Ils ne sont que deux à revendiquer le titre de « meilleurs marchands de dhollpuri » à Maurice.
À Rose-Hill, le nom de Dewa fait autorité et à Curepipe, c’est celui du « dhollpuri Trou-aux-Cerfs », au pied du cratère, à Camp-Pierrot. La famille de Feizal Ramjauny peut se prévaloir de cinq générations qui ont façonné un dhollpuri unique à Maurice. Feizal Ramjauny nous raconte la longue histoire de ce dhollpuri fabriqué et vendu à son domicile, sous les yeux du client.
« Nous n’avons jamais connu de concurrents, sans doute parce que nos produits sont uniques, et je ne dis pas meilleurs »
« Je n’ai jamais fait mystère de mes méthodes de travail ou des ingrédients dont je me sers. Je raconte tout à celui qui veut savoir », explique Feizal Ramjauny, 50 ans, ce mercredi, jour férié, où il a dû en appeler aux services de sa mère et de ses deux filles, à cause de l’absence des employés. Dans l’après-midi, les clients sont à la fenêtre de la cuisine, qui ouvre presque sur la rue. Les commandes dépassent la dizaine, pêle-mêle dhollpuri et samoussas.
Des Français, emmenés par une jeune Mauricienne, expliquent : « Ça, c’est un vrai produit mauricien. » Dire que quelques années de cela, au décès de son père, Bhai Dick, il rechignait à prendre la succession de ce business, que tous les membres de la famille, des cousines aux petits-enfants, en passant par neveux et nièces, ont contribué à pérenniser. « Mais il y avait tellement de personnes qui étaient venus aux funérailles, tous des clients, que je me suis rendu compte de la popularité de l’entreprise. Puis, mon épouse Fazana m’a encouragé. Le dimanche suivant, je suis retourné aux cuisines », confie-t-il.
L’arrière-grand-père
Le premier à vendre les dhollpuri est l’arrière-grand-père, au siècle dernier, à quelques mètres de sa résidence. Tout le monde participait à la fabrication des dhollpuri, qu’il allait vendre aux « Blancs » des rues avoisinantes, en faisant du porte-à-porte. Après lui, c’est le grand-père Bhai Assim qui prend la relève, la réputation étant déjà assise et avec les mêmes recettes. Il pousse la vente jusqu’à la route Royale, à Curepipe, s’installe devant de Manjoo Fils et même au stade George V. La famille et les parents sont toujours là.
Lorsqu’il décède en 1973, le père de Faizal, Bhai Dick prend le relais et s’appuie, lui aussi, sur l’apport familial. « Mais avec lui, le business se professionnalise. Il emploie une main-d’œuvre à temps partiel et décide de rétribuer les membres de la famille. »
« Ton marron clair »
Comment se présente la vente des dhollpuri à Curepipe durant ces années ? « Nous n’avons jamais connu de concurrents, sans doute parce que nos produits sont uniques, et je ne dis pas meilleurs. Nous avons toujours mis l’accent sur la cuisson, en laissant aux dhollpuri le temps de cuire, ce qui leur donne ce ton marron clair et aussi le fait qu’ils sont fermes, donc ne s’émiettent pas. Puis, il y a le satini, composé de six ingrédients, sans les caris. à l’arrivée, on a un dhollpuri léger, qu’on peut tenir entre ses doigts », explique Feizal. Il se souvient encore de cette fameuse lamal bleu bourrée de dhollpuri au temps de ses ancêtres, qu’on transportait jusqu’à la grande route et qui a fini par donner encore un autre nom à ses dhollpuris.
Aujourd’hui, la grande famille qui formait la main-d’œuvre de ses ancêtres a fini par laisser la place à deux salariés. « Chacun a fondé une famille, est parti travailler ailleurs. C’est la vie. Un jour, un des employés a voulu voler de ses propres ailes, en répliquant le dhollpuri qu’il a appris à faire ici. Il n’est pas à Curepipe et j’espère que ça marche pour lui. Il fait un travail digne, et puis le soleil brille pour tout le monde. »
À partir de 8 heures
Chaque jour, à partir de 8 heures, lui et son épouse commencent la partie du travail qui consiste à pétrir et à faire bouillir le dholl, puis la farine, qu’on laisse reposer. « On ne fait jamais un gros volume, juste ce qu’il faut pour que le dhollpuri, une fois cuit, reste chaud. Chez nous, chacun sait comment fabriquer le dhollpuri et aucune tâche n’est réservée à quelqu’un en particulier. Ce qui explique que lorsque les travailleurs sont absents, mes filles se mettent au rouleau pâtissier. La méthode de cuisson a été apprise sur le tas », indique Feizal.
S’il concède que cette activité est très rentable et viable, il se demande encore qui prendra la relève après lui. « Je n’en sais rien », avoue-t-il, sans autant se cacher de cette vérité : « La clientèle a diminué depuis l’apparition des Food Courts, qui sont des espaces familiaux et offrent une véritable diversité gastronomique. On s’est déjà posé la question d’ouvrir une échoppe là-bas, mais j’ai répondu que je ne pourrais pas être à la fois à Curepipe, où j’ai une clientèle fidèle, et dans un de ces Food Courts. Ensuite, je ne suis pas partisan de la cuisine industrielle, je reste un artisan proche de mes clients, qui peuvent assister à la cuisson des dhollpuris », déclare Feizal.
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