Société

Cyber harcèlement chez les jeunes : Dérives en un clic

Avec 82 cas rapportés en 2013 et 70 en 2014, le cyberharcèlement continue à gagner du terrain… Même si ce phénomène ne concerne pas uniquement les jeunes, ils demeurent les personnes les plus à risques, d’où la nécessité, selon les autorités, de tirer la sonnette d’alarme. «J’ai failli perdre ma fille », confie Anoushka au Défi Quotidien. Nous sommes à Curepipe chez cette mère de famille de quatre enfants. Il y a trois ans, sa fille Marine, 16 ans à l’époque, a fait une tentative de suicide. Si l’adolescente souhaite garder l’anonymat, sa mère estime nécessaire d’évoquer le calvaire que sa fille a enduré. « Il faut mettre les jeunes en garde », insiste la maman. « Marine était en Form V. Elle a toujours eu des problèmes de surpoids. Durant un jeu entre amis, elle a trébuché, et elle est tombée dans la cour de l’école. La scène a été filmée sur un téléphone portable… » Vous devinez aisément la suite. « Le lendemain, la vidéo de celle qui est ma vie était partagée, via l’application Bluetooth, de portable à portable, entre une cinquantaine de collégiens. » Et Anoushka de poursuivre : « Ce jour-là, Marine est rentrée en larmes à la maison. Elle ne voulait pas nous parler et s’est enfermée dans sa chambre. Pendant les deux jours qui ont suivi, elle a refusé de se rendre au collège. L’un de mes neveux, qui a visionné la vidéo, est venu m’en parler. Quand j’ai tenté d’évoquer le problème avec ma fille, elle s’est révoltée contre moi. Elle a même tenté de se suicider. » Et d’ajouter : « Elle a vite compris que de nombreuses personnes de son collège avaient vu la vidéo… » La mère explique, par ailleurs, que sa fille a eu plusieurs séances avec une psychologue et elle a été contrainte de changer d’établissement scolaire. Pourtant, aux dires d’Anoushka, cette vidéo ne contenait aucune image obscène. Ce sont surtout les remarques déplaisantes de ses camarades qui ont profondément humilié l’adolescente. Selon le psychothérapeute Sam Coomar Heeramun, dans de nombreux cas, il suffit de peu pour qu’un adolescent se replie sur lui-même. Il ajoute que les cas de cyberharcèlement sont encore plus graves que le harcèlement proprement dit. « Toute victime qui est harcelée risque de sombrer dans une dépression. Cependant, la différence fondamentale entre le harcèlement ‘ordinaire’ et le cyberharcèlement, c’est la vitesse à laquelle les messages se propagent et le nombre de personnes qui se retrouvent impliquées. » Il ajoute : « Il est essentiel de ne pas culpabiliser les victimes de cyberharcèlement, mais, au contraire, les encourager à dénoncer leurs prédateurs… Cela peut avoir des conséquences terribles et peut vous pousser au suicide… » [blockquote]« Sur Internet, vos souvenirs sont éternels… vos erreurs aussi »[/blockquote] C’est ainsi que débute la bande-annonce du film d’horreur ‘Unfriended’ où une jeune lycéenne se suicide trois jours après la diffusion d’une vidéo sur le net. Loin du monde cinématographique, le cyberharcèlement reste alarmant, partout dans le monde, y compris à Maurice. Selon les derniers chiffres du National Computer Board, des 225 cas enregistrés depuis le début de l’année, 22 cas sont liés au cyberharcèlement… Les campagnes de sensibilisation continuent, car ce phénomène peut réellement transformer votre vie en film d’horreur… La prudence est de rigueur !

Adolescents, comment se protéger sur Internet ?

