Daneshwar Puchooa, doyen de la faculté d’agriculture de l’UoM : «Notre culture alimentaire doit changer»

En votre qualité de doyen de la faculté d’agriculture de l’Université de Maurice (UoM), quelle est, selon vous, la principale source d’inquiétude dans le secteur de l’alimentation ?
Il y a de la part des Mauriciens une prise de conscience des effets directs de l’agriculture sur notre alimentation. L’importance accordée à la sécurité alimentaire de nos concitoyens n’a jamais été aussi grande. La production agricole et agro-industrielle est suffisante pour éviter les pénuries. La qualité sanitaire des produits est bonne, grâce aux normes d’hygiène et aux contrôles. L’intensification des méthodes de culture augmente les rendements. Nous pouvons produire suffisamment pour satisfaire les besoins du pays à des prix abordables.

Une source d’inquiétude est l’utilisation abusive d’antibiotiques dans l’élevage d’animaux. La résistance aux antibiotiques est une des menaces les plus répandues à travers le monde. Elle est déjà responsable de près de 700 000 décès par an.

Comment peut-on changer notre modèle d’agriculture ?
La filière des légumes est un maillon important de l’agriculture de Maurice. Environ 85 % de la production locale provient des petits planteurs et les 15 % restants des établissements sucriers et autres gros planteurs. Cela démontre le rôle important des petits producteurs dans l’alimentation de la population.

En identifiant les défis de notre planète, nous constatons aussi que nous sommes confrontés à des enjeux : changement climatique, épuisement des énergies fossiles, vieillissement, inégalités croissantes et déséquilibres socio-économiques, et perte de la biodiversité.

Quels pourraient être les axes de relance dans le secteur ?
Il faudrait mieux valoriser nos produits d’antan. Notre culture alimentaire doit impérativement changer. La pomme de terre, le manioc, le maïs et le fruit à pain doivent devenir des aliments de base. Cela réduirait notre dépendance du riz et de la farine.

Parlons à présent du macadamia. Représente-t-il une bonne alternative pour les planteurs de canne ?
Le macadamia est un arbre qui atteint sa pleine maturité à 12 voire 15 ans. Il mesure alors 15 mètres. Les premières noix sont produites quand l’arbre atteint cinq ou six ans. Mais le rendement demeure relativement faible jusqu’à 10 voire 12 ans. Tout planteur qui souhaiterait se lancer dans cette activité devrait attendre une décennie avant de songer à faire recette. La culture du macadamia devrait se faire sur les terrains abandonnés par les planteurs de canne à sucre.

Dispose-t-on des compétences nécessaires pour ce type de culture ?
Nous avons besoin de spécialistes en la matière : culture, recherche, développement, protection contre les maladies, production de semences de qualité, gestion de pépinières et commercialisation. La sécurité alimentaire ne signifie pas seulement produire ce qui est traditionnellement consommé. Il s’agit aussi d’explorer de nouvelles possibilités qui renforceront les efforts nationaux en matière de sécurité alimentaire.