolas Kan Wah d’ajouter : « Les mères tout comme les pères de famille ne veulent ou ne peuvent pas travailler les week-ends et les congés publics en raison de leurs engagements familiaux. Le fait qu’on ouvre tôt pour terminer tard diminue aussi l’attractivité du secteur. »
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