  • Tout n’est pas pour moi sur Internet. Je choisis des sites pour mon âge.
  • Je ne donne jamais d’informations personnelles sur Internet (nom, numéro de téléphone, adresse, nom de mon école ou de mon club de sport.)
  • Je ne crois pas tout ce que je vois ou lis sur internet. Je réfléchis et je demande conseil à un adulte si je ne suis pas sûr .
  • S’il se passe quelque chose qui me met mal à l’aise, ou que s’affiche une image qui me choque,  j’éteins tout de suite l’écran, et j’en parle à mes parents.
  • Dès qu’on me parle d’argent, ou que l’on me demande d’appeler des numéros de téléphone payants, je me méfie.
  • Je ne donne mes mots de passe à personne, et je les choisis un  peu « compliqués », par exemple en mélangeant des lettres et des chiffres
  • Si on me harcèle sur le web, je ne réponds pas, mais je ne me laisse pas faire et j’en parle à des adultes.
  • Je n’allume pas ma webcam quand je suis en contact avec des gens que je ne connais pas.
  • Je surveille mon langage, je n’insulte ni ne calomnie personne et ne tiens pas de propos blessants, racistes, haineux, etc.
[blockquote]Manish Lobin : « La victime doit en parler… »[/blockquote] Manish Lobin est Information Security Consultant auprès de la Mauritian Computer Emergency Rescue Team. Son travail consiste à sensibiliser le public, et plus particulièrement les jeunes, aux dangers liés à une mauvaise utilisation de l’Internet. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"878","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-717","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"266","alt":"Cyber harc\u00e8lement"}}]]Que conseillerez-vous d’abord à une victime de cyberharcèlement ? Le plus problème le plus grave avec le harcèlement, comme pour d’autres formes de violence, c’est que bien souvent ses victimes en ont honte et n’en parlent pas. C’est ce qui ressort des nombreuses rencontres que nous avons eues avec les jeunes quand nous tenons des causeries. Durant nos campagnes de sensibilisation, nous leur rappelons que le plus important, c’est d’en parler. En parler à un adulte, soit à ses parents soit à un proche en qui l’adolescent a confiance. En parler à ses professeurs à l’école également. Et ensuite, rapporter le cas aux autorités concernées. Comment peut-on combattre ce fléau ? Tout commence par l’apprentissage. Il est primordial que les adultes apprennent à leurs enfants qu’il est mal de donner son numéro de téléphone à tout va. Il faut évoquer ce phénomène de harcèlement, à titre préventif, et surtout l’inciter à en parler. Il faire comprendre à l’enfant qu’il ne doit en aucun cas participer de près ou de loin au harcèlement d’un camarade. Les adultes doivent également apprendre à déceler les signes d’un harcèlement.  Il faut inviter les jeunes à en parler clairement, lui indiquer qu’il n’est pas coupable, lui faire comprendre qu’il est important de ne pas répondre aux messages et invitations des personnes qu’il ne connait pas. Par contre, il faut lui apprendre à sauvegarder tous les messages reçus de ses harceleurs. Il peut aussi changer de numéro de téléphone, si les messages sont reçus sur son cellulaire. Il faut également contacter et prévenir le réseau social de l’enfant (école, clubs sportifs, grands-parents…) et informer le fournisseur d’accès à Internet. Si le harcèlement persiste, dans les cas les plus sérieux, il faut contacter les autorités concernées. À cette fin, des ‘preuves’ sont toutefois nécessaires pour que ces autorités puissent mener leur enquête. C’est pourquoi vos enfants doivent apprendre à sauvegarder les messages, les conversations et faire des captures d’écran des sessions de chat ou de photos indésirables. Il importe aussi de noter la date et l’heure d’envoi/réception des messages problématiques. Quels sont donc les autres dangers liés à Internet ? D’abord, il y a les contenus choquants.  Certains contenus ne sont pas appropriés pour les enfants. Ils doivent être sensibilisés à ce sujet. Les prédateurs en ligne sont partout aux aguets. Ces personnes mal intentionnées peuvent exploiter vos données personnelles, et même les utiliser à des fins commerciales abusives. Il faut absolument éviter de divulguer son nom, son âge, son adresse, son numéro de téléphone, son mot de passe, ses photos ou toute autre information confidentielle. Par ailleurs, les enfants sont souvent exposés à des images sexuelles et autres situations scabreuses sur Internet. Il faut donc briser les tabous autour de l’Internet et de la sexualité. Il est donc fondamental de poser les bases du dialogue sur ces sujets, afin que votre enfant puisse poser des questions et vous parler en cas de souci.

Reina J, 29 ans : « Mon ex a menacé de faire circuler des photos de moi nue »

Cette jeune femme vit toujours dans la peur. Même si elle a porté plainte et que son ex-petit ami a juré avoir effacé toutes les photos compromettantes et a promis de ne plus la harceler, elle reste sur ses gardes. « Mone gagne ene leson », lance-t-elle d’emblée. « Jamais, je n’autoriserai quelqu’un à prendre des photos de moi toute nue. Je me suis laissé emporter par les sentiments que j’avais pour lui. Je pensais que c’était l’homme de ma vie et que c’est avec lui que je me marierai. Les premières fois qu’il m’a proposé de me prendre en photo, j’ai refusé, puis je me suis prêtée au jeu. Aujourd’hui, je le regrette amèrement. Cela fait huit ans que nous sommes séparés, mais j’ai toujours très peur que ces photos refassent surface. Quand nous nous sommes quittés, il a menacé de les faire circuler sur le net. J’ai paniqué, puis j’ai porté plainte. Il a promis devant les policiers d’effacer toutes les photos compromettantes et de me laisser tranquille. Cependant, le doute persiste… »

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Où porter plainte ?

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Rapportez le cas à la police ou à CERT-MU sur incident@cert.ncb.mu ou sur le hotline 800 2378

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Ce que dit la loi

Le cyberharcèlement, même s’il n’est pas clairement mentionné dans nos lois, est puni sous certaines législations. Par exemple, l’article 46 (h) de l’Information and Communication Technologies Act 2001 (l’ICT Act) condamne l’utilisation d’un service de télécommunication (Internet ou réseau téléphonique), pour transmettre ou occasionner la réception d’un message (tant via SMS ou de vive voix) qui soit de nature grossière, indécente, obscène ou menaçante ou qui pourrait causer des inconvénients, ou les aggraver et cause des soucis inutiles à autrui. L’article 47 de l’ICTA stipule qu’une personne jugée coupable par la cour risque de se voir infliger une amende allant jusqu’à Rs 1 million et une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Conseils aux parents

  • Installer et paramétrer le contrôle parental
  • Faire de sorte qu’Internet soit un sujet dont on puisse parler, comme tout le reste d’ailleurs, en famille.
  • Éveiller chez l’enfant l’esprit critique face à ce média particulièrement fascinant : veiller à ce qu’il ne soit pas passif face à l’écran et au flux d’informations qu’il reçoit et qu’il émet.
  • Lui donner des bases techniques et méthodologiques pour s’orienter sur le web
  • Lui apprendre à compléter les formulaires en ligne avec précaution, sans donner trop d’informations personnelles.
  • Lui dire d’éteindre tout de suite l’écran en cas d’image choquante et d’en parler avec un adulte.
  • Être conscient que navigation et publication sur Internet laissent des traces que l’on ne maîtrise pas le plus souvent.
  • Signaler tout site ou image (pornographie enfantine, incitation ou provocation à la discrimination, à la violence ou la haine) à la police ou à CERT-MU.
 

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